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Jean Peneff remarque ainsi que « les institutions de la Santé ont développé une extraordinaire capacité à
maintenir leur existence face à toutes les évolutions ». PENEFF, Jean. 2005. Op. Cit., p. 131.
du sport. Comme en témoignent les trajectoires des docteurs Quirion et Amazan,
l’utilisation de cette compétence peut s’inscrire dans des logiques extrêmement éloignées
des questions de prestige médical et de reconnaissance scientifique. Dégager du temps
pour sa famille en refusant une installation libérale, se rapprocher de son domicile par des
voies détournées sont autant de stratégies mobilisées qui éclipsent l’intérêt sportif. La
compétence de médecine du sport, choisie initialement pour compléter une pratique
généraliste, peut alors devenir providentielle lorsque la « bonne occasion » se présente.
D’ailleurs, pour bon nombre de médecins vacataires, la plupart du temps généralistes, le
simple fait de travailler à l’hôpital est un gage de réussite professionnelle. « En effet, il
existe souvent un complexe des généralistes vis-à-vis des médecins hospitaliers. La
formation scientifique qu’ils ont reçue en tant qu’étudiants, l’approche théorique des
questions médicales telle qu’enseignée à l’hôpital public a ancré dans leur esprit l’idée que
la médecine la plus avancée, donc la plus performante, est l’apanage des CHU »
22.
II. 2. « Faire partie à nouveau de la grande famille »
Le docteur Bouguen est médecin généraliste dans un quartier vieillissant de centre
ville. Agé de 34 ans, son installation en cabinet libéral remonte à dix-huit mois environ,
date à laquelle il a racheté la clientèle d’un médecin partant à la retraite. Lors de son
résidanat, il effectue 6 mois de stage en CHU et passe deux semestres dans un service
d’urgences. Le grand nombre de patients sportifs traumatisés, « cassés de partout », fait
immédiatement naître en lui un intérêt certain. Il replonge avec bonheur dans sa propre
histoire sportive familiale. Son père cumulait en effet une double profession, professeur
d’EPS en collège et kinésithérapeute en cabinet libéral. Il a côtoyé en outre la sphère du
handball d’élite, évoluant un temps à un niveau international de compétition. Autant dire
pour citer les propos du médecin lui-même qu’il a « baigné dedans depuis qu’il est tout
petit ». Pas étonnant dans ces conditions de constater qu’il est lui-même rapidement
devenu un sportif confirmé. Pratiquant le handball depuis de nombreuses années, il est
sélectionné dans l’équipe régionale de Bretagne. Il décide de mettre un terme à sa pratique
sportive intensive lorsqu’il rentre en première année de médecine. Il regrette aujourd’hui
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amèrement ce choix, convaincu qu’il aurait été capable de mener les deux de front et reste
profondément déçu de ne pas avoir réussi à construire une carrière sportive. Aussi, se
former à la médecine du sport pendant son cursus de médecine générale est devenu une
évidence. « Je l’ai fait pour essayer d’avoir ensuite un suivi rapproché des sportifs, rentrer
dans une fédération, faire du suivi d’équipes, faire du terrain quoi… Bref, pour être dans ce
milieu-là. Puisqu’en tant que sportif, je n’ai pas pu le faire, je ne me suis pas donné les
moyens de le faire plutôt, et bien je vais essayer de le faire au niveau de ma profession de
médecin. C’est pour ça que j’ai fait la médecine du sport ». Dans le cadre de son diplôme
universitaire de traumatologie du sport, le docteur Bouguen sollicite de sa propre initiative
le docteur Beaugendre, responsable des services médicaux du club professionnel de
football de la ville, en quête d’un sujet de mémoire. Il choisit un sujet parmi les deux que
ce dernier lui a soumis et réalise l’étude médicale d’un joueur évoluant en Ligue 1.
Véritablement séduit par la fonction, il tient un discours admiratif et enchanté sur la
pratique de son aîné. « Au-delà des paillettes, des 40 000 personnes par match, d’un
passage à la télé, c’est un métier difficile ! Mais c’est hyper intéressant. Le médecin est
aussi important que l’entraîneur. Moi ce que je recherche, c’est ça. C’est un travail
d’équipe avec un kiné et un entraîneur pour mettre toutes les connaissances au service d’un
joueur, d’une équipe, d’un club. Et essayer de faire avancer tout le monde ». Conscient de
la très grande pression que le milieu sportif d’élite fait peser sur le médecin d’une équipe,
le docteur Bouguen reprend les propos du docteur Beaugendre avec qui il a gardé depuis sa
formation des contacts réguliers et qu’il considère comme un ami : « Il le dit très bien,
c’est dur, mais la passion est là ! Quand une équipe gagne un match, quand le joueur que
l’on vient de soigner marque le but du vainqueur, c’est une récompense. C’est ça qui fait
avancer le médecin ! […] L’intérêt c’est ça. C’est d’avoir des sportifs qui ont envie de
gagner, un club ambitieux, et ce quel que soit le sport. Le but en fait, c’est de potentialiser
les performances de l’équipe avec l’aspect médical ». De telles déclarations enflammées ne
sont pas que pures velléités. Après quatre années de remplacements en médecine générale,
satisfait de la liberté que ce statut supposait, il s’est finalement décidé à se sédentariser. En
partie pour satisfaire son envie de suivre une équipe. « Parce qu'il faut quand même un lieu
pour examiner les gens. Il faut être joignable tout le temps au même endroit ». Installé
depuis seulement 18 mois, il a ainsi multiplié les démarches auprès du milieu sportif. Il est
devenu du fait de sa relation avec le docteur Beaugendre, le « médecin d’astreinte » du
club professionnel de football et assure la surveillance des matches de l’équipe réserve
lorsqu’aucun des deux médecins de la structure ne peut être présent. Mais il a surtout pris
contact avec le président de la ligue de Handball des Pays de la Loire et s’est fait
récemment élire médecin régional. « C’est purement administratif, ça n’a rien de
passionnant, mais votre nom est ensuite distribué dans tous les clubs et à tous les
entraîneurs. Donc après, les équipes de hand sont sans doute plus à même de venir
consulter le médecin de la ligue que d’autres médecins ». Enfin, le jeune médecin
généraliste a entamé des démarches auprès du président du club de handball professionnel
de la ville. Sans réponse au moment de l’entretien, il s’apprêtait à relancer le club pour
offrir ses services
23.
Un tel portrait est utile pour penser dans un cadre plus général les liens qui unissent
Dans le document
Panser les deux mondes
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