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4. RÉSULTATS ET DISCUSSION

4.5 Tolérance à la pollution

Les poissons intolérants à la pollution sont généralement peu représentés sur la rive nord du fleuve Saint-Laurent (figure 22a). Leur densité relative moyenne de 4 % est trois fois plus faible que sur la rive sud (13 %). Si les poissons intolérants sont mieux représentés sur la rive sud (figure 23a), les tolérants le sont aussi davantage avec une densité relative moyenne de 31 % comparativement à 21 % pour la rive nord. Par ailleurs, on constate aussi que l’abondance relative des intolérants est plus faible, voire même nulle, dans l’estuaire fluvial relativement au tronçon fluvial.

4.5.1 PAR SEGMENTS

Au lac Saint-François, les poissons intolérants à la pollution sont absents ou presque des segments de la rive nord où on ne les trouve que dans des proportions variant de 0 % à < 1 % (figure 22a;

annexe 8). Sur la rive sud, par contre, leur abondance relative oscille entre < 1 % et 43 % et les segments 215S et 237S sont ceux où ils sont le mieux représentés (figure 22b; annexe 8). Cette

forte représentativité est attribuable à la présence d’une seule espèce, le méné pâle.

Sur la rive nord du lac Saint-Louis, la proportion d’intolérants (< 2 %) est en général aussi faible que sur la rive nord du lac Saint-François, à l’exception du segment 274N où elle atteint 25 % (figure 22a; annexe 8). Ce segment est représenté par trois espèces intolérantes à la pollution, mais c’est la forte densité du museau noir (79 PUE;

annexe 6a) qui contribue le plus à ce pourcentage élevé. Par ailleurs, la quasi-totalité des museaux noirs (99 %) ont été capturés à la station S29 située dans la Grande Anse de l’île Perrot (figure 4), dans la masse d’eau des Grands Lacs.

Les autres ont été capturés à proximité, aux stations S28 et S30 (figure 4). Un grand nombre de museaux noirs ont aussi été capturés sur la rive sud du lac Saint-Louis, au nord des îles de la Paix (station S13). Selon Scott et Crossman (1973), ce cyprin préfère les eaux claires et tranquilles des baies et cours d’eau herbeux, peu profonds, et à fond de sable ou de gravier, des milieux abondants au lac Saint-Louis

La rive sud du lac Saint-Louis est peut-être le seul endroit du fleuve où un signal clair de pollution est observé. En aval du rejet d'un établissement industriel et de la confluence de la rivière Saint-Louis qui véhicule la pollution résiduelle de deux autres entreprises industrielles polluantes (segment 274S), la densité relative des poissons tolérants augmente de 42 % par rapport au segment situé en amont (267S) (figure 23a;

annexe 8). Ce pic d’abondance des tolérants est accompagné d’une diminution de 62 % des poissons intolérants, ce qui dénote que le milieu est pollué. En effet, puisque les espèces tolérantes à la pollution sont présentes tant dans les milieux naturels que dégradés, c’est donc seulement lorsque leur présence se combine à l’absence (Cairns et Dickson 1971) ou à une faible proportion (Smith et al. 1994) d’espèces in-tolérantes que le milieu est dégradé. Les espèces intolérantes sont quasiment disparues du milieu au segment 274S, où elles ne sont plus

215N 221N 226N 232N 237N 267N 274N 280N 383N 388N 392N 396N 401N 406N 411N 416N 421N 427N 459N 468N 473N 494N 506N 512N 518N

0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100

0

Grondines-Donnacona Archipel

du lac St-Pierre Lac

St-Louis

Gentilly-Batiscan Lac

St-François

Lac St-Pierre

Densité relative (%)

a

Inconnus

Intolérants

Intermédiaires

Tolérants

Grondines-Donnacona Archipel

du lac St-Pierre Lac

St-Louis

Gentilly-Batiscan Lac

St-François

Lac St-Pierre

Prise par unité d'effort (PUE)

b

Inconnus

Intolérants

Intermédiaires

Tolérants

215N 221N 226N 232N 237N 267N 274N 280N 383N 388N 392N 396N 401N 406N 411N 416N 421N 427N 459N 464N 468N 473N 494N 500N 506N 512N 518N

