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A) L’histoire tragique : entre adaptation et innovation

4) Les théories existantes et leurs limites

a) Les études italiennes : Anne de Vaucher-Gravili, Sergio Poli

La prise en charge des nouvelles sanglantes italiennes, intitulées « histoires tragiques » par les auteurs français, a conduit naturellement à une imprégnation des modes et des influences culturelles et littéraires de lřépoque. Différentes théories

107 Camus, Jean-Pierre. La Tour des miroirs, ouvrage historique de M. J.-P. C., E. de Belley. Paris: R.

Bertault et L. Bertault, 1631, p.50.

critiques ont examiné les modes dřinfluence et les sources possibles entrainant lřévolution et lřenrichissement successif de ces récits au fil des décennies.

Les structuralistes russes, repris par les études italiennes proposent, en portant un regard global sur lřévolution des genres littéraires, des interprétations intéressantes. Dans les nombreuses problématiques que nous avons évoquées, celle de la question des origines, de son évolution et des métamorphoses semble essentielle afin de comprendre à terme, pourquoi le genre sřest essoufflé et de savoir si le fait divers, tel que nous le trouvons en kiosque aujourdřhui, en est une survivance. Si la dimension narrativo- fictionnelle est bien à lřorigine de lřhistoire tragique dans les nouvelles de lřitalien Bandello, leur introduction dans le contexte culturel français de lřépoque, dans les années 1560, contribua à influencer la forme et le contenu de ces histoires. La brûlante actualité sociale et politique conditionna le genre, probablement du fait de sa portée morale, vers le récit de loi, « lřhistoire de loi » : l’histoire de loi est une sorte de prototype narratif largement utilisé dans le récit bref médiéval, notamment dans les fabliaux et successivement dans les nouvelles.109 En effet, comme le constate Anne de Vaucher Gravili :

Rosset affirme son indépendance à lřégard du modèle aristotélicien de lřHistoire (à savoir les vies des personnages illustres, sujet traditionnel, sortes dřhistoires « exemplaires » où les grands de ce monde subissent des revers de fortune) qui est encore très en vogue au début du siècle. Il se propose dřexploiter la veine tragique, en offrant des sujets dřactualité, advenus dans nostre temps, le plus souvent puisés dans les « canards dřinformation » et les chroniques judiciaires.110

Cette réflexion capitale est lřun des points formels de convergence central entre lřhistoire tragique et le « canard sanglant ». En effet, lřhistoire tragique marquerait ainsi son indépendance face au genre de lřHistoire111 mais créerait également la nouveauté en sřinspirant des faits divers sanglants, les « canards » de lřépoque, dont lřapogée de leur fortune précède immédiatement le renouveau de lřhistoire tragique. A partir de ce

109 Vaucher-Gravili Anne (de). Dans Les Histoires tragiques de nostre temps. Op.cit., p.21. 110 Idem, p.16.

postulat, on peut donc établir un premier lien de paternité générique entre les deux genres : le fait divers sanglant préexistant puis coexistant lřhistoire tragique de la troisième génération (Rosset, Camus), il servirait de sources dřinspiration à lřhistoire tragique qui lřexploite afin de se (re)créer. Ce schéma canonique des grandes heures de lřhistoire tragique semble ainsi prévaloir jusquřau milieu du XVIIe siècle : cette notion de Loi, ou pour mieux dire d’une Histoire qui confirme la validité absolue de la Loi, caractérise non seulement les histoires de Rosset, mais aussi […] celle de ses imitateurs français qui publieront des récits tragiques entre 1614 et 1656.112 Claude Malingre, auteur dřhistoires tragiques dans les dernières années du genre déclare :

Les loix et les ordonnances des rois estant comme les branches et rameaux des loix et ordonnances divines, comme celles-çay sont sainctes et sacrées, aussi celles-là le doivent estre; de mesme quřil y a des injonctions de peine de mort à ceux qui violent la loy divine, aussi les infracteurs et violateurs des loix du prince doivent estre punis du dernier supplice.113

