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Chapitre 1 : Problématique

1.3 Les TICE pour la protection de la diversité culturelle

La protection de la culture au niveau local et sa promotion au niveau global sont nécessaires pour préserver la diversité culturelle mondiale (UNESCO, 2005a). L’intégration des TIC en éducation joue un rôle central dans ce processus (Alzouma, 2008; Anderson, 2010; Grimshaw & Gudza, 2010; Guttman, 2003; Tiemtoré & Mignot-Lefebvre, 2008; UNESCO, 2003a).

Habituellement considérée sous l’angle de la transmission de connaissances et du développement d’approches souvent standardisées des compétences sociales et comportementales, l’éducation est aussi affaire de transmission de valeurs – au sein des générations, entre les générations, et d’une culture à une autre. Les politiques éducatives ont une incidence majeure sur l’épanouissement ou le déclin de la diversité culturelle. Elles doivent aujourd’hui chercher à promouvoir l’éducation par et pour la diversité afin de garantir le droit à l’éducation en reconnaissant la diversité des besoins des apprenants – en particulier ceux des minorités et des groupes nomades et autochtones – et en intégrant une diversité analogue des méthodes et des contenus. (UNESCO, 2010a, p. 15)

L’éducation est au centre même de la culture, elle favorise la transmission de la connaissance, des valeurs et des traditions d’une génération à l’autre : « Education is to preserve the society’s institutions, its traditions, customs, conventions and values. Education therefore has to serve as a culture conservator for the benefits of future generations » (Rao, 2002, p. 2). Cependant, les réseaux de l’information sont dominés culturellement par une minorité de pays modernisés (Greyling & Zulu, 2010; Paolillo,

Pimienta, Prado, & al., 2005; UNESCO, 2005b). De ce fait, les populations africaines qui intègrent les TIC en éducation doivent faire avec une prédominance de contenus importés qui ne sont pas nécessairement adaptés aux besoins socioculturels locaux (Alzouma, 2008; Díaz Andrade & Urquhart, 2009; Fredua-Kwarteng, 2003; Ndoye, 2006). En effet, il y a une nette sous-représentation de contenu africain sur Internet (Kiyindou, 2011). Dans son étude menée auprès de bibliothèques universitaires africaines, Lugya (2010) souligne que la production de contenu endogène est très limitée et qu’il y a un manque de banques de données locales. De son coté, Mason (2011) souligne que « without linguistically and culturally diverse digital content and material, a large portion of people, especially in developing countries, will be unable to understand and digest what is being offered ». Ainsi, les apprenants africains doivent faire face à des contenus étrangers qui non seulement ne sont pas pédagogiquement pertinents (Blanco, Pimienta, & Prado, 2009), mais qui, en plus, véhiculent des valeurs qui pourraient très bien être néfastes pour l’identité culturelle locale (Chéneau-Loquay, 2010c).

Un programme pédagogique déterminé par des processus d’apprentissage et des contenus standardisés – une approche « taille unique », en quelque sorte – ne peut en aucune façon répondre aux besoins de tous les apprenants, pas plus qu’il ne correspond à leurs conditions de vie. (UNESCO, 2010a, p. 15) Lobombe Mbiock (2009) quant à elle insiste sur l’importance, au niveau local même, de « développer les capacités humaines, les contenus et les applications facilitant le déploiement des TIC » (p. 107). En effet, l’information par elle seule n’est pas nécessairement utile et peut même être nuisible (Vallet, 2005), cependant elle a le potentiel de se transformer en connaissance si elle est utilisée à bon escient : « De plus en plus, la valeur réside non dans la détention d’informations, mais dans l’acquisition des compétences et des moyens nécessaires pour les manipuler de façon productive dans de nouvelles applications » (Butcher, 2004, p. 82).

Sur le plan culturel, la mise en œuvre de contenus adaptés aux différents publics, la production de connaissances à diffuser et échanger et aussi des programmes de formation pour améliorer les compétences pour concevoir, gérer et utiliser ces technologies. Ce sont là tous des enjeux concernant les médias, la diversité culturelle et l’éducation à l’informatique. (Chéneau- Loquay, 2009a, p. 11)

Tsafak (2008) renforce l’idée que les valeurs et les croyances occidentales sont incorporées dans les TICE et souligne l’importance d’adapter leur intégration aux réalités locales : « La plupart des modèles ont été développés et testés en occident avant d’être introduits […]. Pour limiter les risques d’inadaptation et tenir compte de la diversité culturelle […], les programmes doivent être africanisés » (p. 66). Assar, El Amrani et Watson (2010) ajoutent : « schools can use ICT to merely access existing information and knowledge, rather than as part of a new ‘transformative’ pedagogy of teaching and learning » (p. 2). Certes, le milieu scolaire africain doit non seulement intégrer les TICE, mais doit aussi se les approprier et outiller les apprenants et les enseignants de manière à leur donner les capacités de développer un esprit critique face à l’inondation de contenu culturel étranger en ligne.

Il est urgent de procéder à la formation des formateurs à l’utilisation du système multimédia dans l’élaboration des didacticiels, de la numérisation des contenus de cours et de la scénarisation des pratiques pédagogiques qui doivent prendre en considération la pluralité des comportements et des situations sur les plans culturels, économiques et politiques. (Fonkoua, 2009, p. 19)

Malgré l’acceptation (à un certain niveau) de l’intrusion culturelle par l’intermédiaire des TICE, les Africains semblent unanimes sur l’importance de produire leurs propres contenus (Blanco, Pimienta, & Prado, 2009; Ekambo, Kiyindou, & Miyouna, 2009). Ce rôle revient, en premier lieu, aux institutions éducatives locales : « L’usage des TIC au service de l’éducation reste fortement dépendant de la capacité endogène de production de contenus et d’outils pédagogiques numériques » (OIF, 2008, p. 2).

Les TIC doivent être intégrées dans les systèmes d’éducation des pays en développement et cette intégration doit être écologique ; c’est-à-dire qu’elle doit favoriser la pleine participation des populations visées, qu’elle doit être adaptée au contexte

socioculturel local, et que les contenus utilisés et produits doivent être endogènes. La seule présence sur Internet ne suffit pas pour parler d’intégration, il faut absolument une maîtrise de la culture de l’information et une diffusion des savoirs locaux, utiles aux populations locales (Kiyindou, 2009). En effet, si le contenu est endogène, il reflète la réalité locale, il est donc pertinent et l’engagement des acteurs locaux dans le processus d’intégration des TICE sera nettement plus vif, leur permettant ainsi une participation active à la société de l’information.

La problématique de notre recherche nous a ainsi permis de réaliser en quoi le fossé numérique, qui caractérise la différence au niveau des capacités humaines et du développement technologique entre les pays modernisés et les pays africains en développement, menace la diversité culturelle en ligne. Nous avons aussi souligné l’importance de cette diversité pour le bien être de l’humanité et démontré le rôle d’une intégration écologique des TICE en Afrique dans sa préservation et sa promotion. Nous allons, dans la prochaine partie de ce chapitre, mettre en évidence le problème de recherche, ses objectifs et sa pertinence.