• Aucun résultat trouvé

Théorie du management de la terreur

Dans le document La générativité du consommateur. (Page 76-82)

CHAPITRE 2 : Revue de la littérature sur la générativité en marketing

2.2 Éléments de générativité en marketing

2.2.3 Théorie du management de la terreur

La Théorie du management de la terreur ou « TMT » (voir Greenberg et al. 1990)

offre également un cadre d’études qui présente des similarités avec le concept de

générativité. Effectivement, la TMT s’inspire notamment des travaux de l’anthropologue

112 Traduction libre de l’anglais « corporate prosocial behavior ».

113 Traduction libre de l’anglais « compagny’s overall performance in this diverse corporate prosocial

64

Becker (1973)

114,115

sur le déni de la mort, selon lesquels l’individu est un animal

vulnérable devant une situation de mort saillante. Toutefois, le fait qu’il soit doté d’une

intelligence le rend conscient de l’inévitabilité de sa propre mort. L’homme tentera alors

de développer des moyens de se préserver face à la mort, notamment en tentant de la

transcender. La croyance en la réincarnation ou l’idée de vivre éternellement de manière

symbolique en sont des exemples; le désir d’être symboliquement immortel

correspondant au versant agentique de la générativité.

Ces croyances, valeurs et symboles prennent d’abord racine dans la culture et

dans les différentes visions culturelles du monde. La culture a permis de fournir à

l’homme une structure, soit un certain équilibre de vie avec un système de valeurs, de

normes, de croyances et de symboles, lui permettant de donner un sens à sa vie. La foi

ou la croyance en ces conceptions culturelles du monde lui offrent alors une manière de

gérer sa terreur, c’est-à-dire son anxiété face à la mort, et alors de devenir immortel. La

culture a également amené l’homme à s’identifier à des conceptions du monde dans

lesquelles il se sent valorisé, permettant du même coup d’accroître son estime de soi. En

fin de compte, face à une situation potentiellement dangereuse, l’être humain à

développer des mécanismes de préservation lui permettant de se sentir en sécurité dans

sa vie de mortel, mais également d’atteindre une forme d’immortalité dans le futur,

c’est-à-dire le fondement même sur lequel se bâtit la dimension agentique de la

générativité

116

.

114 À l’instar des auteurs ayant étudié la TMT, McAdams (1985) et McAdams et de St. Aubin (1992)

s’inspirent également des travaux de Becker et de son concept d’héroïsme pour rendre compte du désir d’immortalité des individus.

115 La TMT s’inspire également des travaux de Darwin et Freud.

116 Pour qu’il soit question de générativité, il faut que le désir d’immortalité soit plus explicitement relié à

65

Ainsi, la croyance en une conception culturelle du monde et le besoin d’estime de

soi comme moyen de se préserver d’une mort saillante ont donné lieu à des études en

marketing, principalement sur la consommation liée à la réussite sociale. L’achat de

produits reflétant un statut social élevé ou faible (Mandel et Heine 1999); la

consommation associée aux rituels reliés à la mort (Bonsu et Belk 2003); le

matérialisme et les différents comportements du consommateur qui lui sont associés

(Arndt et al. 2004; Rindfleisch et Burroughs 2004); les motivations et les variations

culturelles (Maheswaran et Agrawal 2004); ou encore l’attachement et les relations des

consommateurs à la marque (Rindfleisch, Burroughs et Wong 2009) en sont quelques

exemples. D’ailleurs, une étude de Fransen et al. (2008) a montré que l’exposition à une

marque qui activait l’idée de la mort de manière implicite affectait positivement les

comportements de dons charitables, soit un acte pro-social qui offre des bénéfices à la

société et rappelle les comportements liés à la générativité communale.

