• Aucun résultat trouvé

Chapitre 2 : Cadre théorique

2.7 Défis pédagogiques d’une intégration écologique des TICE en Afrique

2.7.1 Contenus

Il y a une nette sous-représentation de contenu africain sur Internet (Kiyindou, 2009). Farrell et Isaacs (2007) soulignent qu’en Afrique « le développement local de contenu éducatif indigène, électronique ou digital, est très limité » (p. 21) et il y a un manque de banques de données locales (Blanco, Pimienta, & Prado, 2009; Diki-Kidiri, 2007). Avec la domination commerciale et culturelle des réseaux de l’information par les pays modernisés, les institutions éducatives africaines doivent se contenter d’une prédominance de contenus importés qui ne sont pas nécessairement adaptés à leurs besoins socioculturels (Díaz Andrade & Urquhart, 2009). La pertinence des contenus disponibles en ligne pour leur utilisation pédagogique dans le contexte africain, est alors mise en question.

Les véritables obstacles se révèlent dans la sclérose des visions et des méthodes, qui nuisent à la créativité et à l'innovation. En particulier, la tendance à ne considérer les TIC que comme des outils et techniques oblitère toute projection stratégique de changement, et accorde la priorité à la consommation de contenants produits à l'extérieur, plutôt qu’à la production endogène de contenus. (ENDA, 2009, p. 3)

Un récent rapport du Forum pour le partenariat avec l’Afrique souligne qu’une « bonne partie du contenu et des services disponibles ne correspondent toujours pas aux réalités locales ou n’existent pas dans les langues nationales » (FPA, 2008, p. 14). De plus, il y a une dévalorisation des connaissances locales dans le monde académique (Muwanga-Zake, 2010). Ainsi, les institutions éducatives se retrouvent dans une situation où non seulement il y a une absence de contenu pertinent, où les capacités humaines nécessaires à sa création sont faibles, mais où même quand celui-ci est produit, il est dévalorisé :

Parallèlement au manque de contenu local, l’insuffisance des capacités locales en matière de développement d’Internet et le peu de connaissances par rapport à la valeur et aux utilisations possibles d’Internet ont contribué à restreindre les améliorations et l’utilité de nombreux sites Internet locaux. De plus, les domaines africains de l’Internet peuvent sembler moins fiables ou moins crédibles que les domaines internationaux de l’Internet. (FPA, 2008, p. 14)

Et ce, aussi bien à l’étranger que chez certains africains qui voient les contenus venant du Nord comme étant « de meilleure qualité » que les contenus endogènes : « On a l’impression que pour les universitaires africains la fonction primordiale de l’université n’est que reproduction et adaptation des connaissances de l’occident plutôt que production des connaissances adaptées » (Bogui, 2008, p. 41) . Malgré cette valorisation des contenus occidentaux, le fait que ceux-ci ne répondent pas aux besoins de la majorité de la population, entraîne une réaction majoritairement passive aux TIC (Alzouma, 2008). En fait, Osborn (2010) nous signale que même si ces contenus sont adaptables aux populations locales, les ressources nécessaires pour leur traduction et leur mise à jour régulière ne sont tout simplement pas présentes :

Localisation of ICT in African languages is important, and that there is considerable potential to use ICT for various purposes in African languages, it is also recognised that the path is not straightforward. Basic technological and educational situations are not favourable, resources for localisation are limited, and policies are not actively supportive. (p. 95)

Ainsi, d’un côté, les institutions éducatives africaines sont encouragées à intégrer les TIC et de l’autre, elles doivent faire face à des contenus étrangers qui non seulement ne sont pas pédagogiquement pertinents, mais qui en plus véhiculent des valeurs qui pourraient très bien être néfastes à l’identité culturelle locale (Osborn, 2010). Díaz Andrade & Urquhart (2009) soulignent que « an examination of what is available on the Internet has confirmed the suspicion that we are being inundated with information that mostly originates from Western cultures, especially the United States. […] we cannot afford to passively observe while a unidirectional process of cultural homogenisation on the Internet is looming » (p. 9). Kiyindou (2009) renforce l’idée que les valeurs et les croyances occidentales sont incorporées dans les TICE et souligne l’importance du rôle des institutions éducatives locales. En effet, malgré l’acceptation (à un certain niveau) de cette intrusion culturelle par l’intermédiaire des TICE, les Africains sont unanimes sur l’importance de produire leurs propres contenus (Blanco, Pimienta, & Prado, 2009; Ekambo, Kiyindou, & Miyouna, 2009; Farrell & Isaacs, 2007).

Si les pays du Nord peuvent partager leur expertise, ce sont les initiatives endogènes, enracinées dans la culture et les besoins locaux, qui pourront y décliner l’appropriation véritable des TIC. Ces observations renforcent l’importance de l’usage des langues locales, et donc la nécessité de produire des outils de traduction et de localiser les contenus en langues africaines. (Gerbault, 2009, p. 14)

Ce rôle revient, en premier lieu, aux institutions éducatives locales (Alzouma, 2008; Anderson, 2010; Grimshaw & Gudza, 2010; Guttman, 2003; Tiemtoré & Mignot-Lefebvre, 2008; UNESCO, 2003a). Si le contenu est endogène, il répond aux besoins locaux, il est donc pertinent et l’engagement des acteurs locaux dans le processus d’intégration des TICE sera nettement plus vif :

For millions of people in Africa to benefit from ICT, the content of the information must be conditioned to suit specific needs. Such information must be relevant to peopleʼs day-to-day experiences and expectations, and the information must meet their requirements to actively participate in the community. […] Many African countries are beginning to realise the importance of local content in the materials broadcast to audiences, and hence we are beginning to see a gradual increase in emphasis on policy formulation on local content in the media. (Oyedemi, 2004, p. 102)

Ceci permettra, on l’espère, de sortir du cercle vicieux dans lequel les institutions éducatives se trouvent actuellement. Cependant, pour réussir à produire ces contenus indispensables, il est nécessaire d’intégrer cette production dans les curricula et dans la formation des enseignants.