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McAdams et de St. Aubin

Dans le document La générativité du consommateur. (Page 31-37)

CHAPITRE 1 : Revue de la littérature sur la générativité en psychologie sociale

1.1. Les pionniers

1.1.3 McAdams et de St. Aubin

1.1.3 MCADAMS ET DE ST. AUBIN

Dan P. McAdams est sûrement à ce jour l’un des auteurs les plus prolifiques sur la

générativité, comme en font foi les nombreuses études qu’il a menées sur le sujet

34

. De ce

nombre, il s’est démarqué par l’apport d’une riche théorie sur la générativité, laquelle

fut développée avec son collègue Ed de St. Aubin (1992), autre chercheur s’illustrant

dans le domaine

35

. La partie qui suit concerne le modèle développé par McAdams et de

St. Aubin (1992), avec un accent particulier mis sur les motivations liées à la

générativité.

Notamment inspiré des apports théoriques de Browning (1975), de Kotre (1984),

de McAdams (1985) et de Peterson et Stewart (1990), le modèle de la générativité de

McAdams et de St. Aubin (1992) se veut probablement le modèle conceptuel le plus

complet sur la générativité

36

. Le modèle, tel qu’illustré à la page suivante (figure 1), est

constitué de sept caractéristiques psychosociales interreliées. Elles visent le bien-être

des générations futures et lient l’individu au monde social qui l’entoure. Une description

détaillée de chacune des caractéristiques suivra.

34 P. ex. : 1980; 1985; avec Ruetzel et Foley 1986; avec de St. Aubin 1992, 1998; avec Azarow 1996; avec

Logan, 2004; 2006.

35 P. ex. : avec McAdams 1992, 1995; avec McAdams et Kim 2004.

36 Voir Hofer, Bush, Chasiotis, Kärtner et Campos (2008) pour une version différente du modèle de

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FIGURE 1: LES SEPT CARACTÉRISTIQUES DE LA GÉNÉRATIVITÉ (MCADAMS ET DE ST. AUBIN, 1992 : 1005)

1.1.3.1 LES DÉSIRS INTERNES

Les désirs internes sont perçus comme étant l’une des sources ultimes de la

motivation à afficher un comportement génératif, le but étant de sensibiliser la

conscience des individus au bien-être des générations futures (la préoccupation des

générations futures). Plus précisément, ces désirs sont constitués du besoin de se sentir

utile

37

(need to be needed) et du désir d’immortalité symbolique.

Le besoin de se sentir utile, tel qu’élaboré par Stewart, Franz et Layton (1988),

s’exprime par le désir de prendre soin de l’autre de manière aimante, d’être présent

37 Les auteurs rappellent que la générativité a souvent été décrite comme étant une motivation, un besoin,

un désir. Pour eux, la générativité est un construit, notamment constituée de 2 types de désirs internes. La générativité ne peut donc se présenter sous la forme d’un seul désir de l’individu (1992, 1998).

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pour lui en tout temps, et de lui venir en aide lorsque nécessaire. Le besoin de se sentir

utile, c’est en fait d’être d’une « utilité » quelconque pour les autres et d’avoir une

certaine importance à leurs yeux. Ce désir serait donc une manifestation de la tendance

communale de Bakan (1966) selon laquelle l’individu aspire à ne faire qu’un avec autrui,

d’où le besoin d’en prendre soin de manière aimante.

Le désir d’immortalité symbolique, autre désir d’importance évoqué par

McAdams et de St. Aubin (1992), rejoint l’idée de base de Kotre (1984) pour qui la

générativité vise à laisser une trace de soi positive au-delà de sa propre vie de mortel en

vue d’en faire bénéficier les générations futures. Ce concept touche également celui

d’héroïsme, décrit par Becker (1973) et cité par McAdams (1985), selon lequel le

« héros » offre un legs de soi, un cadeau, pouvant être offert à la société et aux

générations qui le suivront. Le désir d’être symboliquement immortel, c’est donc une

manière de vivre éternellement, de défier la mort en laissant son empreinte, tel un legs

ou extension de soi, de manière à rester dans la mémoire d’autrui dans le temps.