De futures études pourraient mettre en relief le rôle de la générativité dans un

contexte de TMT, notamment l’étude des comportements de consommation génératifs

comme conséquence du désir de devenir immortel sur le plan symbolique, ou encore au

regard du besoin d’adhérer, de défendre ou de refléter les valeurs établies par la

conception culturelle du monde auquel le consommateur appartient. L’adoption de

comportements de consommation génératifs cohérents avec les standards culturels

établis lui permettrait également de se sentir valorisé aux yeux des autres.

Afin de mieux cerner l’ensemble des études et des concepts ayant un lien indirect

avec le concept de générativité, nous en proposons maintenant une synthèse sous forme

de tableaux. À cet effet, nous avons divisé ces tableaux selon que les études et concepts

traités correspondaient à la générativité communale – c.-à-d. au désir de se sentir utile

66

(tableau 7) – à la générativité agentique – c.-à-d. au désir d’immortalité symbolique

(tableau 8) – ou à ce qui semblait s’avérer une manifestation possible de générativité

communale (tableau 9) ou encore agentique (tableau 10).

TABLEAU 7: LA GÉNÉRATIVITÉ COMMUNALE – OU LE DÉSIR DE SE SENTIR UTILE

Auteurs Études et concepts

Price et al. (2000)

Dans la transmission de bien précieux : les personnes âgées sont motivées à prendre soin de leurs biens en vue de s’engager auprès de membres plus jeunes de la famille et d’exprimer leur amour; la transmission de bien précieux reflète le désir de préserver les traditions familiales en vue de préserver les liens familiaux

Belk (1988) L’extension de soi ou de groupes se traduit par la construction de legs permettant de tisser des liens

communautaires

Folkman et al. (2004) Rôle de gardien de biens inaliénables transmis d’une génération à l’autre

Gladden, Mahony et Apostolopoulou (2005)

Faire une donation aux équipes sportives de niveau collégial est motivé par le besoin de redonner à la communauté

67

TABLEAU 8: LA GÉNÉRATIVITÉ AGENTIQUE – OU LE DÉSIR D'IMMORTALITÉ SYMBOLIQUE

Auteurs Études et concepts

Price et al. 2000

Motivation du consommateur âgé à transmettre ses biens précieux : recherche une forme d’immortalité symbolique dans la disposition de biens précieux chez le consommateur âgé; les biens font figure de totems comme extension de soi pouvant être transmis dans le futur (symbolisant ses compétences et réussites de vie) Belk 1991b; Folkman 1999;

Gentry et al. 1995; Heilsey et al. 1993; Uruh 1983

Les consommateurs âgés recherchent une forme d’immortalité symbolique dans la disposition de biens précieux

Stevenson et Kates 1999

Les mourants du SIDA recherchent une forme

d’immortalité symbolique dans la disposition de biens précieux

Belk 1988 Les possessions permettent l’immortalité symbolique par l’extension de soi et(ou) l’extension de soi de groups

Sargeante et Hilton 2005 Le besoin de survivre (à transmettre un legs need to live on) comme motivation

Hirschman 1990 L’immortalité séculaire par la transmission de legs à la communauté en vue d’assurer une supériorité sur le plan

social

Thukral et Cummins 1987 Les bouddhistes font le don de leurs organes en vue de continuer de vivre au-delà de leur vie de mortel

Barnett et al. 1987

Le don d’organes devrait faire appel à des bénéfices liés à soi; un souvenir positif de soi, pour ceux craignant de perdre une partie de leur soi

Gladden, Mahony et Apostolopoulou 2005

Faire une donation aux équipes sportives de niveau collégial est motivé par le besoin de reconnaissance Greenberg et al. 1990

En regard de la Théorie of Terror Management, l’individu

adhère à des visions culturelles du monde lui fournissant une structure stable et ordonnée de vie et une forme d’immortalité symbolique

68

TABLEAU 9 : TENDANCE GÉNÉRALE COMMUNALE

Auteurs Études et concepts

Sherry 1983 L’altruisme comme motivation à donner un cadeau (maximiser le plaisir du receveur)

Wolfingbarger 1990 L’altruisme comme motivation à faire le don de cadeaux; le don de cadeaux en tant que comportement pro-social

