• Aucun résultat trouvé

Médecine et sport de haut niveau, la mine d’or ?

Dans le document Panser les deux mondes (Page 48-51)

Dr. Beaugendre (médecin salarié à mi-temps pour le suivi d’une équipe

professionnelle de football) : « Je n’ai pas un salaire extraordinaire, je gagne

plus d’argent à mon cabinet qu’en étant ici ! Mais c’est correct, très correct !

Mais ça n’a rien à voir avec les entraîneurs, avec les joueurs, on est à 10 000

lieues de ça… Moi, je suis un administratif, donc les gens voient les salaires

dans le football et se disent : “oh putain, le doc, ça doit être exceptionnel,

mirobolant”…, pas du tout ! ».

24

PLUSQUELLEC, Vincent. 2006. « Rubrique professionnelle : Appel à candidature au poste vacant de

médecin fédéral au sein du comité directeur », Cinésiologie, n°226, 45

ème

année, p. 58.

Dr. Raulo (médecin des équipes de France de handball salarié à plein temps

par la fédération) : « Mon salaire par rapport à un contexte libéral ? Il n’y a

pas photo ! Cette situation ne comporte aucun avantage. C’est uniquement du

passionnel. Etre médecin du handball, c’est du passionnel. Peut-être que dans

d’autres sports il peut y avoir des avantages financiers, mais pas ici ».

Dans son annonce pour recruter un médecin à plein temps, le LOSC évoque une

rémunération pouvant « avoisiner les 3500/4000 euros par mois sur 13 mois (brut) ». Mais

ce traitement ne nous renseigne pas véritablement sur la hauteur des sommes perçues. Elles

varient selon la structure et sont bien souvent améliorées par un système obscur de bonus.

De façon générale, ils se défendent tous de toucher des primes de matches, autrement dit

de recevoir des rétributions supplémentaires en fonction des résultats sportifs. Pourtant,

sans pouvoir ici le démontrer, il semble que cette pratique soit largement répandue.

Comme nous le confiait l’un de nos enquêtés, proche du milieu : « généralement, les

médecins de l’élite perçoivent un fixe, puis sont ensuite rétribués sous la forme de primes

en fonction du nombre de points gagnés par l’équipe encadrée. On parle actuellement de

600 euros du point ». Ce flou s’accompagne de profondes inégalités de traitement selon les

disciplines sportives et les hommes en place. « C’était la situation de Pierre Sébastien,

longtemps attaché à l’équipe de France masculine de handball. Il n’a pas apprécié de ne

pas avoir droit à une prime après la médaille d’or remportée par les Bleus, contrairement à

d’autres membres de l’encadrement. “Ce n’est pas une simple question d’argent,

explique-t-il. C’est une question d’équité et de justice. Sur les dix premiers mois de l’année 2008,

j’en ai passé quatre avec l’équipe de France. Je le faisais par passion. Mais il y a des

limites. Un préparateur physique touche une prime parce qu’il est salarié, pas un médecin

parce qu’il est vacataire”. Résultat : [il] a rendu son tablier »

25

.

Entre les médecins salariés de l’élite professionnelle et les médecins vacataires du

haut niveau amateur, il y a un monde. Pour le docteur Renaud, médecin d’un pôle espoir de

gymnastique artistique masculine, la vacation qu’il réalise chaque semaine au sein du

gymnase où s’entraînent les athlètes lui rapporte 22 euros 87 (pour environ deux à trois

heures bloquées par cette activité). Comme il se plaît à le dire : « avec un seul patient en

cabinet, financièrement, j’ai déjà fait ma vacation… Donc il n’y a pas photo. Tu n’y vas

pas pour l’argent. Au contraire. Ça te coute même plus d’argent qu’autre chose. Mais tu

25

CHARRIER, Pascal. 2009. « Les médecins de l’élite veulent gagner en indépendance », La Croix, 23

janvier 2009.

n’y vas pas pour ça… ». Si certains médecins persistent donc dans cette voie, c’est parce

qu’elle les met au diapason de leurs propres dispositions. Ils y retrouvent ce qui les a faits

et qui continue d’attiser en eux une sensibilité particulière pour le sport dans sa version la

plus compétitive. Quelles que soient les conditions d’exercice et de rétribution, le mode de

légitimation de leurs pratiques est ainsi toujours issu du milieu sportif. La victoire sportive

apporte bien souvent le sentiment du devoir accompli, et le médecin bénéficie au même

titre que l’équipe technique du prestige sportif. « Etre le médecin d’une équipe de France

championne du monde n’est pas rien ! », nous expliquera ainsi le docteur Raulo. Les

participations aux grandes compétitions qui ponctuent les calendriers spécifiques de

chacune des disciplines sportives sont ainsi les évènements marquants de la « carrière

médico-sportive » de ces praticiens. « J’étais aux Jeux de Moscou » est par exemple un

gage indéniable de valeur et de réussite professionnelle. Pour le docteur Renaud, dont la

satisfaction personnelle est de permettre à des jeunes de réaliser des performances dans les

meilleures conditions possibles, « quand tu suis un gamin depuis deux, trois ans, et qu’il

devient Champion de France, c’est pas rien ! ».