Par ces propos, lřauteur raffermit le lien étroit entre le récit sanglant et la loi divine. En effet, toute transgression à un code préétabli et aux lois (divines et humaines) entraîne inéluctablement une punition exemplaire et une fin mortelle. Dans ce type de récit, la mort est présente impérativement sous forme de trois termes ayant en commun le même sème (tragiques, morts, funestes). Aussi, lřinsertion du « judiciaire » dans le domaine de la fiction tragique a pour conséquence une « normalisation » de celle-ci dans la réaffirmation de lřautorité royale et des bonnes mœurs, la critique citant François de Rosset : et c’est la raison principale qui faict que l’on punit en public et à la veuë de tout le monde les criminels que l’on condamne au supplice, afin que leur punition serve de frein aux meschans.114

112 Vaucher-Gravili Anne (de). Dans Les Histoires tragiques de nostre temps.Op.cit., p.18 ; lřannée 1656

marque un terme à la production du genre avec Jean Nicolas Parival comme dernier auteur de référence, et ce, en Hollande.

113 Malingre, Claude. Histoires tragiques de nostre temps: Dans lesquelles se voyent plusieurs belles maximes d'Estat & quantité d'exemples fort memorables, de constance, de courage, de generosité.

Bibliothèque de Catalogne : David Ferrand & Thomas Daré, 1641, (Histoire XII), p.314.

Lřétude menée par Anne de Vaucher Gravili, Loi et transgression,115 propose une forme de schéma narratif, commune à tous les auteurs de notre corpus, qui affine celle des critiques précédents mais conserve néanmoins une certaine rigidité immuable en écartant encore certains récits plus transgressifs face à la norme. Celle-ci se compose de :

A) énonciation de la loi B) surgissement dřun obstacle C) déchainement de la tragédie

dont les registres et les effets se nuanceraient en :

1) une totale annulation de la transgression par lřapplication brutale de la punition et le rétablissement triomphal de lřordre et de la loi-interdiction;

2) une issue tragique, la mort du (ou des) héros qui rachète au moins en partie les droits à la révolte;

3) une solution intermédiaire et élégiaque qui confirme lřautorité de la loi et qui exprime en même temps, une pitié pathétique pour les transgresseurs punis.

Lřorigine dřun tel schéma pourrait être historique, comme une réponse aux désordres politiques qui perturbent la France à cette époque, qui, doublée du principe moral de corriger les mœurs du lecteur, mettrait en relief la nécessité absolue de rétablir des principes vertueux et obligent ceux qui sont le moins portés au Bien à respecter cet ordre inviolable du monde sans cesse menacé par leurs « cruelles concupiscences.116 En outre, comme le remarque Ilina Zinguer : dans ce déroulement, il n’y a pas la place pour la quête qui avait pour but de réparer le méfait.117

Dans son essai de typologie du genre, Sergio Poli offre une définition beaucoup plus inclusive de lřhistoire tragique, comme en témoignent ces termes :

115 Vaucher Gravili, Anne de. Violence et fiction jusqu’à la Révolution. Op.cit., p.16. 116 Idem, p.17.

117 Zinguer, Ilana. « Tentative de définition de la nouvelle » dans L’automne de la Renaissance. Op.cit.,

(…) il sřagit dřun genre qui a débuté en France à une époque précise, dont la vie a duré plus ou moins un siècle, et qui a gardé jusquřà la fin certains traits distinctifs : la Loi, la Transgression et la Punition en ont toujours été les ressorts essentiels ; la violence, lřamour et lřambition les sujets préférés ; une introduction et une conclusion en guise de morale le cadre nécessaire.118

Cette définition héritée, en partie, du structuralisme possède les mêmes inconvénients que ceux que lřon peut reprocher aux critiques appartenant à ce courant (nous avons cité Propp ou Todorov), à savoir une conception trop schématique de ces récits, qui sřavère finalement peu pertinente puisque le système peut sřappliquer à une multiplicité de cas divers qui nřont pas un rapport systématique avec le genre étudié. Néanmoins, ces études ont le mérite de poser une architecture très simple qui reste à préciser ou nuancer aux vues de la complexité du genre. Le critique allemand Dietmar Rieger ne semble pas, lui non plus, sortir du schéma tripartite conventionnel :

