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3. Le toucher

3.2. Toucher, psychomotricité et personnes âgées

Le vieillissement et les images que la société lui donne participent à la diminution des contacts tactiles des personnes âgées. En effet, le sujet âgé étant peu touché, son enveloppe corporelle devient un contenant aux limites devenues floues. Il est atteint dans son intégrité psychocorporelle. Le Moi-peau ne peut remplir ses fonctions de cohésion corporelle, de limites et de moyen de communication.

A. MONTAGU écrit : « La perte du contact avec le corps aboutit à la perte du contact avec la réalité. L’identité personnelle n’a de substance et de structure que pour autant qu’elle est fondée sur la réalité des sensations du corps »63. Ainsi, le toucher va contribuer, comme nous l’avons vu précédemment, au soutien de l’enveloppe psychocorporelle du sujet âgé. La psychomotricité et la médiation par le toucher, offre une approche globale du sujet et participe à ce soutien psychocorporel.

3.2.1. Le toucher et le dialogue tonique

Le dialogue tonique, notion décrite par H. WALLON et développée par J. de AJURIAGUERRA, est mis en jeu lors du toucher. L’écoute corporelle du thérapeute et sa faculté d’accorder son tonus permet d’accompagner le sujet âgé d’un état tonique vers un autre. Ainsi, « Par le biais du toucher, le thérapeute peut directement montrer la présence d’une tension corporelle ; il peut positionner le patient d’une manière différente pour illustrer des possibilités nouvelles ; il peut directement l’aider à relâcher une retenue musculaire (…) on l’utilise [le toucher] pour faciliter le développement du soi corporel d’un patient par le biais de la sensation, de la conscience immédiate, du mouvement et de la posture. »64. Le toucher thérapeutique peut favoriser une détente physique et psychique se caractérisant par une baisse de l’état tonique, un relâchement neuromusculaire. La personne âgée peut alors être à l'écoute de son corps et être pleinement dans le moment présent, si les conditions le permettent (absence de douleurs, disponibilité, relation de confiance…). 63 A.MONTAGU, 1979, p.155 64 J.KEPNER, 1998, p.88

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3.2.2. Le toucher et le schéma corporel

Le schéma corporel se construit tout au long de la vie. Certains événements ou pathologies du vieillissement, mais aussi l’alitement ou la restriction des mouvements entraînent une déstructuration du schéma corporel. Le toucher thérapeutique va tenter de réunifier celui-ci en apportant la sensation d’enveloppement, de contenance et de solidité. Il « peut permettre de réveiller la mémoire corporelle, de libérer des émotions retenues depuis longtemps, de réorganiser la structure corporelle, et partant, de modifier la relation entre le patient et sa vie. »65. La mémoire corporelle du sujet âgé est ainsi réactivée. En effet, la mémoire est à la fois psychique, corporelle, sensorielle et émotionnelle. M. SERRES écrit : « La peau est une variété de contingence (c’est-à-dire tangence commune entre le dedans et le dehors, le sentant et le senti, le corps et la psyché, le corps et le monde). La peau notre mémoire et notre histoire, parchemin de nos expériences »66. Ainsi, par la prise de conscience du corps dans sa globalité et grâce à l’apport de nouvelles sensations agréables et structurantes, le corps du sujet âgé est ressenti de nouveau comme un repère stable et solide.

3.2.3. Le toucher et l’image du corps

Chez un sujet âgé, l’image du corps est altérée. Les épreuves du temps, les accidents, ou la maladie peuvent entraîner un désinvestissement psychocorporel de la personne. Le corps est perçu défaillant et une baisse de l’estime de soi est ressentie. Le toucher apporte à la personne vieillissante la possibilité de renouer les liens avec son corps d’une manière différente. Ainsi, le sujet peut réinvestir son corps comme lieu de plaisir et reprendre confiance en soi. Cette fonction revalorisante du toucher permet à la personne âgée de retrouver une image du corps moins dégradée.

3.2.4. Le toucher et la communication

Le toucher permet « une prise de conscience, une découverte de son corps, puis peu à peu une maîtrise de la relation à l’autre ; d’abord avec le thérapeute puis avec les autres dans son environnement habituel »67. La rencontre tactile éveille à la communication non- verbale. La communication non-verbale est « l’ensemble des moyens de communication existant entre les individus vivants n’usant pas du langage humain ou de ses dérivés

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J.KEPNER, 1998, p. 89

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M.SERRES cité par F.CABROL, 2006, p.80

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sonores »68 Elle s’établit aussi bien par le dialogue tonico-émotionnel que par le regard et la voix accompagnant le toucher thérapeutique. Toucher, c’est avant tout aller à la rencontre de l’autre, objet privilégié de communication. Ainsi, le toucher est un support de communication entre le thérapeute et la personne âgée mais il est également « un outil qui permet au patient de développer sa conscience et de s’approprier son être corporel et sa manière d’entrer en contact avec son environnement. »69

Comme nous venons de l’aborder, le toucher est une médiation riche pour le psychomotricien. Elle permet d’entrer en relation avec la personne âgée, via le dialogue tonique, même si celle-ci ne peut utiliser le langage pour s’exprimer. Le psychomotricien est attentif aux manifestations corporelles du sujet (tonus, mimiques, regards, respiration etc…) et aussi à ses ressentis (détente, retrait, douleur etc…). Cette médiation favorise ainsi la conscience du corps et le rassemblement, et permet de renouer le lien corps-psyché. C’est en agissant par le biais du corps, que le psychomotricien, via le toucher, accompagne le sujet âgé vers une réappropriation de l’unité psychocorporelle, du sentiment de soi.