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Cheminement vers un soutien et une mise en sens de l’éprouvé corporel

1. Toucher thérapeutique et enveloppe psychocorporelle

1.3. Cheminement vers un soutien et une mise en sens de l’éprouvé corporel

Le psychomotrien, par sa disponibilité corporelle et psychique ainsi que par la qualité de son toucher, permet de donner du sens aux éprouvés du sujet. Selon C. POTEL, cette capacité « d’impression et d’expression » du psychomotricien est à rapprocher de la fonction contenante de la mère. Cette dernière possède une grande capacité à être en relation avec son enfant et « sait entendre et décrypter son discours infraverbal et y mettre suffisamment de sens et d’émotion pour que s’instaure progressivement un véritable dialogue. »106

Le thérapeute semble lui aussi revêtir une fonction contenante. Le sujet âgé « exprime sa souffrance par le langage du corps [et] c’est au travers de ce qui est émis et de ce qui est reçu par les corps en présence que se mettra en place un réel échange tonico- 102 M. GUIOSE, 2007, p.106 103 C. POTEL et al., 2000, p.128 104 S. CARRIE-MILH, 2009, p.204-205 105 C. POTEL et al., 2000, p.127 106 Ibid. p.76

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émotionnel entre le psychomotricien et le patient […] En ce sens, la finalité de la thérapie psychomotrice va permettre le passage de l’éprouvé corporel au ressenti. »107

Lorsque j’effectue un toucher thérapeutique, j’offre au sujet âgé un ensemble de sensations qui vont être plus ou moins bien perçues et ressenties. Afin d’en faciliter la représentation et l’accès à la symbolisation, je laisse place à la verbalisation et l’expression des éprouvés corporels tout au long de la séance. Ainsi « le psychomotricien soutient et aide donc le sujet dans l’élaboration psychique et progressive de son vécu corporel : le ressentir, le reconnaître, le nommer, se le représenter par des images, un dessin… puis par des mots. »108

Au fil de l’accompagnement de Mr C., j’ai pu remarquer que le temps de verbalisation demeure nécessaire pour lui, et ce dès le début de la séance. Il peut ainsi exprimer spontanément dans quel état émotionnel il se trouve ou bien exposer les difficultés rencontrées au quotidien depuis la séance dernière. En outre, il est arrivé que Mr C. soit « envahi » par ses émotions en relatant un événement du quotidien qui a été une source d’angoisse pour lui. Ainsi, j’offre un espace d’écoute contenant, tout en ajustant ma pratique psychomotrice en fonction de son vécu du moment. Mr C. semble être sensible à ce dispositif et parvient à « s’autoréguler » corporellement et émotionnellement. De plus Mr C. verbalise tout au long de la séance, je le soutiens dans cette mise en mots sur ce qui a été vécu sur le plan tonique, sensoriel et émotionnel. Je peux également lui proposer en fin de séance des supports d’aide à la verbalisation, tels que des photos d’images.

Lors des séances de toucher thérapeutique auprès de Mme M., je l’accompagne vers une prise de conscience de ses possibilités de sensations et de perception mais également des éventuelles tensions que je peux percevoir. Lors d’une séance où Mme M. était particulièrement douloureuse et hypertonique, elle a pu exprimer ses angoisses face à sa maladie « épouvantable » et l’envie de retrouver son mari et son fils, tous deux décédés. J’accueille alors son ressenti et je l’accompagne dans la mise en mots de ses éprouvés à travers ma présence et mon toucher afin de permettre une contenance corporelle et psychique permettant une cohésion psychocorporelle. En effet, au fil du toucher, Mme M. a pu me raconter des souvenirs agréables avec son fils et son mari et ainsi abaisser en partie son tonus. Elle a pu également me guider sur ce qu’elle voulait à ce moment (un toucher-massage au niveau de son visage). Tonus et émotions étant intimement liés, Mme M. semble plus apaisée après la séance. Cette écoute et ce toucher enveloppant visent à contenir les angoisses et à renforcer le sentiment de solidité du schéma corporel tout en permettant un vécu corporel plus agréable.

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C. POTEL et al., 2000, p.127

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Ainsi, le thérapeute écoute et accompagne le patient tant corporellement que psychiquement vers un travail de représentation, de mise en sens de l’éprouvé corporel. Le sujet peut alors s’approprier son vécu et ses émotions grâce au travail de mise en sens et passer d’un espace personnel à celui de la rencontre, indispensables au sentiment d’individuation. La dimension psychocorporelle de ce travail thérapeutique permet ainsi au sujet âgé de renouer les liens entre soma et psyché.

Cependant lorsque la verbalisation et la communication verbale ne sont plus possibles, le thérapeute est toujours présent pour contenir le patient en donnant du sens et en mettant lui-même des mots sur ce qu’il peut percevoir des éprouvés corporels du sujet. Ainsi lors de l’accompagnement de Mme A. et de celui de Mme G., j’ai pu revêtir la capacité contenante du psychomotricien et poser des mots en lien avec ce qui est vécu lors du dialogue tonico-émotionnel, afin d’étayer le travail de toucher thérapeutique. En effet, pour Mme G. cela a été primordial pour qu’elle puisse se sentir comprise dans sa souffrance. J’ai pu ainsi verbaliser que je comprenais qu’elle était douloureuse et je l’ai accompagnée dans la gestion de ses peines corporelle et psychique. Cette relation lui a permis de pouvoir réguler son tonus afin de participer aux mobilisations tout en abaissant sa souffrance morale, apaisant un peu sa souffrance corporelle. Pour Mme A., le fait que je mette des mots sur ce que je perçois est vecteur de communication infra-verbale. En effet, Mme A. est attentive à mes paroles et peut s’exprimer corporellement et ce, à fonction de réponse lorsque j’émets une hypothèse, par exemple. Ainsi lors d’un toucher-massage du pied gauche, je remarque que son visage est détendu et que son pied droit remue vers celui de gauche, comme si ce dernier demandait à être lui-même touché. Je verbalise alors ce que je distingue et lui demande ainsi si cela est correct. Mme A. soulève alors ses sourcils d’une manière expressive que je comprends comme un acquiescement. Je procède de ce fait au toucher-massage du pied droit. Cependant la communication non verbale « peut seulement indiquer qu’il y a une joie ou une perturbation, un trouble […] il convient d’en rester à une hypothèse d’interprétation, celle-ci ne pouvant jamais être complètement vérifiée. »109