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4. RÉSULTATS ET DISCUSSION

4.6 Composition trophique

La variation spatiale de la densité relative des poissons omnivores (figures 26a et 27a) est généralement similaire à celle des tolérants dans le fleuve Saint-Laurent car cinq des huit espèces omnivores sont aussi tolérantes à la pollution. On observe d’ailleurs une corrélation positive entre

les deux variables (t = 0,5; p = 0,0001; n = 46).

Tel que mentionné à la section 3.3.1.9, une augmentation de la proportion d’omnivores dans un système dénote ordinairement une dégradation du milieu (Karr 1981; Karr et al. 1986; Gray 1989). Leur grande plasticité alimentaire leur permet de dominer le milieu, au détriment des spécialistes, face à la raréfaction de certaines ressources spécifiques. De façon générale, les omnivores sont davantage représentés sur la rive sud que sur la rive nord du fleuve Saint-Laurent (figures 26a et 27a) où leurs densités relatives moyennes s’élèvent à 17 % et 12 % respec-tivement.

Les cyprinidés insectivores sont aussi mieux représentés sur la rive sud avec une densité relative moyenne de 21 % comparativement à 14 % pour la rive nord. Sur la rive nord, ils sont surtout circonscrits entre le lac Saint-Louis et le milieu du lac Saint-Pierre alors que sur la rive sud, ils sont davantage répartis dans l’ensemble des secteurs (figures 26a et 27a). Nous men-tionnions à la section 3.3.1.9 les propos de Karr et al. (1986) à l’effet que la densité relative des cyprinidés insectivores diminue avec une dégradation de la qualité de l’eau ou de l’habitat.

Dans une étude de la rivière Yamaska, La Violette (1999) a confirmé que les cyprinidés insectivores constituaient de bons indicateurs, du moins de pollution urbaine et agricole. En effet, leur proportion était inversement corrélée à certaines variables associées à la détérioration de la qualité de l’eau (azote, DBO5, coliformes fécaux) et aux pratiques agricoles intensives (proportion de la superficie du bassin en cultures à grand interligne).

Les piscivores ont une représentativité comparable d’une rive à l’autre où des proportions moyennes respectives de 12 % et 11 % sont observées sur les rives nord et sud. Une communauté saine et diversifiée sur le plan trophique inclut des populations robustes et en santé de prédateurs piscivores (e.g. achigans, dorés, brochets) (Karr et al. 1986). En dernier lieu, les invertivores et les

N. L V et al. – C S -L , 1995-1997 Grondines-Donnacona Lac

St-Louis

Gentilly-Batiscan Lac

St-François

Lac St-Pierre

Densité relative (%)

a

Inconnus

Intolérants

Intermédiaires

Tolérants

Grondines-Donnacona Lac

St-Louis

Gentilly-Batiscan Lac

St-François

Lac St-Pierre

Prise par unité d'effort (PUE)

b

Inconnus

Intolérants

Intermédiaires

Tolérants

Figure 24. Variation spatiale de la densité relative (a) et des PUE (b) des poissons en fonction de leur tolérance à la pollution pour les différents secteurs de la rive nord du fleuve Saint-Laurent

0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100

0 50 100 150 200 250 300

Archipel Lac St-Pierre

Archipel Lac St-Pierre

0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100

Grondines-Donnacona Lac

St-Louis

Gentilly-Batiscan Lac

St-François

Lac St-Pierre

Densité relative (%)

a

Inconnus

Intolérants

Intermédiaires

Tolérants

Grondines-Donnacona Lac

St-Louis

Gentilly-Batiscan Lac

St-François

Lac St-Pierre

Prise par unité d'effort (PUE)

b

Inconnus

Intolérants

Intermédiaires

Tolérants

Figure 25. Variation spatiale de la densité relative (a) et des PUE (b) des poissons en fonction de leur tolérance à la pollution pour les différents secteurs de la rive sud du fleuve Saint-Laurent

215N 221N 226N 232N 237N 267N 274N 280N 383N 388N 392N 396N 401N 406N 411N 416N 421N 427N 459N 468N 473N 494N 506N 512N 518N

0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100

215N 221N 226N 232N 237N 267N 274N 280N 383N 388N 392N 396N 401N 406N 411N 416N 421N 427N 459N 464N 468N 473N 494N 500N 506N 512N 518N