Giesler 2006 Le partage de fichiers de musique pair-à-pair sur Internet favorise les échanges basés sur la solidarité

Belk et Coon 1993; Joy 2001 Le besoin symbolique d’être lié aux autres et d’en prendre soin

Kompter 2005 Le système de cadeaux en tant que système social de solidarité

Kates 2001 Les héritiers disposent de cadeaux et de legs de manière désintéressé

Belk et Coon 1993 L’amour agapique comme acte purement désintéressé dans le don d’un cadeau

Bergadaà 2006 L’altérité concerne la conscience de l’autre, ce qui pousse l’individu à vouloir en prendre soin

Small et Simonsohn 2008 Les proches de victimes de malheurs sont plus portés à adopter des comportements pro-sociaux en offrant des

dons à des organismes charitables Bendapudi, Singh et

Bendapudi 1996 L’altruisme comme motivation à aider les organisations charitables

Griffin et al. 1993; Brunel et Nelson 2000; Eveland et Crutchfield 2004; Mowen et Sujan 2005; Sargeant et Hilton 2005; Bergadaà 2006; Sargeant et Woodlife 2007; Fisher, Vandenbosh et Antia 2008; White et P. 2009

L’égoïsme comme motivation à donner de son temps et de son argent

Ackerman 1998 Le besoin de reconnaissance comme motivation à faire du volontarisme

Webster 1975 La conscience sociale du consommateur comme préoccupation des conséquences de la consommation

sur la société

Robert 1995 La consommation socialement responsable rend compte de l’achat responsable du consommateur et des effets

positifs sur l’environnement et la société Morh et al. 2001

Les comportements socialement responsables rendent compte du désir de minimiser ou d’éliminer les effets néfastes en vue de maximiser les effets bénéfiques à long terme sur la société (près de la générativité communale)

Bagozzi et Dabholkar 1994 L’altruisme comme motivation à faire du recyclage

Lee et Holden 1999

Les comportements pro-sociaux profiteront à la communauté dans le présent, mais de manière plus importante dans le futur (proche de la générativité communale); l’altruisme comme motivation à agir de manière pro-environnementale

Luo et Bhattacha 2009 La responsabilité sociale corporative dont le but est de protéger et d’améliorer le bien-être de la société

69

TABLEAU 10 : TENDANCE GÉNÉRALE AGENTIQUE

Auteurs Études et concepts

Sherry 1983 Nature agoniste dans le don d’un cadeau (maximiser la

satisfaction personnelle)

Wolfingbarger 1990 Nature intéressée dans le don d’un cadeau

Belk 1988 Le besoin d’agrandissement en vue d’atteindre une

forme d’immortalité comme motivation dans les actes de patriotisme, de civisme et de charité

Bendapudi, Singh et

Bendapudi 1996 L’égoïsme comme motivation à aider les organisations charitables

Griffin et al. 1993; Brunel et Nelson 2000; Eveland et Crutchfield 2004; Mowen et Sujan 2005; Sargeant et Hilton 2005; Bergadaà 2006; Sargeant et Woodlife 2007; Fisher, Vandenbosh et Antia 2008; White et Peloza 2009

L’égoïsme comme motivation à donner de son temps et de son argent

Ackerman 1998 Le besoin de reconnaissance comme motivation à faire

du volontarisme auprès d’organismes charitable Kinnear, Taylor et

Ahamed 1974 Le consommateur socialement responsable en regard de l’environnement est une personne qui croit pouvoir

influencer le monde dans lequel il vit

Bagozzi et Dabholkar, 1994 L’égoïsme comme motivation à faire du recyclage

Lee et Holden 1999 L’égoïsme comme motivation à agir de manière

pro-environnementale Brown et Dacin 1997; Luo et

Battacharya 2006 La performance sociale corporative vise la performance économique au regard de programmes et d’initiatives

sociales mises sur pied par l’entreprise

Dans le document La générativité du consommateur. (Page 76-82)