On sřest très vite mis dřaccord pour voir dans lřhistoire tragique une histoire de loi se basant sur la tripartition loi-transgression/infraction-punition. La formulation ou évocation dřune norme est suivie de lřhistoire exemplaire dřune infraction à cette norme, dřune perturbation de lřordre narratif qui, lui, est restauré à la fin par la punition impitoyable du coupable.119

Elena Boggio Quallio120, précise, à juste titre, la troisième phase à travers lřétude du registre tragique. En effet, fort de son ancrage dans la société, le genre de lřhistoire tragique sřest adapté aux courants idéologiques et esthétiques de son époque. Ainsi, pour les récits appartenant aux deux premières générations, c'est-à-dire à la fin du XVIe siècle, le tragique rend compte de tout ce que lřHomme a de misérable et de pathétique, en plus de lřintrospection des personnages. Pour les histoires tragiques issues de la troisième génération (premier tiers du XVIIe siècle), amorçant le principe de catharsis, le tragique recherche davantage « lřeffet » sur le destinataire ; comprendre les pulsions

118 Poli, Sergio. Histoire(s) tragique(s). Anthologie/typologie d’un genre littéraire. Op.cit., 1991, p.7. 119 Rieger, Dietmar. « Histoire de loi-histoire tragique, authenticité et structure de genre chez F. de

RossetOp.cit., p.467.

120 Boggio Quallio, Elena. « Structure de la nouvelle tragique de JacquesYver à Jean-Pierre Camus » dans L’automne de la Renaissance. Op.cit., p.209-217.

humaines et les purifier par la vue dřun spectacle sanglant dont la représentation détourne lřenvie de les reproduire.

Notre étude se propose de nuancer la phase 1 proposée par Anne de Vaucher Gravili, à savoir lř« énonciation de la loi ». En effet, nous nous proposons dřobserver les incipits de trois histoires tragiques appartenant chacune à trois auteurs de trois générations différentes, précautions permettant dřécarter la possibilité dřune « mode » qui pourrait être liée à une pratique littéraire à un moment donné, mais aussi pour se dégager dřun éventuel effet de style propre à un auteur en particulier.

Si vous feistes jamais essay ou preuve aucune pour sçavoir de quelle trempe sont les fleches dřamour et quel fruict en rapportent ceux qui le practiquent, je mřasseure que vous serez touchez de quelque pitié, entendans la cruauté inhumaine dřun infidèle amant envers sa dame. Celuy duquel je veux descrire lřhistoire est Mahomet, non le faulx prophete, mais le bisayeul de Soliman Otoman, Empereur des Turcs, qui regne de ce temps. Cřest luy qui, avec le vitupere et eternelle infamie de tous les princes Chrestiens de son temps, print Constantinople et ravit lřempire dřOrient des mains de Constantin, Empereur Chrestien, lřan de grace mil quatre cens cinquante et trois (…).121

Les femmes, pour avoir esté créées dřune matiere plus noble, deliée et subtile que les hommes, ont aussi lřentendement plus aigu, vif et subtil quřiceux, et rarement sřappliqueront à chose, quelque difficile quřelle puisse estre, quřelles nřen viennent au dessus. […] Caton le Censeur se plaignoit déjà de son temps que les femmes avoient toute autorité et pouvoir, comme il pouvoit en ceste sorte : tous les hommes de la terre ont commandement sur leurs femmes, et nřy a lieu où les femmes nřobéissent à leurs maris ; nous avons puissance sur tous les hommes que nřavons seulement subjuguez, ains ausquels imposons loix, lesquelles leur est force de garder et observer ; dřautre part nos femmes nous commandent et font de nous ce quřelles veulent. Il sřensuit donc que ce sont nos femmes qui ont entre leurs mains lřEmpire et monarchie de la Terre, et non pas nous.122