0 50 100 150 200 250 300 350

Grondines-Donnacona Archipel

du lac St-Pierre Lac

St-Louis

Gentilly-Batiscan Lac

St-François

Lac St-Pierre

Densité relative (%)

a

Grondines-Donnacona Archipel

du lac St-Pierre Lac

St-Louis

Gentilly-Batiscan Lac

St-François

Lac St-Pierre

Prise par unité d'effort (PUE)

Figure 26. Variation spatiale de la densité relative (a) et des PUE (b) des poissons en fonction de leur niveau trophique pour les différents segments de la rive nord du fleuve Saint-Laurent

Herbivores (H) ou Inconnus (I)

Piscivores

Autres Insectivores

Cyprinidés insectivores

Invertivores

Planctivores

Omnivores

Herbivores (H) ou Inconnus (I)

Piscivores

Autres Insectivores

Cyprinidés insectivores

Invertivores

Planctivores

Omnivores

I H H H I

I H H

b

H I

H

I H

I H

H

N. LAVIOLETTEet al. – COMMUNAUTÉS DE POISSONS ET INTÉGRITÉ BIOTIQUE DU SAINT-LAURENT, 1995-1997

Grondines-Donnacona Lac

St-Louis

Gentilly-Batiscan Lac

St-François

Lac St-Pierre

Densité relative (%)

a

Grondines-Donnacona Lac

St-Louis

Gentilly-Batiscan Lac

St-François

Lac St-Pierre

Prise par unité d'effort (PUE)

Figure 27. Variation spatiale de la densité relative (a) et des PUE (b) des poissons en fonction de leur niveau trophique pour les différents segments de la rive sud du fleuve Saint-Laurent

Inconnus (I)

Piscivores

Autres Insectivores

Cyprinidés insectivores

Invertivores

Planctivores

Omnivores

Inconnus (I)

Piscivores

Autres Insectivores

Cyprinidés insectivores

Invertivores

Planctivores

Omnivores

215S 221S 226S 232S 237S 267S 274S 280S 383S 388S 392S 396S 401S 406S 411S 416S 421S 427S 459S 464S 468S 473S 494S 500S 506S 512S 518S

0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100

215S 221S 226S 232S 237S 267S 274S 280S 383S 388S 392S 396S 401S 406S 411S 416S 421S 427S 459S 464S 468S 473S 494S 500S 506S 512S 518S

0 250 500 750 1000 1250 1500

I I I I I

b

I

I I

I I

N. LAVIOLETTEet al. – COMMUNAUTÉS DE POISSONS ET INTÉGRITÉ BIOTIQUE DU SAINT-LAURENT, 1995-1997

planctivores ont une abondance relative nette-ment plus élevée dans l’estuaire fluvial que dans le tronçon fluvial (figures 26a et 27a).

4.6.1. PAR SEGMENTS

Au lac Saint-François, une diminution locale de la proportion d’omnivores de 21 % est observée au segment 232N (figure 26a; annexe 10). Cette baisse est analogue à celle observée pour les tolérants (figure 22a) et reflète la disparition du ventre-pourri et du meunier noir ainsi que la plus faible densité du méné jaune (annexe 6a). L’un des deux pics d’omnivores les plus importants du fleuve (43 %) est celui du segment opposé (232S) où on trouve une forte abondance du ventre-pourri (figure 27a; annexe 6b). À l’instar des intolérants, les cyprinidés insectivores sont presque absents des segments de la rive nord (< 1 % à 2 %) alors que sur la rive sud, leur densité relative est généralement plus élevée (< 1 % à 45 %) (figures 26a et 27a; annexe 10).

C’est aux segments 215S et 237S que les cypri-nidés insectivores sont les mieux représentés. En revanche, la rive nord compte une proportion de piscivores (7 % à 14 %) supérieure à celle de la rive sud (4 % à 6 %).

