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1.2 Mécanique de la rupture

1.2.2 Théorie de la rupture par clivage

Dans les matériaux cristallins, la rupture par clivage est définie comme la décohésion complète du cristal sur l’un de ses plans cristallographiques. Cette décohésion se produit lorsque la contrainte de chargement projetée sur un plan cristallographique quelconque est supérieure à la résistance théorique du matériau (François et al.,1993) :

σc=

s

Eγs

dhkl

(1.1) où E est le module d’Young, γs est l’énergie de cohésion surfacique des atomes et dkhl

est la distance inter-réticulaire des familles de plans d’indice (hkl) (Sec. 1.5.2.2). Le plan dont le rapport γs

dhkl

est le plus faible, est le plan de clivage. Les plans de clivage sont les plans de la famille (100) pour les matériaux de la structure BCC et les plans de la famille (0001) pour les matériaux de la structure HCP (Besson et al., 2004).

Pour les aciers à matrice ferritique, la contrainte de clivage est de l’ordre de 27000 MPa (≈ E/10). Cette valeur est très grande et n’est vérifiée que dans les matériaux extrêmement purs comme le trichite. En réalité, la structure est souvent cassée pour une contrainte de chargement bien inférieure à cette valeur théorique. La microstructure et la plasticité sont relevées comme facteurs amplificateurs de la contrainte locale qui causera la rupture fragile du matériau. La rupture par clivage se compose en général de deux étapes :

Germination du clivage lorsque la contrainte au point de clivage atteint la valeur de

la contrainte théorique de clivage (Eq. (1.1)).

Propagation du clivage amorcé sous l’action de la contrainte dans le cristal.

Une rupture par clivage débute par la germination. Puis le clivage amorcé est propagé sous l’action de la contrainte associé au chargement. En se propageant, il doit franchir les obstacles microstructuraux pour arriver à la rupture finale. Dans la modélisation de la rupture par clivage, il est important de connaître l’étape critique qui contrôle les deux étapes de la rupture. Plusieurs modèles ont été proposés prenant en compte l’effet de la microstructure et de la plasticité pour modéliser la rupture par clivage.

1.2.2.2 Critère de Griffith

Griffith (1921) a proposé un critère définissant la contrainte d’ouverture d’un défaut de taille 2rc. Par une approche énergétique, il montre que sous l’action de la contrainte

de chargement, un clivage amorcé (un défaut) se propage lorsque le travail exercé par la contrainte locale est supérieure à celui de la résistance du matériau. La contrainte critique est calculée par :

σc =

s

E0γp αrc

γp est l’énergie de propagation. E0 = E en contraintes planes.

E0 = E

1 − ν2 en déformations planes.

α est un coefficient dépendant de la forme de la fissure. Pour une fissure

circulaire α = 2

π.

Au cours de la propagation, la taille du défaut évolue. La contrainte critique décroît. Si la contrainte associé au chargement est constante, la propagation de la fissure est instable. Le travail exercé par le chargement se transforme alors en énergie cinétique.

1.2.2.3 Clivage contrôlé par germination

Zener (1948) et Stroh (1954) envisagent l’empilement de dislocations sur un obstacle (particules de seconde phase, joints de grains) comme amplificateur de contrainte. Sous l’action de cet empilement, l’état de contraintes en un point P (r, θ) en tête de l’empilement s’écrit sous la forme :

σ12 = (τ − τi) s d r cos 2 + 1 2sin θ sin θ 2 ! (1.3) σ22 = (τ − τi) s d r 3 2sin θ cos θ 2 ! (1.4) où τ est la cission résolue, τi est la friction du réseau cristallin, d est la longueur

d’empilement, r et θ représentant les coordonnées polaires de l’extrémité de l’empilement par rapport à l’origine (Fig. 1.1).

Figure 1.1 – Modèle de Zener-Stroh de germination du clivage (Mathieu,2006)

Dans ce modèle, Stroh considère que seule la contrainte normale σ22intervient à la rupture

il montre qu’une fissure de taille r se produit sous l’effet d’une énergie décroissante. τ = τi + 2 3 sin θ cosθ 2 s E0γ p αd (1.5)

Comme le terme r est absent dans cette formule, cette condition est toujours satisfaite pour toutes les fissures. Cela signifie que la germination du clivage est l’étape critique de la rupture si l’énergie de surface effective est invariante.

