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1.4 Approche Locale de la rupture à l’échelle microscopique

1.4.2 Modèle de Mathieu

Mathieu (Mathieu, 2006; Mathieu et al.,2010) étudie le comportement micro-mécanique et à la rupture de l’acier de la cuve de réacteur 16MND5, un acier de microstructure bainitique. Pour la modélisation de la microstructure, il utilise un modèle d’agrégats polycristallins. La structure de paquet de lattes dans chaque grain n’est pas prise en compte dans la simulation. Des orientations cristallographiques aléatoires sont associées à chaque grain.

Au niveau de la modélisation du comportement micro-mécanique du monocristal, il propose un couplage d’un calcul polycristallin et d’un calcul d’homogénéisation prenant en compte l’effet de renforcement des inclusions de carbures. En utilisant une procédure itérative, il identifie les paramètres du modèle de comportement choisi. Le critère de convergence de la procédure est l’accord entre la réponse du calcul polycristallin et celle du calcul d’homogénéisation.

Dans leur modèle d’Approche Locale de la rupture, il considère que la microstructure du volume élémentaire est représentative de tout le matériau. Cela permet d’utiliser un seul champ de contraintes calculé aux points d’intégration d’un seul calcul aux éléments finis. Pour la résistance du matériau, il prend en compte l’hétérogénéité du matériau en jouant sur les paramètres locaux du critère de rupture. Ce modèle se base sur plusieurs hypothèses (Mathieu, 2006) :

• H1 : Les carbures et autres particules de seconde phase sont à l’origine de l’amorçage des défauts, selon un mécanisme similaire au modèle de Smith (Sec. 1.2.2.5). L’effet des particules de plus grande taille n’est pas pris en compte à cette échelle.

• H2 : L’amorçage du clivage se produit sur des particules de seconde phase sous l’action de la plasticité. Le clivage est la rupture de la particule de seconde phase ou la création d’un défaut selon le modèle de Smith. Cela conduit à un seuil de déformation plastique εminp équivalente pour provoquer l’amorçage.

• H3 : La population de carbures est à l’origine de la rupture par clivage. Ainsi, une distribution de taille de carbures standard est utilisée pour décrire la population de taille de défauts. Les plus petits carbures n’interviennent pas dans la rupture.

• H4 : La propagation d’un défaut amorcé suit le critère de Griffith. Le clivage de la ferrite se produit principalement sur les plans de clivage qui sont les plans de la famille {100} (Sec. 1.2.2.1). Le champ de contraintes de chargement utilisé dans l’Approche Locale est le champ de contraintes de clivage σmax

cliv . Celui-ci est calculé

comme le maximum de la projection du champ de contrainte sur les plans de clivage (Sec. 1.5.3.3).

H5 : Les plus gros défauts (r ≥ rmax

c ) sont amorcés dès le début de la plasticité et

sont émoussés plutôt que propagés. Cela introduit un seuil de la taille de défauts, au-delà duquel le clivage n’est pas amorcé.

• H6 : Pendant l’étape de propagation, la propagation d’un défaut amorcé dans la matrice ferritique est plus critique que le franchissement des obstacles microstructuraux (joint de grains).

Selon les hypothèses décrites ci-dessus, le critère de rupture finale s’écrit, pour chaque point de calcul : ( εeq p ≥ εminp σmax cliv ≥ σc (1.33) La distribution de la taille de carbures suit le modèle d’Ortner (Ortner et al., 2005).

FR(rc) = P(R < rc) = exp  − 2rc 0, 072 !−2,7  (1.34)

Nous présentons maintenant plus en détail des différentes étapes de la démarche.

Étape 1 : Calculer le champ de contrainte de clivage maximale σmax

cliv , et le champ

de déformation plastique équivalente εeq

p aux points de Gauss dans le volume V

par un calcul aux éléments finis pour tous les niveaux de déformation du trajet de chargement considéré.

• Étape 2 : Projeter une distribution de défauts aux points de Gauss (nombre de défauts par point et leurs tailles associées ) et calculer le champ de contraintes de Griffith σc correspondantes.

• Étape 3 : Vérifier le critère de rupture (Eq. (1.33)) pour chaque niveau de chargement et déterminer par interpolation le niveau de chargement (repéré par un pseudo- instant de rupture tr) correspondant au moment où le critère est saturé.

Étape 4 : Répéter N fois les points 2 et 3 avec N tirages différents de défauts. Pour chaque tirage, un instant de rupture tr

i, i = 1, . . . , N est obtenu.

• Étape 5 : Les instants sont classés par ordre croissant et on leur attribue un rang correspondant i = 1, . . . , N . La probabilité de défaillance cumulée pour le niveau de chargement associé à tr

i est calculée par la formule :

PR(V ) =

i − 0, 5

N (1.35)

Étape 6 : Calculer les valeurs ponctuelles des variables locales (εp, σclivmax) et

moyennées sur V0 par l’interpolation des valeurs à deux instants t1 et t2 où

tr ∈ [t 1, t2[. vr = v1+ (v2− v1) tr− t 1 t2− t1 (1.36)

• Étape 7 : Appliquer la théorie du maillon le plus faible pour calculer la probabilité de défaillance de la structure V .

Avec cette méthode de simulation de la rupture par clivage, Mathieu réalise des études paramétriques afin de montrer la dépendance des paramètres σu et m du modèle de

Beremin à la température et aux conditions de chargement. Les tendances des paramètres sont récapitulées sur la figure 1.8. Il conclut que l’application de ce modèle permet d’étudier différents facteurs locaux caractérisant la probabilité de rupture du volume élémentaire. Ce modèle reproduit bien les tendances d’évolution des paramètres en fonction de la température observée dans les travaux expérimentaux précédents.

Dans ses travaux, Mathieu a pris en compte la variabilité de la microstructure du matériau à l’échelle cristalline (orientations cristallographiques des grains) et également le rôle de renforcement des inclusions de carbures. D’autre part, au niveau de la rupture par clivage, il a étudié l’influence de chaque paramètre sur la contrainte de résistance du matériau et parvient à expliquer les inconvénients du modèle de Beremin.

Cependant, au niveau de la modélisation de la microstructure, il s’est limité à l’échelle de la microstructure austénitique. La structure bainitique n’a pas été prise en compte.

Par ailleurs, il a considéré la microstructure du volume élémentaire comme représentative pour tout le matériau. Cela signifie que l’influence de la variabilité de la microstructure du matériau n’a pas été prise en compte dans la modélisation micromécanique. Cette variabilité, comme le montre la thèse de Libert (Libert,2007), a une influence importante sur la probabilité de rupture finale. D’autre part, au niveau du critère de rupture, la prise en compte des paramètres microstructuraux, comme le montre de ce travail dans le chapitre 5, n’est pas bien fait.

Figure 1.8 – Tendances des paramètres σu et m du modèle de Beremin en fonction de la

température T, de la triaxialité χ et de la pression relative ζ (Mathieu,2006)