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L'identité une création du discours?

2.8. L’identité du sujet, un produit de l’altérité

2.8.2. Topologie du sujet, une conception praxématique

2.8.2.1. Topogenèse ou l’émergence du sujet en soi-même

En inversant la conception benvenistienne attribuant la haute main au sujet je dans l’organisation spatio-temporelle puisque c’est à lui qu’échoit le soin de fixer en tant que rapporteur énonciatif de la situation les paramètres spatio-temporels, l’approche praxématique préfère aborder le problème de l’organisation spatiale à partir de l’expérience du sujet.

En effet , alors que selon l’optique énonciative tout l’énoncé est rapporté au sujet qui impose en quelque sorte son point de vue , son diktat à l’énonciation et cela en conformité avec le postulat de départ définissant l’énonciation comme « la mise en fonctionnement de

la langue par un acte individuel d’utilisation » Benveniste ( 1974 :80) , l’approche

anthropologique considère le sujet certes comme un élément important , mais pris dans les rets de l’expérience qui le façonne progressivement selon des degré d’actualisation et qu’il reporte sur les mots pour catégoriser le réel.

Tandis que l’énonciation benvenistienne conçoit le sujet comme un être souverain investissant l’espace énonciatif puisqu’il en revendique la maitrise en y marquant sa place : « demain, je viendrai chez vous », la praxématique en verrait plutôt l’émergence progressive dans le temps et l’espace opératif , la gestation et la conception graduelle dans une matrice spatio-temporelle. Dans ce cas on parle de topologie du sujet. De ce fait le sujet qui s’autodésigne par je se définit comme une entité plongée dans espace : une topothèse.

Faisant partie du processus de l’actualisation , la topogenèse se présente comme une construction d’un spectacle linguistique représentant la réalité .Inspirée de la chronogenèse48

guillaumienne qui rend compte de l’actualisation du verbe , la topogenèse , littéralement « naissance d’ un lieu ou dans un lieu », émergence d’une entité linguistique (le sujet par exemple ) dans un espace de représentation .Cette matérialisation s’effectue en trois étapes :

48 Dans l’étude de notre corpus sur l’identité , nous emprunterons ce terme pour désigner la projection du sujet

dans le temps , passé surtout , pour faire valoir l’ancienneté de sa présence dans la société en question(récit de la saga familiale , mythes fondateurs pour la nation.) et par voie de conséquence sa préséance sur les autres citoyens

 même de similitude « adhésion sans aucune distance à un modèle humain schématique », le sujet ne témoigne d’aucune autonomie par rapport à l’autre .Il est comme fondu dans l’autre.

 même analogique « coordination avec l’autre sans dégagement de territoire réciproque ».C’est une phase dialogique où la conformité des vues en même qui fait que le même et l’autre sont indistincts à la manière de l’adage qui veut que ceux « qui se ressemblent s’assemblent ».49

 subjectivité (représentation) en soi-même « fondée sur la disjonction entre je et autrui ». Cette position est centrée sur la présence accomplie et affirmée du sujet se manifestant textuellement par le« je-tu-ici- maintenant » dans un mode antagonique vis-à-vis de l’Autre repérables aux marqueurs spatio-temporels (démonstratifs, possessifs, ici/ailleurs, temps de l’indicatif)

Etant inclus dans un espace, le sujet prend plus de consistance et se situe donc dans un

ici opposé l’ailleurs (il). L’opposition personne /non personne (Benveniste, 1966/1974) ne se

fait pas selon le mode exclusif de l’énonciation, mais plutôt dans le cadre de l’hétérogénéité

spatiale, la non personne devenant l’autre pouvant contribuer à la genèse du sujet et à ses

actions dans le cadre de l’hétérogénéité énonciative et du dialogisme.

Ainsi l’approche praxématique, de par son positionnement anthropologique permet de sortir le sujet de sa solitude pour le plonger dans une topologie révélant une hétérologie ontologique (topogenèse ) que l’approche énonciative initiée par Benveniste était loin d’entrevoir. Le modèle unique fondé sur l’ego ainsi battu en brèche cède le pas à une conception spatiale du sujet apportant à la subjectivité un modèle graduel (topogenèse) qui intègre aussi bien le sujet égotique , le sujet expérientiel et le sujet dialogique.

De cette façon la voie semble ouverte, pour nous, pour montrer comment le sujet (le locuteur français) se définit par rapport aux autres sujets potentiels, prend de la consistance par rapport à ces autres qu’il situe dans un ici graduel que décrit clairement le processus de la

topogenèse (sujet en même) (J.- M. Barbéris ,Tec : 359).et par la position dans le gradient du

domaine notionnel (Culioli, 1999) dans le cadre d’une dialectique du même et de l’autre.

Cette matérialisation s’effectue en trois étapes :

Selon le modèle proposé par Lafont (1978 : 211-228), l’actualisation du nom en français passe par trois étapes successives (topothèses) :

49On est tenté de voir dans cette position, l’attitude du sujet idéologique (Althusser , 1976) reprenant, scandant,

 Topothèse liminaire équivalente à l’in posse de Guillaume  Topothèse émergente correspondant à l’in fieri

 Topothèse achevée représentation de l’in esse.

Dans la position première (liminaire), le nom, praxème selon la terminologie praxématique ne possédant pas de déterminant est pris dans l’absolu. Il n’a aucune présence contextuelle sauf celle de l’entrée lexicologique. Il est, dirait-on, en situation de potentialité, de puissantialité selon la conception guillaumienne, une notion prélinguistique, une lexis dans le langage culiolien. En somme, il n’a qu’une référence virtuelle.

Dans la seconde topothèse, la genèse de l’image-espace destinée à accueillir en son sein le nom en gestation se présente sous la forme d’une construction en devenir.

Enfin, dans la troisième topothèse le nom prend plus de consistance grâce à sa prise en charge par la subjectivité du locuteur qui investit sa personne dans l’énoncé contenant le nom .Dans sa définition de la subjectivité en même et en soi-même J-M. Barbéris (Tec 2001 : 329) remarque que :

« tant les observations sur les typologies linguistiques (Nguyen 1992 , Paris 1992, Tamba1992) que celles de l’anthropologie ou de l’interactionnisme (Hall 1966/1971 , Kerbrat-Orecchioni 1992) donnent un fondement solide à l’hypothèse suivante : les positions personnelles sont étroitement corrélées aux positionnements spatiaux , et en particulier aux oppositions présence /absence , proximité/éloignement (axe horizontal : symbolisation territoriale) , ainsi que haut/bas (axe vertical : symbolisation hiérarchique). »