CHAPITRE 2 : Revue de la littérature sur la générativité en marketing
2.2 Éléments de générativité en marketing
2.2.2 Marketing pro-social
Tel que proposé par Urien (2003), des manifestations de générativité se
retrouvent également dans le domaine du marketing vert, social et éthique
95, c’est-à-dire
qui a trait de manière plus large au marketing pro-social. À cet égard, la partie qui suit
porte sur le consommateur socialement responsable et sur la responsabilité sociale de
l’entreprise.
2.2.2.1 LE CONSOMMATEUR SOCIALEMENT RESPONSABLE
La conscience sociale du consommateur, telle que définie par Webster (1975),
expose la préoccupation d’une personne quant aux conséquences qu’aura sa
consommation sur la société et son environnement. Ainsi, une personne qui possède une
conscience sociale élevée emploie son pouvoir d’achat pour apporter des changements
positifs sur le plan social et environnemental
96. Cette définition rend compte de la
préoccupation de l’individu quant aux répercussions de sa consommation sur autrui,
traduisant un souci de l’autre et de son bien-être, ce qui correspond potentiellement à
une tendance générale communale. Qui plus est, Kinnear, Taylor et Ahmed (1974), dans
une étude portant sur les préoccupations écologiques, indiquent que le consommateur
possédant une conscience sociale est une personne qui croit pouvoir influencer le
monde dans lequel il vit en vue de le rendre meilleur. À l’instar des personnages
historiques que sont Luther et Gandhi, les individus socialement responsables sont des
95 Soulignons que cette section aurait pu inclure les dons charitables, mais nous avons préféré l’inclure
dans la partie concernant le marketing des cadeaux et des dons.
96 Cette définition fut adoptée dans l’étude de Lecompte et Valette-Florence (2006) sur la consommation
socialement responsable, car son caractère global permet d’inclure différentes composantes plus récentes, tels les comportements éthiques (p. ex. : boycottage d’une entreprise faisant travailler des enfants), ou encore l’achat de produits locaux. Voir également Lecompte et Roberts (2006).
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personnes d’influence qui s’investissent activement dans la société en vue d’assurer son
bien-être (Erikson 1958, 1969), ce qui correspondrait à une tendance générale
agentique.
Dans le même ordre d’idées, Fisk (1973) parle de « consommation responsable »
qu’il définit comme l’utilisation efficace des ressources eu égard à la population
mondiale. De nouveau, cette définition semble traduire une orientation générale
communale puisqu’il s’agit de consommer de manière responsable en vue du bien-être
des différentes sociétés
97.
On trouve des exemples similaires dans des articles un peu plus récents. Par
exemple, Robert (1995) définira le consommateur socialement responsable
98comme
« celui qui achète des produits et des services qu’il ou elle perçoit comme ayant un
impact positif (ou moins négatif) sur l'environnement, et/ou utilise son pouvoir d'achat
pour exprimer des préoccupations sociales actuelles »
99(p. 98).
Inspirée de la définition de Kotler (1991) concernant le marketing sociétal
100,
Mohr, Webb et Harris (2001)
101apportent également leur propre définition de ce qu’est
un individu adoptant des comportements de consommation socialement responsables :
« une personne qui fonde son ou ses acquisition(s), usage(s) et disposition(s) de
produits sur le désir de minimiser ou d’éliminer tout effet néfaste et de maximiser les
97 Fisk (1973) indique d’ailleurs que la manière de consommer est un défi pour la survie de l’humain,
l’essence même de son article.
98 Voir Lecompte et Robert (2006) pour une revue des différents concepts employés dans la littérature
pour définir la consommation socialement responsable.
99 Traduction libre de l’anglais « one who purchases products and services which he or she perceived to
have a positive (or less negative) impact on the environment, and/or uses his/her purchasing power to express current social concerns. »
100Comme défini par Kotler (1991), le marketing sociétal consiste à faire du commerce qui permettra de
maintenir, voire d’améliorer le bien-être du consommateur et de la société en général.
101 Voir également Webb, Morh et Harris (2008) qui emploient la même définition pour leur échelle la
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impacts bénéfiques à long terme sur la société »
102(p. 47). Quoique cette définition ne
vise pas directement les générations futures, elle correspond de près à la représentation
de la générativité puisqu’elle inclut l’idée des bénéfices à long terme sur la société.
Dans une étude portant plus précisément sur les buts recherchés par les
consommateurs dans leurs comportements de recyclage, subvenir aux besoins des
générations futures figurait comme l’un des plus importants
103(Bagozzi et
Dabholkar 1994). Il s’agit ici d’un exemple correspondant au concept de générativité
puisque les comportements pro-sociaux visent directement le bien-être des générations
futures. De plus, toujours selon Bagozzi et Dabholkar (1994), l’ensemble des buts
recherchés par les consommateurs dans leurs comportements de recyclage peut se
catégoriser en deux groupes : les buts de nature plus altruiste (p. ex. : aider la
communauté) – correspondant à une tendance communale – et les buts de type
égoïste
104(p. ex. : réduire les coûts de la vie) – correspondant à une tendance davantage
agentique.
