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Vers une approche du processus de la catégorisation chez le sujet énonciateur

5.1. Un modèle cognitivo-langagier : les opérations sémantiques des énonciateurs selon G.Vignaux.

5.1.1. Opérations cognitives

5.1.1.1. Opérations cognitives d’identification -différenciation

En lui attribuant une nomination, les opérations sémantiques d’identification octroient une existence à un objet, une notion. Cette opération a pour conséquence logique une opération de différenciation car identifier, c’est isoler, c’est opérer une distinction par rapport aux éléments appartenant à la même classe. Cette opération permettra d’analyser les dénominations utilisées par les énonciateurs pour désigner les personnes composant la nation française. Désigne-t-on l’identité de façon uniforme ? La population française est-elle désignée de façon homogène ?

• Identification :

Extrait n° 6 :

J Chris C02/11/09 à 12:01

« Le travailleur malien sans papier qui paye ses impôts en France ne mérite t-il pas d’être français ou au moins d’être accueilli convenablement quand certains artistes, sportifs ou grands patrons quittent la France pour de minables raisons fiscales. Si être français ça se mérite, ces derniers, souvent donneurs de leçons, sont au bas de l’Echelle car pour devenir ce qu’ils sont c’est en partie grâce à leur pays qu’ils le doivent »

Pour l’énonciateur l’ouvrier malien mérite la dénomination de « français » du fait de s’être acquitté de ses devoirs civiques. Elle établit une identité entre lui et le bon citoyen qui paie ses impôts . Cette identification faite sur le critère du sens civique le différencie des « artistes, sportifs ou grands patrons » lesquels pratiquant l’évasion fiscale ne méritent pas la dénomination de « Français ».

Extrait n° 7

ALVAREZ , 02/11/09 à 13:16

« Et je tiens à dire aussi, quand on nait français de parents françaisd’origine française, vous devez aimer la France. Mais quand on nait Français de parents étranger ou parents Français d’origine étrangère , vous devez aimer la France plus qu’un Français d’origine Française »

Extrait n° 8

Francis , 02/11/09 à 15:19

« je ne dirais pas ces français mais certains détenteurs d'une carte d'identité française » Les différentes désignations « notre population d’origine étrangère. » « Français de

parents étranger / français de parents français d’origine française, » établissent clairement

une différenciation entre les personnes ayant le même statut vis-à-vis de la loi.

L’énonciateur se prénommant Francis place une catégorie de citoyens français dans l’altérité en leur refusant la dénomination « français » «je ne dirais pas ces français » en les différenciant des autres personnes pourtant issues de la même catégorie.

5.1.1.2. Des stabilisations impliquant des déstabilisations

Nous repérerons ensuite les opérations de stabilisation-déstabilisation par le biais desquels le sujet énonciateur confirme la permanence de l’objet discursif en clôturant le champ de signification ou bien en négocie la représentation en déplaçant les frontières de ce champ afin de déstabiliser d’autres représentations du monde.

• Stabilisation :

Extrait n° 9

rudolf bkouche02/11/09 à 11:11

« Etre français, c’est avoir la carte nationale d’identité française. Je ne vois pas ce qu’il faut rajouter à cette définition administrative.(...)Le débat lancé per Besson n’a aucune raison d’être sauf le retour à une conception totalisante de la nation. Maurras contre Renan pourrait-on dire !!! »

Le sujet confirme la permanence de l’ancienne définition « administrative » et clôture le signification que le débat voudrait ouvrir.

• Déstabilisation

Extrait n° 10

Daniel Lefeuvre (Historien)

« L’identité nationale, c’est une construction historique, et comme toute construction, elle a un côté artificiel. Mais dans l’histoire, il n’y a que de l’artificiel qui dure ! L’identité nationale plonge dans une histoire longue […]. L’identité nationale est une donnée qu’on trouve quand on naît ou quand on arrive en France. C’est une donnée, mais elle n’est pas définie une fois pour toutes. Cet héritage s’enrichit de génération en

génération. » (Source : Libération27/10/09)

> http://www.liberation.fr/politiques/0101599552-un-hymne-ca-exprime-un-desir

Le sujet déstabilise l’objet discursif « identité nationale » en affirmant que c’est « « une simple « donnée » qui « n’est pas définie une fois pour toutes » et que par conséquent le champ des signification demeure ouvert pour être enrichi par les générations successives.

5.1.1.3. Des appropriations associées à des désappropriations

Il s’agit de repérer tous les jeux de modalités qui marquent la distance de l’énonciateur vis-à-vis de son énoncé .L’appropriation est une forme de prise en charge de son dire et la désappropriation est un désengagement vis-à-vis d’un dire autre, d’un objet discursif. Il s’agit pour nous donc de soumettre à l’analyse les traces indiquant une prise de position du sujet vis- à-vis du contenu propositionnel par un modus.

• Appropriation :

Extrait n°11

Claude Imbert , Journaliste

« […] Car la France a « mal à la Nation ». Si bien que ce biais, aussi ambigu soit-il, de l'identité nationale lui donne l'occasion d'analyser son malaise. » »

L’auteur inscrit une appropriation quant à l’opportunité du débat lancé par le gouvernement qu’il désigne par le mot « ce biais » (le débat comme moyen d’analyse du malaise ) . Il commence par faire le constat d’un problème nécessitant une solution. Le verbe avoir conjugué au présent de l’indicatif apporte un constat factuel réel « la France a mal à la nation ».

Ensuite même s’il émet une objection atténuée quant à la nature douteuse de ce procédé (l’identité nationale) sous la forme d’une concession « aussi ambigu soit-il » , mais il se rattrape vers la fin de la phrase pour confirmer sa légitimité en employant le terme laudatif « l’occasion » .

• Désappropriation :

Extrait n° 12

Daniel Cohn-Bendit (Député européen)

« […] Le débat sur l'identité nationale ne sert à rien. Alors, il a lieu, il faut y participer. Tout le monde dit quelque chose. On arrive à définir l’identité républicaine, on arrive à définir l’identité nationale. Et alors ? Ca nous avance à quoi ? Les problèmes qu’ont les gens ne disparaissent pas parce qu’on arrive à une définition abstraite. Je dis que tout débat qui cherche à sanctifier une identité veut exclure. […] » (Source : Europe 1, 03/12/09)

> http://www.europe1.fr/Radio/Videos-podcast/L-interview-de-Jean-Pierre-Elkabbach/

La négation « ne + servir à + rien » est un marqueur qui donne le praxème « identité nationale » comme un inverseur de l’attracteur en opposition à une catégorie typique donnée à voir en creux dans le cadre de la dialectique du même et de l’autre (F. Dufour, 2007 : 461).De ce fait il place l’objet du débat (l’identité nationale) à l’extérieur du domaine notionnel. La cause de l’exclusion est le défaut de fonctionnalité de l’objet discursif. Le verbe « servir » décrit un processusen « faire 4 » , « qui porte au discours la représentation d’un

acte (...) la phrase en « faire » assure (...) la symbolisation de l’agir »B.Vérine (T&c , 2001 :

121) De plus l’ interrogative rhétorique « Et alors ? Ca nous avance à quoi ? » entendue comme une déclarative négative « ça ne nous avance à rien. » anticipe dialogiquement (dialogisme interlocutif) la réponse négative du coénonciateur.