Il ne faut plus aller en Afrique pour y voir quelque nouveau monstre. Notre Europe nřen produit que trop aujourdřhui. Je ne serais pas étonné des scandales qui y arrivent tous les jours, si je vivais parmi des infidèles. Mais voir que les chrétiens sont entachés de vices si exécrables que ceux qui nřont pas la connaissance de lřEvangile nřoseraient commettre, je suis contraint de confesser que notre siècle est lřégout de toutes les vilenies des autres, ainsi que toutes les histoires

121 Boaistuau, Pierre. Histoires tragiques extraictes des œuvres italiennes de Bandel et mises en nostre langue Françoise (1559). Paris : Honoré Champion, « Société des textes français modernes », 1977,

Histoire seconde, p.49.

suivantes en rendent témoignages, et particulièrement celle que je vais commencer à vous réciter. 123

A partir de ces exemples, il semble que lřétat initial du récit présente davantage un « état de désordre » que « lřénonciation de la loi » proposée par Anne de Vaucher Gravili, ou du moins lřétat initial contrevient de toute évidence à une loi implicite. Dans le premier récit, ce « désordre » initial est amorcé par le contexte historique du récit, à savoir, la prise de Constantinople par les musulmans. De là, un portrait foncièrement négatif du protagoniste avec des termes comme infidele ou faulx prophete renvoyant à celui dont le nom est « Mahomet », est établi par le narrateur et connoté de façon particulièrement négative. Le lecteur très chrétien de lřépoque sřy retrouve. Cřest pourquoi, cet « état de désordre » des mœurs (le personnage est qualifié dřinfidele amant), est strictement rattaché à la religion de celui-ci et se présente comme le point de départ annoncé du « tragique » dans le récit avec des termes révélateurs comme « cruauté inhumaine ». Ainsi, le narrateur se charge de mettre en récit et de développer lřexemple dřun vice, lřinfidélité.

Le deuxième récit met en scène lřimpertinence féminine et ses conséquences néfastes. Afin dřappuyer ses propos, le narrateur, en citant Caton le Censeur, use dřune stratégie traditionnelle, à savoir lřargument dřautorité. Ce dernier avait, lors de discours, particulièrement critiqué le luxe des toilettes des femmes romaines. En comparant la civilisation romaine antique avec celle de la fin du XVIe siècle, qui lui est contemporaine, le narrateur montre du doigt la « décadence » qui en résulte : la société antique et païenne lřa prouvée en sřeffondrant sur ses principes. Comparer la société française de cette époque avec elle, cřest laisser imaginer au lecteur une fin semblable. Dès lors, dans une rigueur extrême, le narrateur invite les hommes à constater leur faiblesse face aux femmes, mais aussi à corriger la situation en faisant preuve de fermeté. Lřétat de « désordre » est manifesté par la dernière phrase de lřextrait : il s’ensuit donc que ce sont nos femmes qui ont entre leurs mains l’Empire et monarchie de la Terre, et non pas nous.

Le dernier exemple est beaucoup plus énigmatique dans la mesure où le lecteur ne sait pas ce dont il sera véritablement question, seul le terme de « monstre » peut le guider sur la présence dřune créature étrange apparentée à celles de lřEvangile dans le récit de lřApocalypse selon Saint Jean. On constate ainsi que le suspense est ménagé sous lřinfluence des techniques romanesques de lřépoque. Le lecteur nřen sait que très peu sur le « dérèglement » humain dont il va être question. Recentrée sur les problématiques universelles de lřHomme (jalousie, adultère, inceste…), lřhistoire tragique dans ses dernières décennies, condamne ouvertement le siècle dans laquelle elle sřinscrit, de sorte que lřétat de désordre dont il est fait mention renvoie à la société où vivent narrateur et lecteur. Nostalgiques dřun âge dřor révolu, ces récits tragiques dénoncent lřépanchement des vices générés par cette société décadente. Ces récits se situent dans une réelle symbolique du laudator temporis acti suivant un processus de dégradation calamiteuse qui éloigne les Hommes, par lřeffet du temps, dřune forme de grâce révolue. Ces théories sont affublées dřune dimension proprement chrétienne et semblent renvoyer au récit de la Création avant que le péché nřenvahisse lřHumanité, idée inscrite directement dans les principes de la Contre-Réforme et de la lutte pour la religion catholique. Cette idée semble se confirmer lorsquřon observe quantitativement les incipits dřhistoires tragiques de la troisième génération :