Le docteur Paget – « Mes parents n’ont pas voulu que je fasse partie d’un club civil, donc

je n’ai fait que du sport scolaire. Mais à partir du moment où j’ai eu mon bac, je me suis

lancé comme un forcené dans la compétition. J’ai commencé le vélo en première année de

médecine, en bas de l’échelle, en 4

ème

catégorie. Au bout de trois ans, j’étais en première

catégorie, donc le meilleur niveau amateur, et j’avais déjà gagné pas mal de courses ! ».

Pour le docteur Paget, la médecine du sport n’était pas simplement une évidence, c’était

une nécessité et un véritable projet professionnel. « Moi, j’ai toujours adoré la

performance. Il me fallait être au contact des sportifs. Et la médecine du sport est un

élément pour améliorer la performance des sportifs ». Sûr de ses convictions, dès la fin de

ses études médicales, il ouvre ce qui restera sans doute en France l’un des seuls cabinets

libéraux uniquement dédié à la médecine du sport. « Il n’était pas vraiment reconnu dans le

sens où c’était une spécialité qui n’existait pas vraiment. Je devais être le seul, au moins à

300 km à la ronde, à ne faire que ça ». En fait, plutôt que d’une médecine du sport, il

s’agissait quasi-exclusivement d’une médecine du cyclisme. Très connu dans le milieu (sa

passion pour le cyclisme ne s’arrête pas à la course, il est également Commissaire B,

organisateur de courses et président d’un club qu’il a fondé avec son frère), les gens se

déplaçaient de toute la région pour bénéficier de ses consultations. Il s’agissait

principalement d’un suivi, et de conseils au niveau de l’entraînement. Très rapidement, sa

réputation de médecin du sport se diffuse et s’accompagne de nouvelles propositions. Il

s’engage ainsi comme médecin de l’équipe de France d’aviron et aura la fierté de les

accompagner aux Jeux Olympiques de Moscou et à un championnat du monde en Nouvelle

Zélande. De la même façon, il devient médecin de l’équipe de France de patins à roulettes.

Son plus beau souvenir reste un championnat d’Europe où l’entraîneur avait eu un

empêchement de dernière minute, le laissant seul aux commandes de l’équipe. « Et ça, ça

me plaisait ! Ah oui ! Parce que moi, je suis médecin du sport, d’accord, mais j’ai aussi

mon brevet d’entraîneur, un BE 1

er

degré en cyclisme. Et honnêtement, moi, ce qui

m’intéresse, c’est surtout d’être entraîneur ». Persuadé qu’un « champion, ça se fabrique »,

il applique naturellement à ses deux fils ses techniques d’entraînement. « Il faut travailler,

travailler, travailler pour essayer de garder une certaine concentration. […]. Et on peut être

champion en sport sans avoir des qualités extraordinaires. Il faut donner les bons préceptes

dès le départ, pour les choses rentrent et soient imprimées dans le cerveau. Les sœurs

Williams, elles ont été typiquement fabriquées par leur père ! Moi j’aurai d’ailleurs bien

aimé avoir une fille parce qu’au niveau du sport, c’est quand même mieux parce que le

concurrence est moins forte. Mais j’ai eu deux garçons, donc c’est plus dur ». Il est

d’ailleurs particulièrement fier d’avoir lui-même entraîné son ex-femme, coureuse cycliste

de niveau international, pendant toute sa carrière. Courir aux côtés de Longo sur plusieurs

championnats du monde, être championne de France de poursuite, etc., étaient autant de

victoires partagées. Pourtant, le docteur Paget sera contraint de mettre la clef sous la porte

et d’envisager une nouvelle orientation professionnelle. Son cabinet de médecine du sport

atypique n’était pas du goût de la Sécurité Sociale et ne survivra pas aux « petits ennuis »

que ces conflits vont générer. Elle trouvait injustifiée les feuilles de soin réalisées par le

médecin pour une activité essentiellement préventive. Ainsi, après un peu moins d’une

vingtaine d’années consacrées exclusivement à la médecine appliquée au sport, le docteur

Paget, qui avait également passé une compétence de médecine du travail, est aujourd’hui

médecin dans deux entreprises, et n’a plus aucune activité médico-sportive. Il poursuit

cependant l’entraînement de ces deux enfants.

Le docteur Renaud – Gymnaste de bon niveau évoluant à son apogée en Nationale 2, le

Dans le document Panser les deux mondes (Page 48-51)