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CHAPITRE 1. LA SPIRITUALITE, DEFINITIONS ET THEORIES

1.2. P RESENTATION DE MODELES THEORIQUES DE LA SPIRITUALITE

1.2.4. Les théories du développement

Le développement de la psychologie cognitive a conduit à un cadre théorique qui a été adopté et appliqué au domaine de la religion, principalement concernant le développement de la pensée religieuse. Ces théories tentent de comprendre l’être humain dans sa quête de vie en identifiant les structures organisées ou les schémas d’activité mentale (Nelson, 2009).

1.2.4.1.

Le développement moral

Kohlberg (1927-1987), professeur à Harvard, a débuté sa carrière en tant que psychologue du développement. Par la suite, il a travaillé dans le domaine de l’éducation morale et il a élaboré une théorie démontrant que les individus progressent par paliers dans leur raisonnement moral. Fondée sur le modèle du développement de Piaget, cette théorie basée sur la justice et la philosophie, dominante dans les années 1970-80, est aujourd’hui controversée.

Le développement moral se subdivise en trois étapes : la moralité pré-conventionnelle, la moralité conventionnelle, la moralité post-conventionnelle. Cette théorie structuraliste fonde son approche sur des stades successifs et invariables, du moins moral au plus moral, dont l’accomplissement dépend de la réalisation du stade final.

La pensée de Koelberg vise la moralité qui participe à la nature et au fait de vouloir devenir une « bonne » personne ; la religion, elle, s’appuie sur les questions fondamentales ayant trait à la nature humaine et à sa condition. Pour combattre le relativisme, les individus doivent mettre en place des ressources efficaces telles que les principes moraux universels comme la dignité humaine, l’autonomie, la justice et la bienveillance (Titus, 2008). Selon Kohlberg (1990), le développement moral se fait en six étapes réparties en quatre niveaux (A, B, B/C et C), tels que repris dans l’encadré n°3.

43 Encadré 3 : Les étapes du développement moral selon Kohlberg (1981, 1990, in James N. Nelson, 2009)

Niveau

Etape Description

Niveau A : Préconventionnel La valeur morale réside dans les actes extérieurs ou les besoins plutôt que dans les personnes ou les normes Etape 1 Sanction et obéissance Obéissance littérale aux règles pour éviter la punition

Accent égocentrique

Dieu est décrit comme un personnage puissant

Etape 2 : But instrumental Droit correspond à vos propres intérêts et accorde la permission aux autres de faire de même

Dieu va vous aider si vous faites ce que Dieu veut

Niveau B : Conventionnel Valeur morale des rôles, ordre conventionnel et expériences des autres

Etape 3 : Relations mutuelles et

conformité Actes qui d'une manière vont gagner ou conserver l'agrément et la confiance des autres, ainsi que l'auto-approbation Dieu est un ami digne de confiance, fidèle, vous devez vous comporter correctement afin de ne pas l’offenser

Etape 4 : Système social et entretien de la conscience

Besoin de faire respecter les lois et les devoirs et d’apporter des contributions afin que la société soit maintenue

Dieu en tant que législateur suprême sur les ordres naturels et moraux

Niveau B/C : Transitionnel Postconventionnel, mais non fondé sur des principes

Base personnelle et subjective de choix fondée sur le fait que ce que l'individu pense ou ressent est juste

Niveau C : Postconventionnel Valeur morale dans les normes partagées, les droits, les devoirs

Etape 5 : Droits antérieurs et contrat social ; l'éthique utilitariste

Les règles existent par rapport au groupe mais doivent être respectées en raison de l’obligation mutuelle ;

Décisions rationnelles fondées sur la morale sur "le plus grand bien pour le plus grand nombre''

Dieu et l’individu visés mutuellement Etape 6 : Principes éthiques

universels Il faut agir en accord avec les principes éthiques universels, qui peuvent entrer en conflit avec les lois ; Les principes comprennent l'égalité des droits, la dignité individuelle

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1.2.4.2.

Le développement de la foi

Fowler, théologien, a travaillé à Harvard en collaboration avec Kohlberg : il a été l’instigateur de l’une des théories contemporaines les plus prisées relatives à la religion et à la spiritualité : « le développement de la foi » (1981). Dans les années 1970-1980, à l’initiative de ce projet, Fowler avait pour objectif une meilleure compréhension de l’évolution des ressentis de l’individu à l’égard de Dieu ou à l’égard de l’être supérieur, et de sa relation avec les valeurs, les croyances et le système de sens. Pour étayer sa théorie, Fowler, aidé de Kohlberg et de ses étudiants, a pratiqué 359 entretiens qui ont été le support de l’élaboration des stades du développement de la foi. Dès lors que sa théorie des stades a été complétée et finalisée, il a publié un ouvrage, en 1981, intitulé « Les stades de la foi », dans lequel il défini la foi comme « le processus de […] connaissance qui sous-tend la composition et le maintien d’une personne

dans une perspective (ou des perspectives) de sens, générée par l’attachement ou l’engagement de la personne pour centrer la valeur supra-ordonnée qui a le pouvoir d’unifier son expérience au monde, dotant ainsi les relations, les contextes et les patterns de chaque jour de la vie, passée et future, avec signification » (Fowler, 1986).