Quelle encre noircie dřinfamie pourra bien tracer à la postérité lřhistoire que je vais décrire ! En quel siècle maudit et détestable avons-nous pris naissance, quřil faille que nous y voyions arriver des choses dont le seul récit fait lever les cheveux sur la tête de ceux qui les entendent? 124

Jřai honte de publier les horribles et détestables péchés qui se commettent tous les jours au siècle où nous sommes. La postérité ne les croira quřà peine. Je nřai entrepris dřécrire en ce volume que des choses qui sont arrivées depuis peu de temps et dont jřai vu une grande partie. Je mřétonne que la justice de Dieu nřextermine le monde comme il fit du temps du déluge universel, puisque le vice y est monté en un si haut degré quřil est impossible que la patience du Ciel le puisse plus longuement supporter. (…) 125

Puisque jřexerce ma plume à décrire les choses funestes et tragiques arrivées en nos jours, je ne veux point en oublier une qui mérite dřêtre publiée à la postérité pour servir dřexemple à plusieurs personnes encore quřelle soit advenue en une étrange province, et bien éloignée de nos contrées ; toutefois, puisquřelle est nouvelle, jřai entrepris de la donner au public afin que, par le malheur dřautrui, lřon apprenne à fuir ce qui peut faire tomber aux dangers évidents qui en procèdent. (…)

126

124 Rosset, François de. Les Histoires tragiques de nostre temps. Op.cit., p.234. 125 Idem., histoire XVI, p.353.

En quelle Scythie a-t-on jamais commis un crime si horrible que celui que je veux décrire ? Quelle louve, quel tigre, quel dragon et quelle bête plus farouche et plus cruelle de lřHyrcanie pourra jamais être comparée à la plus exécrable fureur qui me fournit cette matière ? O siècle barbare ! O siècle cruel et infâme ! O siècle dernier et le plus abominable des autres ! Le soleil ne répand-il pas aujourdřhui ses rayons à grand regret, puisque tu es plein de Médées, dřAtrées et de Thyestes ? Voici un exemple sans exemple, et qui cependant nřest pas moins véritable que difficile à croire. (…) 127

(…) Et de là sortent, puis après, les défiances et les cruelles résolutions dont les effets sanglants remplissent les théâtres de meurtre et dřinfamie. Lřhistoire que je me prépare de vous raconter témoigne que mon dire est véritable. Elle est si bien arrivée en notre siècle que mille personnes la savent peut-être mieux que moi. (…) 128

Ces quelques exemples, significatifs dans le fait quřils deviennent systématiques dans les incipits de chaque histoire de la fin du recueil de Rosset, participent ainsi de la construction dřun trait caractéristique du genre à une époque donnée. Ils illustrent à leur manière le point de vue porté par ces auteurs du début du XVIIe siècle sur leur époque, entraînant une violente diatribe au cours de laquelle le narrateur invite le lecteur à sřépouvanter de lřirréversible dégradation des mœurs. Le fait est que ce discours présente les marques de la tonalité lyrique, avec notamment : lřinterjection : Ô, les interrogations rhétoriques à valeur dřaporie, les adresses aux symboles et aux éléments non tangibles : O siècle dernier (…) puisque tu es…et le recentrement sur la P1 (je, moi) qui se transforme en P4 (nous, notre) par intention de propagande. Le narrateur souhaite ainsi rendre compte de la singularité de lřépoque dans laquelle il vit en y associant le destinataire. De plus, en optant pour un regard uniquement rétrospectif, celui-ci donne lřimpression de vivre au terme dřune époque, si éloignée des préceptes chrétiens, quřelle renvoie inexorablement à la fin des temps apocalyptiques dont les