Sur la rive nord du lac Saint-Louis, la densité relative des omnivores (17 % à 22 %) est similaire à celle de la rive nord du lac Saint-François. Les cyprinidés insectivores sont, par contre, beaucoup mieux représentés (16 % à 29 %). Les espèces les plus abondantes, sont, selon les segments, le queue à tache noire, le méné émeraude, le museau noir et le méné bleu (annexe 6a). Les piscivores sont plus faiblement représentés que sur la rive nord du lac Saint-François (figure 26a) mais les PUE des piscivores sont comparables pour les deux secteurs (figure 26b). Toutefois, les densités totales deux à trois fois plus élevées au lac Saint-Louis se traduisent par des densités relatives plus faibles. Sur la rive sud du lac Saint-Louis, l’augmentation de 35 % de la proportion des omnivores au segment 274S combinée à la quasi-disparition des cyprinidés insectivores montre,

une fois de plus, l’impact de la pollution en aval de la zone de confluence de la rivière Saint-Louis (figure 27a). La récupération du milieu, plus loin en aval au segment 280S, est illustrée par la faible proportion d’omnivores (1 %) et le fort pourcentage de cyprinidés insectivores (94 %).

Aux segments 267S et 280S, le méné pâle représente respectivement 83 % et 93 % des PUE des cyprinidés insectivores mais d’autres espèces (méné paille, museau noir) contribuent aussi aux densités relatives élevées de ce groupe trophique.

Dans l’archipel du lac Saint-Pierre, les proportions d’omnivores sont similaires à celles des lacs Saint-François et Saint-Louis (figure 26a).

Les cyprinidés insectivores sont largement représentés avec des densités relatives de 20 % à 58 % (annexe 10). Au nord du lac Saint-Pierre, l’abondance relative des cyprinidés insectivores demeure élevée dans les deux premiers segments (17 % et 37 %). Elle diminue toutefois de façon très nette à partir du segment 411N et se maintient entre < 1 % et 4 % jusqu’à l’exutoire du lac. Les segments 416N à 427N ont cependant une densité totale faible (< 50 PUE) qui peut se traduire par une grande variabilité au niveau des densités relatives (figure 26b). Les proportions de piscivores (5 % à 21 %) sont généralement comparables à celles du lac Saint-François (7 % à 14 %) mais sont plus élevées que celles observées au lac Louis et pour l’archipel du lac Saint-Pierre (2 % à 4 %). Les PUE des piscivores sont semblables pour les lacs Louis et Saint-Pierre mais les densités totales plus faibles de ce dernier résultent en de plus fortes densités relatives (figure 26b). Du côté sud du lac Saint-Pierre, l’abondance relative des cyprinidés insectivores ne chute pas à mi-parcours mais demeure relativement importante (8 % à 31 %) sur toute son étendue (sauf pour le segment 416S;

1 %) (figure 27a; annexe 10). Les proportions de piscivores (4 % à 20 %) sont comparables à celles de la rive nord du lac Saint-Pierre mais sont généralement plus élevées que celles de la rive sud des lacs Saint-François et Saint-Louis (< 1 % à 6 %).

Sur la rive nord du secteur Gentilly-Batiscan, les omnivores atteignent les plus faibles proportions du fleuve (0 % à 2 %) (figure 26a). De même, les insectivores sont plus faiblement représentés.

Ces deux groupes trophiques sont supplantés par les planctivores (6 % à 53 %) et les invertivores (2 % à 35 %), lesquels sont représentés chacun par une seule espèce, l’éperlan arc-en-ciel et l’esturgeon jaune, respectivement. Ce change-ment dans la composition trophique des espèces peut refléter un ou plusieurs des facteurs suivants, lesquels ne sont pas nécessairement indépendants les uns des autres : (1) le faible nombre de stations et la pêche moins systématique du secteur; (2) les faibles PUE totales et la variabi-lité inhérente associée aux densités relatives;

(3) les caractéristiques d’habitat particulières (marées, vitesse du courant élevée, artificialisa-tion de la rive, rareté des herbiers). En dernier lieu, il est possible que la présence des éperlans arc-en-ciel, tous des petits spécimens, résulte de la dérive de juvéniles en provenance de l’amont (Frédéric Lecomte, Université Laval, comm.

pers.). Par ailleurs, il n’est pas impossible que les juvéniles puissent remonter en amont de l’estuai-re moyen en exploitant les courants de marée, vers la fin de la saison de croissance. On en a d’ailleurs déjà capturé dans le passé, à la station de pêcherie expérimentale de l’Aquarium de Québec, en amont de Saint-Nicolas (Frédéric Lecomte, Université Laval, comm. pers.).