La foi est regardée comme une caractéristique universelle de l’être humain offrant un système de sens et de cohérence dans sa recherche de connexion aux autres et au monde. Elle est l’aboutissement d’un processus qui donne naissance à la relation au transcendant qui apparaît comme un catalyseur de sens et de valeurs. « Dans et par la foi, le soi se pense lui-même, le

prochain et Dieu dans un environnement global et ultime » (Handfort, 1993). L’individu choisit

un chemin de connaissance qui lui permet d’être en phase avec le monde. La foi lui offre un cadre organisé de développement par le biais de la croyance et de ce qui en découle : connaissance, valeurs et sens. Sans pour autant se référer à une doctrine, la foi, sur la base de valeurs communes, est définie par le rapport du soi aux autres. Les fonctions de connaissance, de valeurs, et de sens, fournissent le socle d’autorité nécessaire qui engendre la raison et la conviction. Des sentiments tels que la loyauté et la fidélité, et la présence de symboles (croix...), commencent à se manifester et indiquent l’engagement de l’individu.

45 Sur la base de sa théorie du développement de la foi et de conceptualisations d’auteurs tels qu’Erickson, Piaget et Kohlberg, Fowler a élaboré les stades de la foi allant de l’enfance à la vieillesse. Il a comparé le développement de la foi au développement cognitif de l’individu, lequel « implique des transferts entres les stades, chacun d’entre eux étant des motifs

d’opérations de connaissance et de valeurs, qui nous aide à trouver et à donner du sens ».

Chaque stade inclut une vision du monde qui comprend un ensemble de valeurs, de mythes et de symboles s’articulant entre eux. Les stades sont invariants, séquentiels, hiérarchiques et universels (Nelson, 2009).

Encadré 4 : Les étapes du développement de la foi selon Fowler (1981, p. 290, 1996, in James N. Nelson, 2009)

Stade de la foi

(âge) Force/ raison émergente Autres caractéristiques

0. Undifferentiated/ primal (petite enfance) Mutualité, confiance pré-images du fondement de l'être

Les parents sont la source la plus importante

1. Intuitive- projective (petite enfance / préscolaire) Imagination Images de l'environnement numineux et Ultimal

Pensée magique pré-opérationnelle, imagination Conscient de Dieu, questions religieuses (par exemple, la mort)

2. Mythic literal

(âge scolaire) Capacité narrative Raconter des histoires de foi Opérations concrètes La foi repose sur des traditions partagées Synthèse de la forme narrative

3. Synthetic conventionnal

(adolescence)

Formation de l'identité, de la foi personnelle,

généralement sans reflet

Opérations de Format

L'intégration de ce qui a été enseigné dans un système

Développement de la personnalité, attaché au système de valeurs 4. Individuative- reflective (jeune adulte) Construction du reflet de l'idéologie Rêve professionnel

Évaluation des valeurs reçues, choix critique des croyances et des valeurs

Différenciation auto-personnelle

5. Conjonctive

(mi-adulte et plus tard)

Conscience du paradoxe, profondeur des questions Responsabilité

intergénérationnelle pour le monde

Ouverture à d'autres perspectives

Aller au-delà du questionnement de la position à l'acceptation

6. Universalizing Détachement de l'idéologie Résultats dans un "keonosis" ou le dépassement de soi, très rare

46 Trente ans plus tard, Fowler (2004) définira la foi dans une perspective religieuse en ce sens : « la foi peut être caractérisée comme un processus intégral, centré, sous-tendant la formation

des croyances, valeurs et sens qui : 1) donne de la cohérence et de la direction (orientation) aux vies des personnes ; 2) les relie dans une confiance partagée et une loyauté avec les autres ; 3) fonde leur position personnelle et leur loyauté commune dans le sens de la relation à un cadre de référence, et 4) leur permet de faire face et de traiter les défis de la vie humaine et la mort, en s’appuyant sur ce qui a la qualité de l’ultime (ultimacy) dans leurs vies ». Elle est

reconnue dès lors comme la consécration de ce socle de croyances, de valeurs et de puissance qui exercent une influence directe sur la vie. La relation à la transcendance et, de ce fait, aux systèmes de sens et de connaissance, permet à l’individu de s’adapter aux événements de vie.

A

RETENIR

Pluralité des définitions de la spiritualité dont la base commune est l’expérience intrinsèque, subjective et personnelle de l’être humain, dans sa recherche du sacré.

Chevauchement des concepts de spiritualité et de religion qui induit une confusion de la compréhension des mécanismes sous-jacents à leur impact.

Multidimensionnalité de la spiritualité ayant pour conséquence une pluralité de constructions de ce concept.

Questionnement sur l’intérêt de l’étude du concept de spiritualité du fait de sa proximité à la religion.

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