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Effet des particules sur la fusion autophagosome/lysosome et sur la fonction

5. Discussion

5.2. Discussion des résultats

5.2.1. Effets des NP sur l’autophagie

5.2.1.4. Effet des particules sur la fusion autophagosome/lysosome et sur la fonction

Nos résultats montrent un blocage du flux autophagique suite à l’exposition aux CNT ; celui-ci n’est pas observé dans les macrophages traités par FW2 et par les particules de TiO2. Ce blocage pourrait être dû à un blocage du transport des autophagosomes vers les lysosomes, à une absence de fusion entre ces structures ou encore à une dysfonction des lysosomes ne permettant pas la dégradation des composants contenus dans l’autophagosome.

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Nous nous sommes en premier lieu intéressés à l’étape de fusion entre l’autophagosome et le lysosome. De plus en plus d’études ont révélé l’importance du cytosquelette dans cette étape (Monastyrska et al. 2009). Le cytosquelette est un réseau cellulaire très dynamique qui supporte la forme de la cellule, régule le trafic intracellulaire, et a un rôle important dans l’autophagie. Dans des hépatocytes de rat, la perturbation des microtubules ou des filaments d’actine par des agents comme le nocodazole, la vinblastine ou la cytochalasine B ou D résulte en l’accumulation de vacuoles autophagiques, reflétant une inhibition du flux autophagique (Aplin et al. 1992; Seglen et al. 1996). Plus récemment, des études ont montré qu’une fois formés, les autophagosomes avancent le long des microtubules pour se concentrer au niveau périnucléaire, à proximité des MTOC, où la majorité des lysosomes se trouvent, pour fusionner avec ces derniers (Jahreiss et al. 2008; Kochl et al. 2006). Dans la littérature, des perturbations du cytosquelette par les NP ont été rapportées. Plusieurs études ont en effet prouvé que les NP, incluant des SWCNT et des NP de TiO2, pouvaient interagir directement avec les microtubules ou les filaments d’actine et perturber ainsi leur polymérisation (Choudhury et al. 2013; Gheshlaghi et al. 2008; Ratnikova et al. 2011; Shams et al. 2014). De plus, une exposition à des NP d’oxydes de fer sur des cellules endothéliales humaines conduit à une perturbation des structures du cytosquelette, avec une diminution de l’expression de la vinculine (protéine du cytosquelette permettant la liaison entre les intégrines et le cytosquelette d’actine), et une désorganisation des réseaux d’actine et de tubuline (Wu et al. 2010). De façon intéressante, cette étude suggérait également un dysfonctionnement de l’autophagie comme pouvant expliquer les effets toxiques des NP. Des effets similaires sur le cytosquelette ont été rapportés dans une autre étude étudiant l’exposition de cellules endothéliales humaines et de cellules neurales murines à des NP d’oxydes de fer (Soenen et al. 2010). En outre, des chercheurs ont montré que des cellules tubulaires rénales traitées au fullerènol présentaient une perturbation des filaments d’actine associée à une accumulation de vacuoles autophagiques (Johnson-Lyles et al. 2010). Les auteurs suggèrent que la perturbation du cytosquelette, en interférant avec la machinerie autophagique, pourrait être un mécanisme expliquant la cytotoxicité du fullerènol. Dans notre étude, nous n’avons pas observé de modification au niveau de la structure du cytosquelette, que ce soit en analysant le réseau de microtubules ou celui de filaments d’actine, et ce, quelle que soit la particule utilisée. Ces résultats suggèrent que le transport des autophagosomes vers les lysosomes par le cytosquelette ne serait pas affecté par les NP.

169 Afin de statuer sur l’efficacité de l’étape de fusion autophagosome-lysosome, nous avons analysé l’expression de gènes (Stx17, SNAP29 et Vamp8) codant pour des protéines de la famille des SNARE, impliquées dans les processus de fusion membranaire. Stx17 est localisée sur la membrane externe de l’autophagosome complet et interagit avec SNAP29 (protéine cytosolique) et Vamp8 (protéine lysosomale) afin de permettre la fusion autophagosome-lysosome (Itakura et al. 2012). Nous n’observons pas de modifications majeures de l’expression génique de Vamp8. Par contre, une diminution significative de l’expression de Stx17 est observée en réponse aux CNT non fonctionnalisés. Celle-ci est associée à une augmentation de l’expression du gène de SNAP29. Ces effets ne sont pas observés suite à l’exposition aux autres particules. Ces résultats suggèrent un potentiel défaut de l’étape de fusion en réponse aux CNT, notamment en réponse à S-CNT et L-CNT. Cependant, ces résultats ne se basant que sur l’expression des gènes, ils devront être validés au niveau protéique.