Il est clair que la germination du clivage est la plus favorable lorsque τ atteint sa valeur minimale. En dérivant l’équation (1.5) par rapport à θ, la condition de germination du clivage est atteinte pour θ0 = 70, 5◦. La contrainte critique s’écrit alors :

τc= τi+ 2 3 sin θ0cos θ0 2 s E0γ p αd (1.6)

Chell et al. (1981) notent que ce modèle néglige l’effet de la contrainte de cisaillement sur la germination du clivage et que l’initiation du clivage dans un champ de contraintes uniforme est équivalente au cas non-uniforme. De plus, ils présentent la possibilité pour un clivage amorcé d’être émoussé plutôt que de se propager sous l’effet de la contrainte de cisaillement en tête de la fissure.

1.2.2.4 Clivage contrôlé par propagation

Cottrell (1958) considère l’amorçage du clivage comme la naissance d’une super- dislocation dans le plan {100} à partir de deux dislocations glissiles h111i{110} dans le réseau cristallin cubique centré (Fig. 1.2).

Figure 1.2 – Modèle de Cottrell de germination du clivage (Libert, 2007; Lambert-Perlade,

2001)

Le critère de germination du clivage de ce modèle est présenté sous la forme de la contrainte de clivage σc :

σc=

2µΓs

où d est la taille de grains, µ est le module élastique de cisaillement et Γs est l’énergie de

surface effective en cours de propagation. Cette énergie s’exprime comme suit :

Γs = γs+ γp+ γb (1.8)

où γs est l’énergie de cohésion surfacique, γp est l’énergie de propagation en pointe de

fissure et γb est l’énergie de franchissement des obstacles microstructuraux.

1.2.2.5 Modèle de Smith - Clivage de seconde phase

Le modèle de Smith (1966) est un cas particulier du modèle de Zener-Stroh. Il envisage l’empilement de dislocations sur un carbure au joint de grains (Fig. 1.3).

Figure 1.3 – Modèle de Smith de germination du clivage (Mathieu,2006)

La contrainte en tête de l’empilement de dislocation déclenche le clivage du carbure. Ce clivage est ensuite propagé dans la matrice ferritique sous l’effet du chargement en prenant en compte l’effet amplificateur local de dislocation. Ce modèle prend en compte ainsi l’influence de la taille de carbure sur le clivage. Le critère s’écrit :

C0 d σ 2 c + (τ − τi)2  1 + 4 π( C0 d ) 2 τi τ − τi 2 = 4Eγf π(1 − ν2)d (1.9)

où C0 est la taille de carbure, d est la taille de grains, τ est la cission résolue, τi est la

friction du réseau cristallin, γf est l’énergie de surface effective de la matrice ferritique

et E, ν sont les coefficients du matériau. La formule (1.9) montre que plus la taille de carbure est grande, plus la contrainte de clivage σc est petite. Autrement dit, le carbure

1.2.2.6 Étape critique de la rupture par clivage

En réalité, en fonction de la température, chaque étape de la rupture par clivage a une influence différente sur la rupture finale du matériau. La connaissance de l’étape critique joue un rôle décisif dans la recherche. Une revue synthétique de la rupture par clivage dans Besson et al. (2004) montre qu’à basse température, la rupture par clivage est contrôlée par la germination du clivage, tandis qu’à haute température, la propagation de la fissure est l’étape critique. Le choix de l’étape critique doit se baser sur la microstructure du matériau, les conditions de chargement de la structure et une étude quantitative du critère relatif à chaque étape. Dans certains cas, lorsque l’étude est réalisée sur une plage de température, il est nécessaire de prendre en compte différentes étapes critiques aux différentes températures (Pineau, 2007). Le modèle de multi-barrières qui tient compte de cet aspect a été appliqué dans plusieurs travaux, e.g. (Lambert-Perlade, 2001).