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Se faire un nom, faire tourner un service hospitalier, ne sont pas les seules motivations qui orientent les hommes de l’Art vers la pratique hospitalière de la médecine

Dans le document Panser les deux mondes (Page 44-47)

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Jean Peneff remarque ainsi que « les institutions de la Santé ont développé une extraordinaire capacité à

maintenir leur existence face à toutes les évolutions ». PENEFF, Jean. 2005. Op. Cit., p. 131.

du sport. Comme en témoignent les trajectoires des docteurs Quirion et Amazan,

l’utilisation de cette compétence peut s’inscrire dans des logiques extrêmement éloignées

des questions de prestige médical et de reconnaissance scientifique. Dégager du temps

pour sa famille en refusant une installation libérale, se rapprocher de son domicile par des

voies détournées sont autant de stratégies mobilisées qui éclipsent l’intérêt sportif. La

compétence de médecine du sport, choisie initialement pour compléter une pratique

généraliste, peut alors devenir providentielle lorsque la « bonne occasion » se présente.

D’ailleurs, pour bon nombre de médecins vacataires, la plupart du temps généralistes, le

simple fait de travailler à l’hôpital est un gage de réussite professionnelle. « En effet, il

existe souvent un complexe des généralistes vis-à-vis des médecins hospitaliers. La

formation scientifique qu’ils ont reçue en tant qu’étudiants, l’approche théorique des

questions médicales telle qu’enseignée à l’hôpital public a ancré dans leur esprit l’idée que

la médecine la plus avancée, donc la plus performante, est l’apanage des CHU »

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II. 2. « Faire partie à nouveau de la grande famille »

Le docteur Bouguen est médecin généraliste dans un quartier vieillissant de centre

ville. Agé de 34 ans, son installation en cabinet libéral remonte à dix-huit mois environ,

date à laquelle il a racheté la clientèle d’un médecin partant à la retraite. Lors de son

résidanat, il effectue 6 mois de stage en CHU et passe deux semestres dans un service

d’urgences. Le grand nombre de patients sportifs traumatisés, « cassés de partout », fait

immédiatement naître en lui un intérêt certain. Il replonge avec bonheur dans sa propre

histoire sportive familiale. Son père cumulait en effet une double profession, professeur

d’EPS en collège et kinésithérapeute en cabinet libéral. Il a côtoyé en outre la sphère du

handball d’élite, évoluant un temps à un niveau international de compétition. Autant dire

pour citer les propos du médecin lui-même qu’il a « baigné dedans depuis qu’il est tout

petit ». Pas étonnant dans ces conditions de constater qu’il est lui-même rapidement

devenu un sportif confirmé. Pratiquant le handball depuis de nombreuses années, il est

sélectionné dans l’équipe régionale de Bretagne. Il décide de mettre un terme à sa pratique

sportive intensive lorsqu’il rentre en première année de médecine. Il regrette aujourd’hui

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amèrement ce choix, convaincu qu’il aurait été capable de mener les deux de front et reste

profondément déçu de ne pas avoir réussi à construire une carrière sportive. Aussi, se

former à la médecine du sport pendant son cursus de médecine générale est devenu une

évidence. « Je l’ai fait pour essayer d’avoir ensuite un suivi rapproché des sportifs, rentrer

dans une fédération, faire du suivi d’équipes, faire du terrain quoi… Bref, pour être dans ce

milieu-là. Puisqu’en tant que sportif, je n’ai pas pu le faire, je ne me suis pas donné les

moyens de le faire plutôt, et bien je vais essayer de le faire au niveau de ma profession de

médecin. C’est pour ça que j’ai fait la médecine du sport ». Dans le cadre de son diplôme

universitaire de traumatologie du sport, le docteur Bouguen sollicite de sa propre initiative

le docteur Beaugendre, responsable des services médicaux du club professionnel de

football de la ville, en quête d’un sujet de mémoire. Il choisit un sujet parmi les deux que

ce dernier lui a soumis et réalise l’étude médicale d’un joueur évoluant en Ligue 1.

Véritablement séduit par la fonction, il tient un discours admiratif et enchanté sur la

pratique de son aîné. « Au-delà des paillettes, des 40 000 personnes par match, d’un

passage à la télé, c’est un métier difficile ! Mais c’est hyper intéressant. Le médecin est

aussi important que l’entraîneur. Moi ce que je recherche, c’est ça. C’est un travail

d’équipe avec un kiné et un entraîneur pour mettre toutes les connaissances au service d’un

joueur, d’une équipe, d’un club. Et essayer de faire avancer tout le monde ». Conscient de

la très grande pression que le milieu sportif d’élite fait peser sur le médecin d’une équipe,

le docteur Bouguen reprend les propos du docteur Beaugendre avec qui il a gardé depuis sa

formation des contacts réguliers et qu’il considère comme un ami : « Il le dit très bien,

c’est dur, mais la passion est là ! Quand une équipe gagne un match, quand le joueur que

l’on vient de soigner marque le but du vainqueur, c’est une récompense. C’est ça qui fait

avancer le médecin ! […] L’intérêt c’est ça. C’est d’avoir des sportifs qui ont envie de

gagner, un club ambitieux, et ce quel que soit le sport. Le but en fait, c’est de potentialiser

les performances de l’équipe avec l’aspect médical ». De telles déclarations enflammées ne

sont pas que pures velléités. Après quatre années de remplacements en médecine générale,

satisfait de la liberté que ce statut supposait, il s’est finalement décidé à se sédentariser. En

partie pour satisfaire son envie de suivre une équipe. « Parce qu'il faut quand même un lieu

pour examiner les gens. Il faut être joignable tout le temps au même endroit ». Installé

depuis seulement 18 mois, il a ainsi multiplié les démarches auprès du milieu sportif. Il est

devenu du fait de sa relation avec le docteur Beaugendre, le « médecin d’astreinte » du

club professionnel de football et assure la surveillance des matches de l’équipe réserve

lorsqu’aucun des deux médecins de la structure ne peut être présent. Mais il a surtout pris

contact avec le président de la ligue de Handball des Pays de la Loire et s’est fait

récemment élire médecin régional. « C’est purement administratif, ça n’a rien de

passionnant, mais votre nom est ensuite distribué dans tous les clubs et à tous les

entraîneurs. Donc après, les équipes de hand sont sans doute plus à même de venir

consulter le médecin de la ligue que d’autres médecins ». Enfin, le jeune médecin

généraliste a entamé des démarches auprès du président du club de handball professionnel

de la ville. Sans réponse au moment de l’entretien, il s’apprêtait à relancer le club pour

offrir ses services

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Un tel portrait est utile pour penser dans un cadre plus général les liens qui unissent

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