La rive sud de Gentilly-Batiscan affiche des proportions d’omnivores (12 % à 30 %) et de piscivores (7 % à 20 %) similaires à celles du lac Saint-Pierre. En revanche, les densités relatives des cyprinidés insectivores (< 1 % à 3 %) y sont généralement nettement plus faibles.

Le segment 473S, avec 13 % de cyprinidés insectivores, fait exception à cette règle. Ce pourcentage pourrait toutefois être influencé par la faible densité totale du segment (40 PUE) et l’abondance peu élevée du méné émeraude (5 PUE) qui constitue l’unique espèce de ce groupe trophique. On ne saurait dire si c’est l’effluent thermique de Gentilly-2, la pollution

résiduelle du parc industriel de Bécancour ou la limite de répartition de certaines espèces qui est responsable de la faible représentativité des cyprinidés insectivores sur la rive sud du secteur Gentilly-Batiscan. Toutefois, certaines carac-téristiques d’habitat communes entre la rive sud du lac Saint-Pierre et du secteur Gentilly-Batiscan (vastes superficies d’herbiers aqua-tiques, rives peu pentues) ne semblent pas favoriser les divergences observées.

Le secteur de Grondines–Donnacona se distingue par la coexistence de presque tous les groupes trophiques (figures 26a et 27a). Sur la rive nord, la proportion des omnivores augmente gra-duellement de l’amont vers l’aval (4 % à 18 %).

On l’attribue à la présence de deux espèces uniquement, la barbue de rivière et le meunier noir. Les cyprinidés insectivores sont faiblement représentés (< 1 % à 4 %), sauf pour le segment 506N où un accroissement de l’abondance du méné émeraude contribue à hausser leur densité relative à 19 %. À l’instar de la rive nord du secteur Gentilly-Batiscan, les invertivores sont bien représentés (2 % à 16 %) dans ce secteur, surtout en raison de la présence de l’esturgeon jaune. Les proportions de planctivores oscillent entre 1 % et 39 % et c’est le gaspareau, plutôt que l’éperlan arc-en-ciel comme sur la rive nord de Gentilly-Batiscan, qui contribue le plus à ces forts pourcentages. La forte densité relative de piscivores (42 %) au segment 506N est attribua-ble à l’abondance élevée du doré noir (17 PUE).

La faible densité totale de ce segment rend toutefois ce résultat difficilement interprétable. La rive sud du secteur Grondines–Donnacona compte les proportions d’omnivores les plus faibles de ce côté du fleuve (1 % à 5 %) (figure 27b). En revan-che, c’est dans ce secteur que les invertivores (2 % à 11 %) et les planctivores (0 % à 40 %) sont le mieux représentés. On trouve aussi les cyprinidés insectivores à des densités relatives assez élevées (2 % à 47 %) et supérieures à celles de la rive sud de Gentilly-Batiscan. Finalement, on y rencontre les plus grandes proportions de piscivores de la rive sud (17 % à 27 %), lesquels

N. LAVIOLETTEet al. – COMMUNAUTÉS DE POISSONS ET INTÉGRITÉ BIOTIQUE DU SAINT-LAURENT, 1995-1997

sont surtout représentés par le doré noir, l’achigan à petite bouche et le doré jaune. Il est possible cependant que les faibles densités tota-les de ce secteur rendent tota-les densités relatives plus variables.

4.6.2 PAR SECTEURS

Sur la rive nord, il ressort clairement que les deux secteurs de l’estuaire fluvial ont une plus forte proportion d’invertivores, de planctivores et de piscivores (figure 28a; annexe 11). La densité relative des cyprinidés insectivores y est, par ailleurs, généralement moindre. Sur la rive sud, par contre, seul le secteur de Grondines–

Donnacona compte une proportion plus élevée d’invertivores, de planctivores et de piscivores (figure 29a). Quant aux cyprinidés insectivores, leur abondance relative diminue de beaucoup au début de l’estuaire fluvial mais augmente à nouveau dans le secteur de Grondines–

Donnacona, à un niveau comparable à celui des lacs Saint-François et Saint-Pierre. Les faibles valeurs de densités totales, particulièrement pour la rive nord de Gentilly-Batiscan (25 PUE;

figure 28b) et la rive sud de Grondines–

Donnacona (35 PUE; figure 29b), peuvent toute-fois introduire une certaine variabilité au niveau des densités relatives; ces résultats doivent donc être interprétés avec prudence.

4.7 TYPES DE REPRODUCTION