0 50 100 150 200 250 300

0

Figure 22. Variation spatiale de la densité relative (a) et des PUE (b) des poissons en fonction de leur tolérance à la pollution pour les différents segments de la rive nord du fleuve Saint-Laurent

Grondines-Donnacona Lac

St-Louis

Gentilly-Batiscan Lac

St-François

Lac St-Pierre

Densité relative (%)

a

Inconnus

Intolérants

Intermédiaires

Tolérants

Grondines-Donnacona Lac

St-Louis

Gentilly-Batiscan Lac

St-François

Lac St-Pierre

Prise par unité d'effort (PUE)

b

Inconnus

Intolérants

Intermédiaires

Tolérants

Figure 23. Variation spatiale de la densité relative (a) et des PUE (b) des poissons en fonction de leur tolérance à la pollution pour les différents segments de la rive sud du fleuve Saint-Laurent

215S 221S 226S 232S 237S 267S 274S 280S 383S 388S 392S 396S 401S 406S 411S 416S 421S 427S 459S 464S 468S 473S 494S 500S 506S 512S 518S

0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100

0

215S 221S 226S 232S 237S 267S 274S 280S 383S 388S 392S 396S 401S 406S 411S 416S 421S 427S 459S 464S 468S 473S 494S 500S 506S 512S 518S

0 300 600 900 1 200 1 500

0

N. LAVIOLETTEet al. – COMMUNAUTÉS DE POISSONS ET INTÉGRITÉ BIOTIQUE DU SAINT-LAURENT, 1995-1997

représentées que dans une proportion de 1 % (figure 23a; annexe 8). Karr et al. (1986) ont démontré qu’elles étaient les premières à disparaître à la suite d’une dégradation de la qualité de l’eau, de l’habitat ou d’une com-binaison des deux. L’impact de la pollution observé au segment 274S est suivi d’une récupération plus loin en aval, au segment 280S, où l’abondance relative des tolérants diminue de 53 % et celle des intolérants augmente de 85 % pour atteindre des proportions respectives de 2 % et 86 % (figure 23a; annexe 8).

Tel que discuté à la section 4.1.1, on attribue les fortes proportions d’intolérants aux segments 267S et 280S, surtout aux densités élevées du méné pâle (616 PUE et 1294 PUE respecti-vement; annexe 6b), une espèce au comportement grégaire. Toutefois, le fait d’en avoir capturé un petit nombre (23) au segment 274S (figure 2) semble indiquer que le grégarisme n’est pas le seul facteur mis en cause et que la dégradation du milieu pourrait jouer un rôle important. La contamination de l’eau, des sédiments et des organismes (benthos, poisson) dans le secteur des îles de la Paix est largement documentée (Désilets et Langlois 1989; Rondeau 1993 cité par Willsie et Costan 1996; Désy et al. 2000;

Willsie et Costan 1996; Laliberté, en prépa-ration). Les courants sont très faibles dans cette partie du lac et environ 1 % du débit du Saint-Laurent vient s’écouler au sud des îles de la Paix (Sérodes et Talbot 1980). Ainsi, les eaux contaminées de la rivière Saint-Louis ne se diffusent pas vers le large du lac mais sont rabattues sur la rive sud et s’acheminent vers le chenal situé au sud des îles de la Paix (Sérodes et Talbot 1980). Si l’on interprète l’information sur la diffusion et le mélange des eaux de la rivière Saint-Louis en fonction des sites de capture du méné pâle, on constate qu’au segment où se jette la rivière Saint-Louis (267S), aucun spécimen n’a été capturé aux stations pêchées à la seine en bordure de rive (S1 et S2; figure 2). Par ailleurs, on a recensé neuf spécimens à la station S12, légèrement en retrait de la rive, et 3 869

spéci-mens à la station S11, au nord d’une petite île au large. Ces résultats concordent avec le rabat-tement du panache de la rivière Saint-Louis le long de la rive. Plus loin en aval, au segment 274S, le méné pâle a été capturé uniquement à la station S19 (23 spécimens), éloignée d’environ 2 km de la rive. Encore une fois, cette obser-vation semble correspondre avec l’élargissement progressif du panache de la rivière Saint-Louis à la suite de son mélange avec les eaux du lac.

