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Les échelles d’évaluation générales de la spiritualité/religiosité

CHAPITRE 2. SPIRITUALITE, MALADIE ET SANTE

2.1. L ES MESURES D ’ EVALUATION DE LA SPIRITUALITE

2.1.1. Les échelles d’évaluation générales de la spiritualité/religiosité

Concept multidimensionnel, les mesures générales de la spiritualité font fréquemment référence à des expressions, des croyances ou des expériences spirituelles. Trois échelles sont présentées :

la Daily Spiritual Experience Scale (DSES), Brief Multidimensionnel Measure of Religiousness/Spirituality (BMMRS) et l’Ironson-Woods Spirituality/Religiousness Index

(IWSRI). Hormis la première, qui évalue la spiritualité de manière globale, les deux autres échelles évaluent la religiosité et la spiritualité. Parmi ces échelles, notre choix s’est porté sur la DSES et l’IWSRI qui ont été utilisées dans nos recherches.

2.1.1.1.

Daily Spiritual Experience Scale

Développée par Underwood en 2002, la Daily Spiritual Experience (cf. annexes) a pour objectif d’évaluer la perception de la transcendance dans la vie quotidienne ainsi que la relation de l’individu à la transcendance. Plus spécifiquement, cette échelle rend compte « des expériences

de relations avec, et de la prise de conscience du divin ou du transcendant […] et de comment les croyances et la compréhension font partie des caractéristiques de la vie moment après moment du point de vue spirituel ou religieux » (Underwood, 2006). Rapide et facile

d’administration, cette échelle a été utilisée dans de nombreuses recherches et a fait l’objet de traductions diverses eu égard à sa relation positive à la santé mentale et à la santé physique (Bailly, 2010).

Les 16 items de cette échelle tentent de saisir les expériences spirituelles ordinaires (et non extraordinaires comme celles proches de la mort ou hors du corps) plutôt qu’une construction cognitive de la spiritualité. Cette échelle peut refléter l’histoire religieuse et/ou les croyances religieuses ou spirituelles de l’individu. Dans ses items, elle se réfère à Dieu, mais peut être utilisée aussi bien dans un contexte théiste que non théiste.

Elaborée sur la base d’entretiens, ses 16 items visent, concernant les 15 premiers items, la fréquence (plusieurs fois par jour, chaque jour, la plupart des jours, certains jours, une fois de temps en temps et jamais ou presque jamais) et l’intensité pour son dernier item (pas du tout proche, un peu proche, vraiment proche et aussi proche que possible).

52 Unidimensionnelle dans son évaluation, la DSES aborde neuf domaines : la connexion avec le transcendant (items 1 et 2), la force et le confort (items 4 et 5), l’amour perçu (items 8 à 10), l’inspiration/discernement (items 7 et 8), le sentiment de plénitude/intégration interne (item 6), le sentiment de transcendance de soi (item 3), le sentiment de crainte (item 11), le sentiment de gratitude (item 12), le sentiment de compassion (item 13), le sentiment de miséricorde (item 14) et le désir3 du transcendant (item 16). Les qualités psychométriques de la DSES semblent

très satisfaisantes au vu des recherches effectuées, avec une structure interne allant de .91 à .95 (Underwood et Teresi, 2002).

Concernant sa relation à la santé, les recherches expérimentales suggèrent que la DSES est prédictive d’une durée plus courte d’hospitalisation (Koenig et al., 2003). Des corrélations ont également été relevées entre la DSES et l’anxiété, la dépression, la consommation d’alcool, la qualité de vie (Underwood, 2002) et la santé mentale et physique auprès de patients douloureux chroniques (Rippentrop, 2005).

L’échelle en question existe également en version courte composée de six items, échelle validée en français par Bailly (2010) auprès de deux types de population. Les qualités psychométriques de l’échelle sont très satisfaisantes avec un alpha de Cronbach de .89 (théiste) et .92 (non théiste).

Encadré 5 : Présentation de l’échelle DSES version courte à 6 items, validation française (Bailly, 2010)

Item

1) Je ressens la présence de Dieu

2) Ma religion ou spiritualité m’apporte force et réconfort 3) Je ressens une paix et une harmonie profonde

4) Je ressens l’amour de Dieu, directement ou à travers les autres 5) Je suis spirituellement touché par la beauté de la création 6) J’aspire à être plus proche ou en harmonie avec Dieu

Bien que la DSES soit largement utilisée, Koenig et al. (2012) ont souligné que la DSES pourrait être une source de contamination au vu des questions évaluant des constructions existentielles, psychologiques ou sociales.

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2.1.1.2.