Pour leur part, Lee et Holden (1999) suggèrent que les comportements
pro-environnementaux en tant que comportements pro-sociaux profiteront à la
communauté dans le présent, mais de manière plus importante dans le futur. Ceci
exprime, d’une certaine manière, de la générativité communale, dans la mesure où les
actions des consommateurs pourraient avoir des effets bénéfiques dans le futur. Dans
cette optique, ces actions profiteraient donc également aux générations suivantes. De
plus, l’étude de Lee et Holden (1999) rend compte des motivations poussant les
102 Traduction libre de l’anglais « a person basing his or her acquisition, usage, and disposition of products
on a desire to minimize or eliminate any harmful effects and maximize the long-run beneficial impact on society. »
103 L’étude met également en relief une hiérarchie des buts recherchés pour le recyclage. Il en ressort
notamment certains buts intermédiaires clefs. Par exemple, les buts « sauver les ressources » et « sauver la planète » mènent au soutien aux générations futures, un des buts les plus élevés dans la hiérarchie.
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consommateurs à agir de manière pro-environnementale. Basées sur le modèle de
Batson (1987), elles relèvent soit de l’altruisme, sous la forme de l’empathie, ou de
l’égoïsme, sous la forme du besoin de réduire l’angoisse. L’un comme l’autre peuvent se
référer à une tendance générale de l’individu, qu’elle soit communale (c.-à-d. fondée sur
l’altruisme) ou agentique (c.-à-d. fondée sur l’égoïsme).
Par ailleurs, les études plus récentes tendent à inclure divers comportements ou
préoccupations pro-sociaux autres que ceux liés à l’environnement
105. Par exemple, à
l’instar de Roberts (1995), des études récentes tendent à apporter une attention
particulière à la consommation socialement responsable sur le plan éthique
106, un reflet
des préoccupations actuelles des consommateurs. La consommation éthique a été
définie par Muncy et Vitell (1992) comme « les principes moraux et les normes qui
guident le comportement d’individus ou de groupes d’individus alors qu’ils acquièrent,
utilisent et disposent de biens et de services »
107(p. 298). À titre d’exemple, la
consommation éthique se traduit alors par l’achat de produits équitables pour les
travailleurs ou le boycottage de produits allant à l’encontre de principes moraux (p. ex. :
ne pas acheter de produits provenant d’entreprises faisant travailler des enfants;
favoriser le commerce équitable, etc.).
Reflétant ces nouvelles préoccupations de la part du consommateur, certains
chercheurs tels Roberts (1995), Morh, Webb et Harris (2001), ainsi que Lecompte et
Robert (2006)
108, ont développé des échelles de mesure du consommateur socialement
105 Roberts (1995) a d’ailleurs reproché le fait que les études en marketing tendaient à définir le
consommateur socialement responsable uniquement du point de vue de l’environnement.
106 Il est question de consommation éthique sur le plan social et non pas sur le plan commercial, tel : ne
pas dire au client qu’il y a une erreur de calcul sur sa facture (p. ex. : Rawaas 1996).
107 Traduction libre de l’anglais « the moral principales and standards that guide behavior of individuals or
groups as they obtain, use or dispose of goods and services. »
108 La même échelle a donné lieu à un second article de même nature. Voir Lecompte et Valette-Florence
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responsable en tenant compte de la consommation éthique. De ce nombre, l’une d’entre
elles a notamment été développée au regard des différences interculturelles, permettant
de mieux refléter les représentations qu’ont les Français de la consommation
socialement responsable (Lecompte et Roberts 2006). De plus, étant donné que les
sociétés évoluent rapidement et que les préoccupations des individus changent au
même rythme, Webb, Mohr et Harris (2008) ont senti le besoin de revoir leur échelle de
la consommation socialement responsable en vue de mieux refléter ces nouvelles
réalités.
2.2.2.2. LA RESPONSABILITÉ ET LA PERFORMANCE SOCIALE CORPORATIVE
Tel que vu précédemment, par ses actions pro-sociales, le consommateur peut
agir en quelque sorte de manière générative
109s’il choisit d’améliorer le bien-être de la
société par ses actions de consommation. Les entreprises sont également appelées à agir
de la sorte; par exemple en contribuant à des œuvres de charité, en protégeant
l’environnement, en agissant de manière éthique auprès de leurs employés ou de leurs
fournisseurs; ou encore en s’investissant au sein de leur communauté. Cette situation a
donné lieu à des études sur la responsabilité sociale corporative
110(RSP) et à la
performance sociale corporative
111(PSC).
109 Il faut noter qu’il ne s’agit pas nommément de générativité, alors que les comportements pro-sociaux
ne visent pas nécessairement ou explicitement les générations futures, mais la société de manière globale.
110 Exemples : Brown et Dacing 1997; Mohr, Webb et Harris 2001; Mohr et Webb 2005; Wagner, Lutz et
Weitz 2009.
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