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CHAPITRE 4. SPIRITUALITE, TROUBLES ANXIEUX-DEPRESSIFS ET QUALITE DE VIE

4.7. D ISCUSSION

L’objectif de cette recherche est d’examiner la relation entre la spiritualité, la santé mentale et la qualité de vie auprès d’un échantillon de 219 étudiants, ainsi que d’identifier les effets de certains indicateurs spirituels sur la qualité de vie.

En ce qui concerne notre échantillon, de faibles niveaux de spiritualité sont rapportés, définis en termes d’expériences spirituelles quotidiennes et de bien-être religieux. Il en ressort que la relation à la transcendance, et plus spécifiquement à Dieu, semble peu investie par les étudiants. Le bien-être existentiel, quant à lui, défini en termes de sentiment de sens, est relativement plus élevé. Ces résultats sont en accord avec ceux de recherches précédentes (Bréchon, 2000, Willaume, 2007) qui suggèrent que la spiritualité/religiosité est moins appréciée par les jeunes individus que par les personnes plus âgées. L’orientation vers la spiritualité/religion est fréquemment liée à un questionnement existentiel relatif à la progression en âge et aux expériences de vie. Les résultats obtenus confirment cette analyse et suggèrent que les étudiants les plus âgés développent une perception plus importante que leurs cadets de la transcendance dans leur vie de tous les jours. Aussi, la jeunesse est souvent assimilée à l’insouciance et à l’innocence. Les étudiants de notre échantillon expérimentent, par leur progression en âge et leurs choix d’études, l’autonomie et l’indépendance nécessaires devant leur permettre de se forger une opinion sur le monde et sur leur environnement. Le fait d’acquérir de nouvelles expériences et de nouvelles connaissances participe donc au développement cognitif de l’individu, ce qui engendre à son tour une plus grande réflexion (Yonker, 2011) qui vient nourrir un questionnement existentiel et un cheminement personnel.

Concernant la relation entre la spiritualité et les troubles anxio-dépressifs, seuls deux paramètres liés à la spiritualité sont significativement associés à l’évaluation de la détresse psychologique dans notre recherche. Tout d’abord, l’engagement émotionnel dans la relation au transcendant, et son vécu au quotidien, permet une diminution de l’anxiété. La connexion à l’être transcendant permet de faire partie intégrante de quelque chose de plus grand que soi, ainsi que de se sentir moins seul pour faire face aux situations de vie. Le transcendant, particulièrement s’il est inscrit dans une tradition religieuse, implique une figure protectrice et bienveillante et/ou un système de sens apportant un sentiment de sécurité (Quinn Griffin, 2007). Il apparaît ensuite que le bien-être existentiel, par un sentiment de sens et de satisfaction dans la vie, engendre une baisse des troubles anxio-dépressifs. La connexion à soi et aux autres offre

132 des objectifs de vie et, ainsi, de faire face aux événements de vie difficiles pouvant induire une détresse psychologique. Ces résultats sont confirmés par Maselko et al. (2009), lesquels suggèrent que le bien-être existentiel diminuerait de 70% les troubles dépressifs, comparativement au bien-être religieux qui peut augmenter le ratio de 1,5 fois le niveau de dépression. Néanmoins, le bien-être religieux n’a pas indiqué de relation dans notre étude au vu, selon nous, du jeune âge de notre population.

Les étudiants bénéficient de la connexion à la transcendance, mais également au soi et aux autres pour s’ajuster aux situations stressantes. La spiritualité fournit, à celui qui choisit de faire ce cheminement, un système de sens pour interpréter le monde, et obtenir ainsi un soutien face à l’adversité. Des sentiments de compassion et de paix intérieure interagissent avec des sentiments de sérénité et d’harmonie. Cette étude confirme les résultats relatifs à la littérature de recherche sur la relation entre la spiritualité et la santé mentale (Bekelman et al., 2010, Bennett et al., 2012). Ainsi, dans une revue de la littérature, Bonnelli et al. (2012) ont conclu sur le potentiel aussi bien positif que négatif de la spiritualité, que ce soit à titre de prévention ou de prise en charge thérapeutique. Basée sur des croyances et des objectifs globaux, la spiritualité offre aux individus un système de sens, ainsi que le sentiment subjectif que toute vie est connectée à quelque chose de plus significatif (Park et al., 2007). De par ses composantes cognitives, motivationnelles et affectives, la spiritualité participe fréquemment à une relation négative aux mesures d’anxiété et de dépression. Par exemple, une recherche sur des sujets addictifs aux drogues suggère qu’un niveau élevé de bien-être spirituel entraîne un faible niveau d’anxiété et de dépression, et produit un effet significatif positif sur la poursuite du comportement à risque (Piacentine et al., 2013) pouvant engendrer une diminution, sinon un arrêt, de la consommation. La spiritualité apparaît ainsi jouer un rôle protecteur en termes de bien-être psychologique (Bennett et al., 2012).