Multidimensionnal Measure of Religiousness/Spirituality

Basée sur une réflexion relative à la conceptualisation et opérationnalisation de la spiritualité et religiosité, initiée en 1995 par le National Institute on Aging et le Fetzer Institute on Aging Group (2003), des chercheurs se sont réunis dans le but d’expertiser la spiritualité/religiosité dans sa relation à la santé et au bien-être. Le groupe de travail s’est intéressé plus particulièrement aux modes d’évaluation de la spiritualité/religiosité, élaborés sur une conceptualisation et une théorisation forte et rigoureuse, ayant obtenu des résultats pertinents sur la mesure de la santé. Onze domaines d’évaluation ont été retenus (2003) :

 les expériences spirituelles quotidiennes (DSES : 6 items) : relation à la transcendance et sentiments d’émerveillement, de confort et d’amour perçu ;

 les valeurs/croyances (2 items) : valeur accordée à la religion dans la vie et cadre d’interprétation de la vie ;

 le pardon (3 items) : sentiment de pardon envers Dieu, envers les autres et envers soi- même ;

 les pratiques religieuses privées (5 items) : fréquentation de lieux de culte et comportements religieux (méditation, prière, …) ;

 le coping religieux/spirituel (7 items) : coping religieux positif et négatif ;

 le soutien religieux (4 items) : relations sociales au sein de la communauté ;

 l’engagement (3 items) : force de l’investissement dans la croyance ;

 l’histoire religieuse et spirituelle (3 items) : parcours à travers le temps ;

 l’organisation religieuse (2 items) : fréquence et implication dans des pratiques publiques ;

 la préférence religieuse (1 item) : dénomination religieuse ;

 la religiosité (1 item) et la spiritualité auto-perçue (1 item), et

 le sentiment de sens (2 items, en complément) : engagement dans une recherche de sens (processus et résultat).

Cette conceptualisation a donné naissance, en 1999, au Multidimensionnal Measure of

Religiousness/Spirituality (cf. annexes). Elle est composée de 38 items (Brief-MMSR) dans sa

54 Les qualités psychométriques de cette échelle cognitive, comportementale et affective, semblent satisfaisantes avec un alpha de Cronbach allant de .54 à .96 (Monod, 2011). Des corrélations entre ladite échelle et la santé mentale et physique ont été relevées chez des sujets souffrant d’incapacité chronique (Johnstone et al., 2009, 2012). De même, des corrélations avec la santé mentale et physique chez des sujets douloureux chroniques ont été relevées (Rippentrop, 2005), ainsi qu’une relation avec les attitudes face à la mort, chez des sujets souffrant de sclérose latérale amyotrophique (Murphy et al., 2000).

2.1.1.3.

Ironson-Woods Spirituality/Religiousness Index

L’Ironson-Woods Spirituality/Religiousness Index (IWSRI, Ironson et Woods, 2002, cf. annexes) est une échelle formée de 22 à 25 items permettant d’aborder la spiritualité et la religiosité en tant que concepts uniques, afin d’évaluer les éléments privés et publics relatifs à la spiritualité/religiosité pour en étudier, notamment, les relations et les bénéfices induits sur la santé. Cette échelle représente la version abrégée de l’Ironson Woods Spirituality Religousness

Scale (SR) constituée de 89 items, laquelle est apparue trop longue lors de la passation dans

certaines situations médicales.

L’IWSRI représente une évaluation cognitive et comportementale, composée de quatre dimensions :

 sentiment de paix (items 1 à 9) : sérénité, confort spirituel, sentiment de sécurité et de bien-être, sentiment de sens et de connexion, vie après la mort ;

 foi en Dieu (items 10 à 16) : perception de Dieu et son rôle dans le rétablissement face à la maladie ;

 comportement religieux (items 16 à 20) : rituels religieux et fréquentations des offices religieux, et

 compassion envers autrui (items 21 à 25) : perception des autres, sentiments de compassion, amour, respect, acceptation, tolérance et connexion aux autres.

55 Deux facteurs mesurent la spiritualité (sentiment de paix et compassion envers autrui) et deux autres facteurs (foi en Dieu et comportement religieux) conçoivent la religiosité dans un sens plus traditionnel. Par ailleurs, dans chaque facteur les dimensions présentent une orientation publique (comportement religieux et compassion envers autrui) et une orientation privée (foi en Dieu et sentiment de paix). Les items sont cotés sur une échelle de Lickert allant de 1 (tout à fait en désaccord) à 5 (fortement en désaccord). Validée auprès de patients malades atteints du virus de l'immunodéficience humaine (VIH), la structure interne de cette échelle témoigne de qualités psychométriques satisfaisantes (.96). Concernant les résultats de santé, l’IWSRI indique une corrélation avec le stress perçu, le désespoir, l’optimisme, l’anxiété et le soutien social (Ironson, 2002). De même, Lockenhoff (2009) suggère une relation entre l’IWSRI et la santé mentale chez des sujets souffrant du VIH. Les dimensions de la spiritualité et de la religiosité font fonction de médiateur entre les mesures de la santé mentale et les mesures de la personnalité.