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L’impact du contexte familial sur la mobilité internationale des étudiants chinois

2.3 Les conditions politiques, sociétales ou familiales favorables de la mobilité internationale des étudiants chinois

2.3.4 L’impact du contexte familial sur la mobilité internationale des étudiants chinois

Selon les statistiques nationales, pour la plupart des étudiants chinois à l’étranger, la famille constitue le principal acteur qui assure les frais d’études. Ceux qui bénéficient d’une bourse gouvernementale sont au nombre de 7 000 en 2000, ce chiffre augmente à 41 900 en 2015, soit 6 fois plus élevé. Tandis que le nombre d’effectifs qui partent à l’étranger, évolue de 39 000 en 2000 à 523 700 en 2015, soit 13 fois plus élevé. Autrement dit, en 2000, 18 % d’étudiants chinois bénéficient d’une bourse de l’État. Ce chiffre diminue à 8 % en 2015 (Wang, Miao, 2016, voir le tableau ci-dessous).

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Tableau 7 : Répartition des étudiants chinois à l’étranger selon le type de financement dont ils bénéficient (2000-2015)

Année Effectif total (10,000) Effectif bénéficiant d’un financement de l’État (10,000) Effectif d’étudiants financés par leur famille (10,000) % de ceux financés par leur famille Croissance annuelle des effectifs étudiants à l’étranger 2000 3,9 0,7 3,2 81,1 - 2001 8,4 0,8 7,6 90,5 115,4 2002 12,5 0,8 11,7 93,6 48,8 2003 11,7 0,8 10,9 99,1 -6,2 2004 11,5 1,0 10,4 90,9 -2,2 2005 11,9 1,2 10,7 89,9 3,3 2006 13,4 1,3 12,1 90,1 13,1 2007 14,4 1,5 12,9 89,6 7,5 2008 17,9 1,8 16,2 89,9 24,9 2009 22,9 1,9 21,0 91,6 27,5 2010 28,5 2,5 26,0 91,3 24,2 2011 34,0 2,5 31,5 92,7 19,3 2012 40,0 2,5 37,5 93,7 17,6 2013 41,4 3,0 38,4 92,9 3,6 2014 46,0 3,7 42,3 92,0 11,1 2015 52,4 4,2 48,2 92,0 13,9

Source : Ministère chinois de l’éducation, 2016, cité par Centre for China and globalization, 2016, P. 13).

Selon le résultat d’une enquête du ministère chinois de l’éducation sur les cohortes d’étudiants diplômés entre 2010 et 2015, le soutien financier de la famille reste la ressource principale. De plus, ce pourcentage continue d'augmenter entre 2010 et 2015 (de 86 % à 91 %) (Ministère d’éducation de la Chine, 2016, cité par Centre for China and globalization).

Les étudiants chinois à l’étranger sont souvent issus des familles aisées et du milieu urbain : L’école et la famille sont les deux acteurs principaux dans l’éducation des enfants. En 1966, Coleman souligne que le rôle de famille est plus important que celui de l’école dans la réussite scolaire. La fréquentation d’une « bonne » ou « mauvaise » école joue une influence moins importante que le milieu familial. Cinquante ans après, Décobecq confirme dans son mémoire que malgré le rôle incontournable de l’école, les inégalités de réussite scolaire se produisent fortement selon le milieu d’origine des étudiants. Ceux qui sont issus des familles aisées sont ceux qui réussissent le mieux : « La connaissance des pratiques scolaires, la compréhension

des principes d’apprentissage, l’ambition scolaire des parents pour leurs enfants et le soutien scolaire des parents sont les meilleures garanties de la réussite scolaire des enfants »

(Décobecq, 2016, P.7).