Les résultats de notre étude confirment une relation entre la spiritualité et la qualité de vie. En effet, les expériences spirituelles quotidiennes impliquent une santé psychologique plus élevée, de même que le bien-être existentiel est lié à l’amélioration de la qualité de vie physique, psychologique, sociale et environnementale. Ces données sont congrues avec la littérature sur la spiritualité/religiosité et la qualité de vie (Konopack et al., 2012, Park et al., 2007), dont il ressort que les individus font appel à la spiritualité/religiosité comme un comportement d’adaptation en réponse aux événements ou périodes de stress (Koenig et al., 2012, Bonelli et al., 2012). La spiritualité joue ainsi un rôle protecteur de par son système de croyances et de

133 pratiques organisées qui confortent les individus dans un système sécuritaire. En revanche, la spiritualité/religiosité peut jouer un rôle « destructeur » comme le coping religieux négatif, où la lutte religieuse peut avoir un effet néfaste sur la santé (Maselko et al., 2009). Des études quantitatives ont indiqué une relation entre la spiritualité, la santé mentale et la qualité de vie dans des situations de vie telles que la santé et la maladie (Bekelman et al., 2009, Bekelman et al., 2010, Whelan-Ghales et al., 2009). La spiritualité permet aux individus de faire face à l’adversité et de surmonter les difficultés rencontrées en donnant un sens aux événements de vie. De même, Adegbola (2006) suggère que la spiritualité stimule les forces psychosociales uniques des individus en leur donnant la possibilité d’organiser et de valoriser leur vie.

S’agissant de notre échantillon, les résultats obtenus font valoir que la spiritualité et la santé mentale contribuent à une bonne qualité de vie. Celles-ci déterminent à hauteur de 55% la qualité de la santé psychologique, ce qui donne un résultat très satisfaisant. En outre, le bien- être existentiel et un niveau faible de dépression ont également un effet sur la qualité des relations sociales et de l’environnement. A l’instar de Koenig et al. (2012), la qualité de vie est liée aux expériences spirituelles du fait de la relation de ces concepts aux aspects psychologiques et sociaux, que sont les sentiments positifs, le soutien social, l’estime de soi, la dépression, l’anxiété, l’espoir, la croissance personnelle, le contrôle perçu et la satisfaction de vie (WHOQOL-SRPB Group, 2006). Cependant, la spiritualité ne participe pas à la qualité de la santé physique, alors que la santé mentale, seule, y contribue à hauteur de 45% de la variance. En ce qui concerne les facteurs spirituels influençant la qualité de vie dans les groupes de spiritualité perçue, les résultats obtenus révèlent globalement que, plus les sujets se déclarent comme étant spirituels plus ils font appel à des ressources spirituelles pour tenter de comprendre et de percevoir le monde qui les entoure. Ainsi, le degré d’importance conféré au comportement spirituel permet à l’individu de valoriser sa spiritualité en tant que ressource pour affronter les problèmes de vie (Bussing et al., 2012). Par ailleurs, le bien-être existentiel, lié à la santé mentale, apparaît être un indicateur d’une bonne qualité de vie dans les trois groupes de spiritualité perçue. Dès lors, la spiritualité semble offrir un système de sens pour interpréter les événements de vie et, ainsi, conduire à un sentiment intrinsèque de sens, de cohérence et d’objectifs (Maselko et al., 2009). Dès lors, les circonstances de vie sont perçues comme autant de perspectives par lesquelles le sujet peut trouver sa voie. Quelle que soit sa forme, la spiritualité offre également un cadre concret de soutien social et d’environnement. Bennett et al. (2012) le confirment et suggèrent que la spiritualité produit un impact positif sur la

134 connexion sociale et le soutien social, lesquels procurent une protection contre l’isolement social et la dépression qui pourrait en découler. Dès lors, les croyances et pratiques spirituelles permettent d’entrer en connexion avec soi-même et également avec autrui, et ce, au travers de la participation à une communauté religieuse par exemple ou à différentes actions telles que le bénévolat ou le soutien moral vis-à-vis d’autrui. La spiritualité concourt ainsi à l’équilibre entre la vie, et les choix de vie, de l’individu.

Les résultats relatifs à nos données indiquent une association entre la spiritualité, l’anxiété, la dépression et la qualité de vie. Ils renvoient aux travaux sur la spiritualité/religion (Smith et al., 2003, Bonelli et al., 2012) et la qualité de vie (Sawatzky et al., 2005, Adegbola, 2006) dont il ressort que la spiritualité/religiosité est associée à la santé mentale et à la maladie (Rosmarin et al., 2009). Il importe cependant de noter que, les mécanismes sous-jacents à la relation entre ces concepts sont souvent complexes dans leur interprétation ; l’une des principales causes de cette complexité résulte de la difficulté à définir et à évaluer précisément la spiritualité. Multidimensionnelle, cette dernière regroupe de nombreuses caractéristiques. Suivant une étude de Doster et al. (2002), nous pouvons les résumer de la manière suivante : a) un cadre existentiel ou une façon d’être dans le monde ; b) un sens et un but dans la vie ; c) une interconnexion entre l’individu et un pouvoir supérieur, et/ou d’autres individus ; d) des croyances et des valeurs à propos de la révérence pour la vie et le droit des humains à la dignité, et e) la transcendance de soi ou la finitude de l’expérience humaine. Cette complexité ressort des modes d’évaluation de la spiritualité et, de ce fait, des résultats produits par les recherches sur cette thématique.

Les résultats de notre recherche sont congrus avec ceux de la littérature, suivant laquelle la spiritualité serait une dimension à prendre en considération dans le vécu des étudiants et dans leur relation à la santé mentale. La connexion à la transcendance, mais aussi à soi-même et aux autres, offre un cadre de sens face aux situations de vie quotidienne.

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