Enfin, nous nous sommes intéressés à la fonction des lysosomes ; nous avons cherché à déterminer si ceux-ci étaient fonctionnels ou non suite à l’exposition aux NP. En effet, plusieurs types de nanomatériaux ont été reconnus comme associés à une perturbation lysosomale, pouvant conduire à un dysfonctionnement du processus autophagique (Stern et al. 2012). Par exemple, des MWCNT avec un diamètre inférieur à 8 nm peuvent induire une déstabilisation de la membrane lysosomale dans des fibroblastes 3T3, conduisant au relargage du contenu lysosomal dans le cytoplasme, associé à une augmentation de la production de ROS (Sohaebuddin et al. 2010). De plus, ces mêmes effets ont été décrits dans des cellules épithéliales bronchiques humaines et dans des macrophages alvéolaires murins traités par des NP de TiO2 (Hamilton et al. 2009; Hussain et al. 2010). Dans notre étude, les résultats indiquent que dans les cellules exposées aux CNT, l’expression des protéines LAMP est augmentée, sans modulation de leur expression génique, suggérant ainsi une augmentation (en nombre ou en taille) des lysosomes. Ceci n’est pas observé dans les macrophages traités par les autres particules, confirmant l’effet distinct des CNT sur le processus autophagique. Bien que nous ayons observé une légère augmentation de l’expression protéique de la cathepsine B en réponse aux CNT, aucune modulation de l’expression de la cathepsine D ou de l’activité des cathepsines totales n’a été observée en réponse aux particules. De plus, l’expression génique de TFEB, un facteur de transcription activant la transcription de gènes impliqués dans la biogenèse lysosomale, est significativement diminuée suite à l’exposition aux CNT non fonctionnalisés, suggérant un possible défaut de la biogenèse lysosomale en réponse à ces

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CNT. Cependant, l’expression génique de TFEB ne corrélant pas toujours avec son activité, il serait intéressant d’analyser son expression protéique et notamment sa phosphorylation pour confirmer ces effets observés concernant la biogenèse lysosomale. L’ensemble de ces résultats sur la fonction lysosomale suggère un dysfonctionnement des lysosomes en réponse aux CNT, notamment aux CNT non fonctionnalisés.

Cette perturbation des lysosomes pourrait expliquer, au moins en partie, le blocage du flux autophagique induit par les CNT. En effet, des lysosomes fonctionnels sont nécessaires pour l’étape de dégradation mais sont aussi nécessaires pour permettre leur fusion avec les autophagosomes. Ce fait a été illustré dans plusieurs études utilisant la bafilomycine A1 : bien qu’à l’origine, cette molécule ait été décrite comme inhibant la fusion autophagosome-lysosome, il est apparu que son effet sur la fusion était principalement dû à son action inhibitrice de l’acidification des lysosomes (Mizushima et al. 2010). De plus, une étude récente, comparant les effets de MWCNT et de NP d’oxydes de terre rare, a montré que ces dernières étaient capables d’inhiber l’acidification des lysosomes mais aussi de perturber l’état de phosphorylation des protéines composant les lysosomes (Li et al. 2014). Ces dysfonctionnements des lysosomes sont associés à une inhibition de la fusion entre les autophagosomes et les lysosomes, conduisant à un blocage du flux autophagique. Ce blocage de l’autophagie est associé à une diminution de la dégradation des inflammasomes et ainsi à une production subséquente d’IL-1β. Dans l’ensemble, notre étude suggère que les CNT, notamment les non fonctionnalisés, pourraient perturber le fonctionnement des lysosomes, probablement via une interaction directe des CNT avec les lysosomes, comme cela a été récemment montré dans notre équipe (Bussy et al. 2013b). Cet effet serait probablement associé à une mauvaise fusion des autophagosomes avec les lysosomes, causant ainsi un blocage du flux autophagique. Afin de mieux comprendre les mécanismes sous-jacents à ces effets et de façon à les mettre en lien, de plus amples études sont encore nécessaires.