Il est vrai que les enfants issus des classes supérieures ont de meilleurs résultats scolaires que les enfants issus de classes défavorisées (Bourdieu, Bihr et Pfefferkorn, 2008). Pour autant, la transmission culturelle et les codes sociaux, ne sont pas automatiques ni systématiques. Cette transmission peut être biaisée par les autres conditions de la vie quotidienne. Certaines études

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montrent que l’échec scolaire pourrait aussi s’expliquer par le manque de motivation, par l’incapacité dans les études ou par d’autres raisons. Ainsi le milieu familial n’est peut-être pas suffisant pour expliquer l’échec scolaire des enfants (Henri-Panabière, 2010).

Avec le développement économique, un grand nombre de citoyens entrent dans la catégorie de « classe moyenne ». Selon une enquête nationale, 85 % de Chinois de classe moyenne souhaitent envoyer leur enfant à l’étranger pour faire les études supérieures, dont 35 % affichent leur volonté d’envoyer l’enfant à l’étranger pour poursuivre les études dès le lycée (Wang, Miao, 2014).

Selon les statistiques, parmi les lycéens et ceux en premier cycle d’études à l’étranger, les profils des parents sont spécifiques. Pour la mère ou le père, au moins un entre eux a un niveau d’études élevé, un salaire important ou un poste important. Parmi mille parents enquêtés, la majorité (70 %) a un diplôme de Licence ou plus élevé et la plupart a un pouvoir de décision dans leur organisme du travail. 60 % d’enquêtés ont un revenu familial annuel dépassant 300 000 rmb (37 500 en euros). Plus de la moitié (55 %) dépense plus de 200 000 rmb (25 000 euros) pour l’éducation de l’enfant (Wang, Miao, 2014). Parmi tous les étudiants chinois en mobilité internationale, ceux qui sont issus des villes importantes sont majoritaires. Par exemple, la part des résidents de Pékin est 15 fois plus élevée que ceux qui sont issus de Haikou (Centre for China and globalization, 2017).

Le chercheur Liu Yunshan explique qu’entre 1978 et 2005, à l’université de Pékin, l’une des plus renommées de Chine , la part d’étudiants issus des zones rurales a diminué régulièrement. Cette proportion était de 30 % entre 1978 et 1998. Depuis 1990, le chiffre diminue à 10 %. À l’Université de Qinghua, université également très prestigieuse, cette proportion est de 17 %. Sachant que la part de candidatures issues des zones rurales pour le baccalauréat est de 62 % parmi tous les bacheliers. Ce phénomène n’est pas seulement constaté dans les meilleures universités de la Chine mais aussi dans tous les établissements d’enseignement supérieur renommés depuis 1990 (Cao, 2012).

En effet, pour un étudiant issu de la campagne, le fait d’entrer à l’université induit de profonds bouleversements. D’un point de vue administratif, la mobilité entre les campagnes et les villes est contrôlée (Ma, 2015). Comme Bourdieu et Passeron l’expliquent dans leurs travaux concernant les inégalités sociales : « En fait, le facteur géographique et le facteur social

d’inégalité culturelle ne sont jamais indépendants puisque, on l’a vu, les chances de résider dans une grande ville, où les possibilités d’accéder à l’enseignement et à la culture sont plus grandes » (Bourdieu et Passeron, 1964).

Avant 1980, dans l’enseignement supérieur chinois, la majorité des étudiants étaient issus du milieu rural. Dans certaines universités, la part des étudiants originaires des campagnes atteignait 80 %. Après les réformes du système éducatif dans les années 1980 et 1990, la part de ruraux a diminué rapidement. De nos jours, elle est de moins de 30 % dans les universités importantes. Plus l’université est renommée, moins elle compte d’étudiants originaires de la campagne (Cao, 2012). Les inégalités sociales sont très importantes. Les enfants issus des milieux favorisés ont plus de chance d’accéder aux universitaires renommées. Ceci est d’autant plus vrai avec la marchandisation croissante de l’éducation impulsée par des réformes économiques. Ces inégalités se manifestent fortement selon le lieu d’origine. Les enfants urbains ont non seulement plus de chance à avoir les meilleures sources éducatives en Chine, mais aussi à l’étranger.

