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1. Introduction

1.1. Les nanoparticules manufacturées

1.1.3. Les risques liés à l’exposition aux nanoparticules

1.1.3.3. Toxicité pulmonaire des NP de TiO 2

Suite à une exposition pulmonaire, les NP de TiO2 peuvent induire des effets toxiques à un niveau local, c’est-à-dire au niveau des poumons mais peuvent aussi avoir des effets extra-pulmonaires expliqués, en partie, par la distribution systémique de ces NP. Les paragraphes suivants ont pour but de décrire les effets pulmonaires des NP de TiO2 actuellement rapportés dans la littérature ; les effets extra-pulmonaires sont décrits plus loin. Les données concernant la toxicité pulmonaire des NP sont principalement venues des études épidémiologiques sur les particules ultrafines de la pollution atmosphérique mais aussi d’études expérimentales sur la toxicité des NP in vitro et dans des modèles animaux.

1.1.3.3.1. Etudes épidémiologiques

Les études épidémiologiques sur la toxicité de la pollution atmosphérique révèlent une association entre l’exposition aux particules de la pollution atmosphérique et des effets délétères sur les poumons comme sur d’autres organes (Oberdorster et al. 2005). Cependant, il

23 est nécessaire de noter que dans la plupart de ces études épidémiologiques, la composante nanoparticulaire n’a jamais été spécifiquement mesurée, et il n’a donc pas été possible d’évaluer les effets spécifiques des particules ultrafines et de les comparer à ceux des plus larges particules. De plus, et pour la même raison, l’effet des particules ultrafines de composition chimique donnée n’a pu être évaluée dans ce type d’étude.

Il existe cependant un nombre, relativement faible, d’études épidémiologiques concernant les effets du TiO2 sur des travailleurs d’usine de fabrication de TiO2. Les résultats d’une de ces études montrent un dépôt de particules de TiO2 (sans indication sur la taille des particules) dans les poumons des travailleurs, associé à une fibrose pulmonaire (Elo et al. 1972). Une deuxième étude menée sur 209 travailleurs a révélé un épaississement pleural associé à une diminution de la capacité ventilatoire chez 17% des sujets (Garabrant et al. 1987). Par ailleurs, il n’a pas été identifié d’association entre l’exposition aux particules de TiO2 et le risque de cancer du poumon dans les études menées chez les travailleurs exposés (Boffetta et al. 2001; Boffetta et al. 2004; Fryzek et al. 2003). Malheureusement, aucune de ces études n’évalue la taille des particules auxquelles les travailleurs sont exposés, ce qui ne présente ainsi que peu d’intérêt pour l’évaluation de la toxicité des NP de TiO2.

Ainsi, bien que les données épidémiologiques concernant les effets des particules micrométriques de TiO2 n’aient pas clairement identifié d’effets délétères chez l’Homme, aucune étude épidémiologique n’existe à ce jour quant aux effets des NP de TiO2 seules. Le manque de données épidémiologiques humaines sur les NP de TiO2 pourrait s’expliquer en partie par le caractère relativement récent de la nanotoxicologie.

1.1.3.3.2. Etudes expérimentales

Les études expérimentales sur la toxicité pulmonaire des NP de TiO2 in vivo regroupent celles utilisant des modèles de souris ou de rats exposés aux NP par inhalation, instillation intratrachéale ou bien oro-pharyngée. La majorité de ces études a principalement fait état d’une inflammation pulmonaire, asssociée à des phénomènes de remodelage pulmonaire (Shi et al. 2013).

Le développement d’une fibrose pulmonaire après exposition aux NP de TiO2 est un des phénomènes les plus décrits. La fibrose pulmonaire se caractérise par la formation et

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l’accumulation de tissu conjonctif fibreux composé de collagène, via une accumulation de myofibroblastes pulmonaires et un remodelage de la matrice extracellulaire. L’étude de Churg

et al., datant de 1999 est une des premières à mettre en évidence le caractère pro-fibrosant

d’une exposition aux NP de TiO2. Les résultats de cette étude indiquent une augmentation de l’expression des gènes codant pour le pro-collagène, le TGF-β et des facteurs de croissance dans des explants de trachée de rats exposés à des NP de TiO2 suggérant ainsi une réponse pro-fibrosante (Churg et al. 1999). Par ailleurs, il a été montré que des rats exposés à des NP de TiO2 développaient une importante réponse inflammatoire associée à des lésions pulmonaires avec une prolifération des cellules épithéliales, un épaississement des parois alvéolaires et une accumulation des particules au niveau de l’interstitium (Bermudez et al. 2002; Bermudez et al. 2004). Cette fibrose, induite par les NP de TiO2, peut être réversible. En effet, une étude menée chez des rats a démontré qu’une fibrose était induite 6 mois après une exposition à des NP de TiO2 de façon chronique (6h/jour, 5jours/semaine pendant 3 mois). Cependant, cette fibrose n’était plus détectable 1 an après la dernière exposition (Baggs et al. 1997). Néanmoins, des résultats différents ont été publiés en 2011 ; l’étude de Morimoto également menée chez le rat exposé par inhalation à des NP de TiO2 n’a pas permis de mettre en évidence un développement de fibrose pulmonaire : aucune modication de l’expression des gènes pro-fibrosants MMP-2 (matrix metalloproteinase 2), TIMP-2 (tissue inhibitor matrix

proteinase 2) et collagène I n’a été observée (Morimoto et al. 2011). Cette différence de

résultats pourrait s’expliquer par le fait que cette dernière étude était basée sur une exposition de 4 semaines seulement, dite aiguë (Shi et al. 2013), probablement pas suffisante pour observer ces phénomènes de remodelage pulmonaire.

