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Théories de la zone monétaire optimale et études relatives à l’Afrique de l’ouest

Depuis plusieurs décennies, la théorie économique s’intéresse au sujet relatif aux zones moné- taires en définissant des conditions qui permettent de créer une union monétaire viable ou encore celles qui doivent encourager un pays à en faire partie. Précisément, elle s’est intérrogée sur les critères d’optimalité d’une zone monétaire, à savoir : quelles sont les conditions qui rendent intéressante la création, par plusieurs ensembles économiques, d’un espace monétaire unique ou lier entre eux des accords de parité fixe, par exemple. Mundell a avancé des critères dès 1961 et par la suite d’autres propositions furent faites. Par ailleurs, beaucoup d’études se sont intéressées sur la création d’une monnaie unique dans la CEDEAO. Nous allons exposer brièvement les principales théories sur l’optimalité de la zone monétaire , ensuite nous ferons un état des lieux sur les études portant sur l’Afrique de l’Ouest.

1.4.1 Théories de la zone monétaire optimale

L’appartenance à une zone monétaire peut être source d’avantages mais aussi de coûts. En effet, une union monétaire implique une banque centrale commune qui gère la politique monétaire de façon autonome ou indépendante. Ainsi, les pays perdent, individuellement, la possibilité d’utiliser les instruments de politique monétaire comme ceux de la politique économique. Aussi, la viabilité de la monnaie unique exige-t-elle l’harmonisation des politiques économiques, fiscales voire sociales. En réalité, tels ou tels autres critères sont mis en avant selon la théorie considérée pour la constitution d’une union monétaire.

Forte mobilité du facteur travail ou forte flexibilité des salaires et des prix, Mundell (1961)

Pour Mundell (1961) une forte mobilité du facteur travail ou celle des salariés et une variation de prix constituent des variables d’ajustement qui sont indispensables à l’optimalité d’une zone monétaire. La mobilité des facteurs doit être plus élevée à l’intérieur des pays formant ou voulant former la zone monétaire entre eux qu’avec l’extérieur de sorte que ces pays puissent ressentir des effets symétriques provenant d’un choc éventuel. Cette idée s’explique par le

fait que la mobilité des facteurs est capable de corriger des déséquilibres sans recourir à un changement du taux de change. Une absence de mobilité ou de flexibilité pourrait engendrer une dépréciation du taux de change suite à un déséquilibre.

Le taux d’ouverture, McKinnon (1963)

D’après McKinnon (1963), la pertinence de la constitution d’une union monétaire tient plus à la nature des économies qu’à la mobilité des facteurs. Définissant l’ouverture comme le rapport des biens échangeables aux biens non échangeables, c’est-à-dire la somme des exportations et des importations sur le PIB, il postule que la possibilité d’un abandon du taux de change diminue avec l’intensité des échanges réciproques et le degré d’ouverture des économies. En effet, des économies extraverties peuvent être fortement interdépendantes et donc sujettes à des chocs externes. Par conséquent, des économies ouvertes peuvent avoir intérêt à constituer une zone monétaire afin de se protéger des variations de change, source d’instabilité. Cependant, dans le cas de la CEDEAO, les économies sont ouvertes, mais entretiennent plus de relations commerciales avec le reste du monde qu’entre elles.

La nature de la spécialisation, Kenen (1969)

Kenen (1969) met en valeur la structure productive des économies des pays candidats à l’union. Il souligne que des pays ayant leurs principales activités économiques différentes résistent mieux à un choc à cause du décalage conjoncturel. Selon Kenen, les chocs ne peuvent atteindre simultanément tous les secteurs de l’économie. Donc les pays très diversifiés peuvent fixer leur taux de change dans le cadre d’une union monétaire. Concernant l’économie des pays de la CEDEAO, elle est peu diversifiée, chaque pays tirant ses ressources en grande partie de l’exportation d’un ou de deux produits bruts. De ce fait, ces pays ont pratiquement des cycles économiques, de croissance ou de crise, similaires.

L’intégration financière et fiscale, Ingram et Johnson (1969)

Les deux auteurs insistent sur l’aspect financier dans l’analyse de la zone monétaire optimale en rappelant que les capitaux sont plus mobiles que les autres facteurs de production, en particulier la main d’oeuvre. Ils soutiennent que la mobilité totale des capitaux peut corriger

les déséquilibres des balances de paiement sans pression sur les taux de change et sur l’intérêt. Une totale intégration financière aboutit alors à une zone monétaire optimale. Par ailleurs, la coopération fiscale permet de pallier le manque d’ajustement du taux de change et d’atténuer l’effet des chocs symétriques, l’ajustement se faisant par un transfert des pays excédentaires vers les pays déficitaires.