54 Le phénomène de l’enfant unique :

La politique de l’enfant unique, a été promulguée le 25 septembre 1980 dans le but de ralentir la croissance de population, d’améliorer les conditions de vie de la population et d’accélérer le développement économique. Cette politique, même si elle n’a pas atteint ses objectifs en termes de baisse de la fécondité dans les premières années de sa mise en œuvre, a créé des générations d’enfants uniques dans les grandes villes chinoises. Dans les villes, on estime qu’entre 1990 et 2005, deux naissances sur trois étaient enfant unique. Dans les campagnes, c’était le cas d’un sur trois.

Les générations nées à partir de 1980 ont atteint l’âge de 18 ans à partir de la fin du 20e siècle. C’est à partir de ce moment que l’enseignement supérieur français a commencé à accueillir un nombre croissant d’étudiants chinois. Bien que l’on ne dispose pas de statistiques sur ce sujet, il est vraisemblable qu’une bonne partie de ces étudiants chinois en France soient des enfants uniques.

Les familles sont de taille de plus en plus réduite, mais cherchent à améliorer les compétences de leur enfant, devenu l’objet de toutes les attentions de la famille dont il est le seul héritier, les diverses dimensions de la transmission familiale se concentrant sur un seul descendant (Attané, 2013). Ces enfants possèdent une valeur symbolique et affective importante. En même temps, ils subissent plus de pression venant de la société et portent plus de responsabilités vis-à-vis de leur famille. Quand l’enfant est jeune, ses quatre grands-parents et ses deux parents s’occupent de lui. En revanche, quand il est adulte, c’est lui qui prend soin de ses deux parents et de ses quatre grands-parents (Lagrée, 2011). Sachant que la Chine a encore une longue marche à accomplir vers une protection sociale universelle et équitable. Dans les zones rurales, ce sont encore souvent les enfants qui prennent en charge leur parents dans leur vieillesse (Hu, Linsen et Schmitt, 2014).

Le nombre moyen d’enfants par femme a diminué, passant de 4,9 en 1970 à 1,8 aujourd’hui. Le seuil du renouvellement des générations est à 2,1. Ce résultat conduit à une population vieillissante où la société manquera de main-d’œuvre pour payer les retraites des personnes âgées. Aujourd’hui, la Chine est l’un des pays où le problème du vieillissement est important. Selon la projection de l’ONU, la proportion des personnes âgées de 65 ans et plus passera de 7 % en 2000 à 23 % 2050. Cette pression démographique posera un défi aux nouvelles générations, qui auront à supporter un fardeau social important (Boquet, 2009).

Dans la tradition, c’est l’enfant qui doit prendre soin de ses parents. Mais l’urbanisation et les transformations sociales ont fait que les enfants se sont éloignés de leur famille. La participation des femmes sur le marché du travail, la hausse importante du prix de l’immobilier et les conditions durcies d’accès au travail rendent plus difficile la cohabitation multigénérationnelle dans un seul appartement. Les enfants n’ont souvent plus la capacité financière de subvenir aux besoins de leurs parents. De plus, le désir de consommation et la montée de l’individualisme chez les jeunes compromettent leur sens du sacrifice (Boquet, 2009).

La réduction des naissances a créé des générations d’enfants uniques, pour qui la réussite économique est impérative. Garçons ou filles, sont soumis à la contrainte de la réussite financière parce qu’ils sont aussi symboliquement qu'économiquement importants pour leur parent (Vendassi, 2012).

De nombreux Chinois souhaitent envoyer leur enfant à l’étranger pour qu’il puisse bénéficier de meilleures conditions d’enseignement. De plus, depuis le début du 21e siècle, des agences

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facilitant les études à l’étranger se multiplient. Les services proposés sont complets : préparation des entretiens à l’ambassade, inscription aux cours pour l’apprentissage du français, mise en contact avec les universités étrangères et obtention du visa, recherche du logement à l’étranger ou ouverture du compte bancaire à l’étranger, etc. Elles ont pour nom « agence intermédiaire » et sont un moyen important et couramment utilisé par les étudiants chinois souhaitant partir à l’étranger (Wang, Miao, 2014).