Aux segments de l’archipel du lac Saint-Pierre, les proportions de poissons tolérants (16 % à 25 %) sont similaires à celles de la rive nord des lacs Saint-François et Saint-Louis, en amont (figure 22a; annexe 8). Quant aux intolérants, ils sont représentés à tous les segments dans des proportions variant entre 1 % et 7 % et par une variété d’espèces, soit cinq parmi les six recen-sées dans le Laurent. Au nord du lac Saint-Pierre, la densité relative des poissons tolérants est légèrement plus élevée aux segments 401N (34 %) et 421N (37 %) (figure 22a; annexe 8).

Toutefois, dans le cas du segment 421N, cette augmentation est plutôt un artefact d’une densité totale faible (34 PUE) (figure 22b). Ainsi, une légère variation des PUE peut se traduire par une différence importante au niveau des densités relatives. Les intolérants sont représentés à tous les segments de la rive nord du lac Saint-Pierre dans des proportions (1 % à 3 %) généralement aussi faibles que pour l’archipel, sauf au segment 406N où un pic de 38 % est observé (figure 22a;

annexe 8). C’est surtout la forte densité du méné d’herbe (21 PUE) près de l’embouchure de la rivière du Loup (station S5; figure 5) qui contribue à ce pourcentage élevé. Sur la rive sud du lac Saint-Pierre, les intolérants sont repré-sentés à tous les segments dans des proportions (1 % à 25 %) qui sont, en général, supérieures à celles de la rive nord (figures 22a et 23a). Les proportions les plus élevées sont observées pour les segments 406S (19 %) et 411S (25 %), dominés surtout par le méné d’herbe, ainsi que pour le segment 427S (17 %), où le méné pâle est l’espèce la mieux représentée. La densité totale

N. LAVIOLETTEet al. – COMMUNAUTÉS DE POISSONS ET INTÉGRITÉ BIOTIQUE DU SAINT-LAURENT, 1995-1997

du segment 427S est toutefois au moins trois fois plus faible que celle des deux autres segments (figure 23b), ce qui augmente la variabilité. Le segment situé à la confluence des rivières Yamaska et Saint-François (401S) est l’un de ceux avec la plus faible proportion d’intolérants (2 %). Sa proportion de tolérants (28 %) est toutefois comparable à celle des autres segments (28 % à 46 %) (figure 23a; annexe 8). Remar-quons que ce segment compte aussi un faible nombre de stations (cinq; tableau 2). L’abon-dance relative maximale des tolérants est observée pour le segment 411S mais n’est pas nécessairement indicative de dégradation puisque ce segment compte aussi la plus forte proportion d’intolérants (25 %).

Dans le secteur Gentilly-Batiscan, les intolérants sont faiblement représentés, tant sur la rive nord que sur la rive sud, où ils varient dans des proportions de 0 % à 2 % (figures 22a et 23a).

Les seules espèces représentées sont la laquaiche argentée (rives nord et sud) et le fouille-roche gris (rive sud). Sur la rive nord, la densité relative des tolérants (10 % à 18 %) se compare à celle des autres secteurs. Cette observation est généralement vraie aussi pour la rive sud (14 % à 28 %), sauf pour le segment 459S où la propor-tion de poissons tolérants atteint un sommet de 59 %. Les espèces qui contribuent le plus à ce fort pourcentage sont le fondule barré (24 PUE), le méné jaune (21 PUE) et le raseux-de-terre gris (21 PUE) (annexe 6b). La présence des deux premières espèces ne semble pas liée à l’effluent thermique puisqu’elles ont été capturées majoritairement en amont, aux stations S1 et F1 (figure 6). Quant au raseux-de-terre gris, il a été trouvé à des stations situées dans le panache de l’effluent (S3 et S4) mais on l’a aussi capturé en amont (S1) et sur les battures (S22 et S23) (figure 6). Remarquons toutefois que la tempéra-ture n’est pas un facteur pris en compte pour classer les espèces en fonction de leur tolérance à la pollution, ce qui explique pourquoi les résultats obtenus ne reflètent pas nécessairement un impact de pollution thermique. La forte

propor-tion de poissons tolérants au segment 459S peut être attribuable aux caractéristiques d’habitat particulières à la partie aval du quai de Bécancour et/ou à la pollution résiduelle de la rivière Bécancour et du parc industriel de Bécancour.