L’emphysème pulmonaire est un autre exemple de remodelage tissulaire pathologique. Il est caractérisé par la destruction des parois alvéolaires et conduit à une réduction de la capacité ventilatoire. L’exposition pulmonaire à des NP de TiO2 peut induire des dommages pulmonaires de type emphysème (Chen et al. 2006). En effet, les travaux de Chen et al., ont mis en évidence des modifications histologiques dans les poumons de souris exposées par instillation intratrachéale d’une dose unique de 100 µg de NP de TiO2 : dégradation des septa alvéolaires, lésions de l’épithélium alvéolaire et prolifération et apoptose des pneumocytes de type II. De plus, l’expression génique de plusieurs médiateurs de l’inflammation, dont PlGF (placental growth factor) est augmentée chez les souris exposées. Cependant, une étude récente présente des résultats différents : l’installation intratrachéale d’une même dose de NP de TiO2 chez le rat n’induit pas d’emphysème pulmonaire et n’aggrave pas non plus un

25 emphysème déjà établi (Roulet et al. 2012). Néanmoins, et concernant l’exacerbation de maladies préexistantes, une étude d’Hussain parue en 2011 a démontré qu’une dose plus faible (0,8 mg/kg) de NP de TiO2 administrées par voie oropharyngée pouvait aggraver l’inflammation pulmonaire et l’asthme dans un modèle murin d’asthme induit par le diisocyanate de toluène (Hussain et al. 2011).

Les études expérimentales basées sur l’exposition pulmonaire à des NP de TiO2 suggèrent aussi un potentiel carcinogène de ces particules. Des travaux menés in vivo montrent que de fortes concentrations de particules de TiO2 (<2,5 µm ; 250 mg/m3 pendant 2 ans) mais aussi de NP de TiO2 (<100 nm ; 10 mg/m3 pendant 2 ans) peuvent induire des cancers de l’appareil respiratoire chez des rats exposés (Borm et al. 2004; Dankovic et al. 2007) . Plusieurs études d’exposition chronique à des NP de TiO2 par inhalation ont montré que ces NP pouvaient induire des adénomes bronchiques mais aussi des carcinomes (Lee et al. 1985; Trochimowicz et al. 1988). Des résultats similaires ont été observés dans l’étude de Mohr et al où des rats étaient instillés avec des NP de TiO2 de différents types et à différentes doses. L’incidence des tumeurs pulmonaires était significativement plus élevée chez les rats exposés que chez les rats contrôles (Mohr et al. 2006). Afin d’évaluer les risques pour la santé humaine d’une exposition, au travail, aux NP de TiO2, des extrapolations à partir des données obtenues chez le rongeur ont été réalisées (Dankovic et al. 2007; Kuempel et al. 2006). Ces estimations indiquent que la valeur seuil à laquelle est associé un risque de 0.1 % de développer un cancer du poumon se situerait entre 0.07 et 0.3 mg/m3. Basée sur ces résultats, l’Institut National des Etats-Unis pour la sécurité et la santé au travail (NIOSH - National

institute of occupational safety and health) a recommandé une valeur limite d’exposition de

0,3 mg/m3 pour les NP de TiO2 (NIOSH 2011). Cependant, et bien qu’utiles pour prédire les risques des NP sur la santé humaine, ces études ne sont que les résultats de modèles d’extrapolation et ne peuvent remplacer les études épidémiologiques, pas assez nombreuses et très incomplètes à ce jour sur ce sujet.

En conclusion, les NP de TiO2 présentent des risques potentiels pour la santé humaine, puisque, expérimentalement, elles induisent principalement une réponse inflammatoire et des phénomènes de remodelage pulmonaire, comme la fibrose ou encore le développement de tumeurs. A partir de ces résultats, les particules de TiO2, incluant la forme nanoparticulaire, ont été reconnues comme potentiellement cancérogènes pour l’Homme et donc classées dans

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le groupe 2B par le Centre International de Recherche sur le Cancer (Baan 2007). Toutefois, il est important de souligner que toutes les NP de TiO2 n’induisent pas systématiquement ce type de réponses pulmonaires, dépendant notamment de facteurs différents, qui ne sont pas tous encore connus à ce jour. Cette question mérite largement de plus amples études sur le sujet, afin de mieux comprendre la toxicité des NP de TiO2.