L’homogénéité des préférences : Cooper (1977), Kindelberger (1986)

L’union monétaire est vue ici d’emblée comme une préférence des partenaires économiques exprimant une volonté commune de renforcer leur lien économique et commercial. Les parte- naires qui ont des relations commerciales très importantes et qui expriment des préférences similaires sont à même de faire des compromis en matière de politique économique et peuvent donc constituer une zone monétaire optimale.

1.4.2 Etudes portant sur l’intégration monétaire en Afrique de l’Ouest

Plusieurs études, aux conclusions parfois très différentes, se sont intéressées à l’intégration moné- taire de la CEDEAO et même à l’optimalité de l’UEMOA qui constitue déjà une zone monétaire effective depuis le lendemain des indépendances. Certaines ont établi que l’ancrage monétaire du Franc CFA à l’Euro est bénéfique à ses Etats membres, alors que d’autres estiment qu’il constitue une régidité qui empêche ses membres d’être réactifs face aux chocs externes (Hon- ohan et O’Connell, 1997 ; Dordundo, 2000). De façon générale, il est admis que l’UEMOA a eu une grande réussite en termes de maîtrise du taux d’inflation, qui est relativement faible, et de taux de croissance relativement élevés des années 1950 jusqu’au milieu des années 1980 alors qu’entre 1986 et 19939 la zone a souffert de la détérioration des termes d’échange as- sociée à une dette extérieure pesante et une crise financière causée par une mauvaise gestion des établissements financiers (Bénassy-Quéré et Coupet, 2003). Plus précisément, Devarajan et Rodrik, (1991) trouvent que l’UEMOA a réussi à maîtriser l’inflation mais, elle n’est pas 9La période 1985-1993 correspond, de ce fait, à une vaste restructuration des entreprises publiques et para-

publiques et aussi à une massive libéralisation économique et financière dans beaucoup de pays africains et en particulier dans l’UEMOA. Cette décennie 1980-90 fut qualifiée par de nombreux économistes de décennie per- due. La dévaluation du Franc CFA en 1994 de 50% a permis de donner un nouveau souffle aux économies de l’UEMOA.

parvenue à réaliser une forte croissance économique. Ils attribuent la faiblesse de cette crois- sance économique durant ces dernières décennies, par rapport aux pays voisins, à l’incapacité de l’Union à contrer les chocs par l’utilisation du taux de change. Elbadawi et Majd (1996), en comparant la performance économique en régimes de change fixe et flexible, ont établi que l’UEMOA a connu une meilleure réussite dans l’investissement, l’épargne domestique et les ex- portations par rapport à des pays de la sous-région ayant un régime de change fléxible. Cette réussite est encore plus visible dans la maîtrise de l’inflation, alors qu’elle l’est moins en termes de croissance économique. De même, Zhao et Kim (2009), en utilisant la méthode structurelle autorégressive, trouvent que les pays de l’UEMOA ont un fonctionnement hétérogène face à un choc et concluent ainsi que l’Union ne constitue pas, de ce point de vue, une zone monétaire optimale. Bénassy-Quéré et Coupet (2005), par l’emploi de l’analyse cluster (analyse par par- tionnement en éléments déterminants), abondent dans le même sens que le résultat précédant et identifient quatre groupes de pays dans la CEDEAO qui pourraient former chacun une zone monétaire optimale. Le premier serait constitué du Bénin, du Burkina, du mali et du Togo. Le second serait composé de la Côte d’Ivoire, du Sénégal et de la Gambie, le troisième du Ghana, de la Sierra Léone, du Niger et de la Guinée Bissau. Enfin, le Nigéria formerait à lui seul la quatrième zone.

Cependant, à l’image de l’Union européenne, les pays de la CEDEAO peuvent bien aboutir à la création d’une union économique et monétaire s’ils parviennent à améliorer les princpaux critères de convergence. L’hétérogénéité des pays, par exemple le poids très important du Nigéria n’est pas un frein à ce dessein comme ne l’a pas été l’Allemagne dans le cas européen. Au contraire, grâce à son poids économique, le Nigéria pourrait jouer plutôt dans un premier temps le rôle d’amortisseur dans une future union.