Une étude de l’hydrodynamique du futur effluent industriel de l’entreprise Tioxide Canada Inc. a montré que bien que la majeure partie de la rho-damine (colorant) contourne le quai pour se diffuser vers le large, une portion était rabattue sur la rive sud, à l’amont et à l’aval du quai, sous la forme d’une gyre (André Thibault, ministère de l’Environnement du Québec, comm.

pers.).

Finalement, les intolérants sont absents du secteur Grondines–Donnacona sauf pour le segment 518N où ils sont représentés dans une proportion de 2 % (figures 22a et 23a). Les conditions de vie difficiles de ce secteur fortement affecté par la marée pourraient, en partie, être à l’origine d’une plus faible représentativité des intolérants. Les espèces intolérantes à la pollution regroupent plusieurs membres de la famille des cyprinidés dont la limite est de répartition dans le Saint-Laurent est située en amont de Grondines. Même à de faibles densités, la présence du fouille-roche gris et de la laquaiche argentée au segment 518N, confirme qu’il est possible de trouver des espèces intolérantes dans ce secteur du fleuve.

Certaines ont décliné et au moins une a disparu (le bar rayé (Morone saxatilis)) à la suite des travaux d’élargissement du chenal maritime ou de construction du quai de Portneuf (Robitaille et al.

1988). Sur la rive nord, la plus forte proportion de tolérants est observée pour le segment 494N (42 %) (figure 22a). Elle ne semble pas être attribuable à une faible densité totale puisque ce segment est celui de la rive nord qui compte la plus forte densité (figure 22b). Il est possible que ce pourcentage élevé reflète des conditions d’habitat particulières ou soit lié à l’érosion des rives. Grondines est la municipalité du secteur dont la rive est la plus érodée (43,1 %) (Armellin et Mousseau 1998). Dans le Saint-Laurent, le batillage constitue un facteur important d’érosion

des berges (Faivre et Bouchard 2001), laquelle en retour contribue à accroître la turbidité et la sédimentation. Plusieurs espèces de poissons sont intolérantes à la turbidité et à la sédimentation et s’en trouvent affectées, soit directement, par le tort physique qui leur est causé, ou indirectement, par la destruction de leur habitat (Clark et al.

1985). Par exemple, un changement dans la composition des espèces, en vertu duquel les espèces intolérantes à la turbidité et à la sédimen-tation sont remplacées par d’autres tolérantes, a souvent été observé (Marsh et Luey 1982;

Menzel et al. 1984; Clark et al. 1985; Larsen et al. 1986; Allan et Flecker 1993).

Sur la rive sud, la densité relative des tolérants enregistrée aux segments 494S à 506S (3 % à 7 %) est parmi les plus faibles observées de ce côté du fleuve (figure 23a; annexe 8). Les fortes densités de raseux-de-terre gris font en sorte que la proportion de tolérants quintuple aux segments 512S (31 %) et 518S (40 %). Ces chiffres doivent toutefois être interprétés avec prudence en raison des faibles densités totales sur cette rive (29 à 38 PUE; figure 23b) qui peuvent engendrer une grande variabilité.

4.5.2 PAR SECTEURS

La présentation des résultats par secteurs (figures 24a et 25a; annexe 9) n’apporte pas vé-ritablement d’élément nouveau qui n’ait pas déjà été discuté. Au contraire, la résolution moins fine ne permet pas de détecter, par exemple, le signal de pollution en aval de la zone de confluence de la rivière Saint-Louis (figure 25a), ce que permet l’analyse par segments (figure 23a).