De plus, le désir d’immortalité symbolique reflète cette fois la tendance agentique

de Bakan (1966), laquelle pousse l’individu à s’affirmer et à se développer de façon

puissante et indépendante. Au regard des composantes agentiques et communales des

individus génératifs, McAdams (1986) avait d’ailleurs conclu que la générativité serait

un mélange des tendances communales et agentiques à la fois. Effectivement, par

l’emploi du Thematic Apperception Test, il a montré, avec ses collègues Ruetzel et Foley

(1986), que la combinaison de la recherche de rapports intimes (intimacy) et du pouvoir

était positivement corrélée à la générativité. L’intimité, ou besoin d’intimité, fait

référence au désir de se sentir près des autres de manière aimante (McAdams 1980), ce

qui correspond à la tendance communale. Le pouvoir, ou besoin de pouvoir, se traduit

21

par la nécessité de se sentir fort et d’avoir un impact dans le monde (Winter 1973), une

motivation plutôt liée à la tendance agentique. Cette étude illustre en fin de compte

qu’une personne hautement générative présenterait à la fois des motivations de type

communal et de type agentique.

1.1.3.2 LES DEMANDES CULTURELLES

À l’instar des désirs internes, les demandes culturelles se définissent également

comme source de motivation de la générativité, à la différence qu’il s’agit d’une source

de motivation externe. Contrairement à Erikson (1950), selon lequel la générativité

correspond à un stade psychosocial chez l’adulte, McAdams et de St. Aubin (1992)

argumentent que si la générativité apparaît vers l’âge adulte, c’est surtout dû au fait que

la société exige des uns et des autres de prendre des responsabilités vis-à-vis des

générations qui les suivent. La société exerce en quelque sorte des pressions sur l’adulte

en devenir quant aux rôles qu’il occupera en tant que parent, enseignant, mentor, leader,

etc. Les demandes culturelles sont donc normatives, visent en général le jeune adulte, et

sont le reflet de la société visée dans un temps et un espace donnés

38

. À titre d’exemple,

et tel qu’argumenté par McAdams, Hart et Maruna (1998), le champ d’action que

couvrait la générativité de la femme des années 1950 aux États-Unis n’était pas le même

que pour la femme d’aujourd’hui : il était beaucoup plus restreint dans les années 1950

et visait essentiellement le domaine parental. La femme américaine d’aujourd’hui est

présente maintenant à tous les niveaux de la sphère sociétale, au même titre que

38 Chaque société diffère dans sa manière de concevoir à quel moment un individu doit prendre ses

responsabilités envers les générations futures et quels devraient être les rôles à privilégier (McAdams, Hart et Maruna 1998).

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l’homme, ce qui n’est pas le cas d’autres sociétés où elle est encore aujourd’hui perçue

comme étant inférieure à l’homme; une situation qui pourrait avoir pour effet de

restreindre son apport sur le plan de la générativité.

1.1.3.3 LES PRÉOCCUPATIONS GÉNÉRATIVES, LA CROYANCE EN L’ESPÈCE ET L’ENGAGEMENT GÉNÉRATIF

Les sources de motivation de la générativité mentionnées précédemment avec les

désirs internes et les demandes culturelles permettent de déterminer dans quelle

mesure l’individu sera sensible à promouvoir les générations futures, c'est-à-dire son

degré de préoccupation à leur égard. Cette préoccupation des générations futures fait

référence à « une orientation ou une attitude globale au regard de la générativité dans la

vie de l’individu et le monde social »

39

(McAdams et al. 1998 : 20). On s’attend donc à ce

que certaines personnes se sentent plus ou moins concernées par les générations qui les

suivront; d’où la construction d’une échelle mesurant les préoccupations génératives

des individus, la Loyola Generativity Scale (LGS) de McAdams et de St. Aubin (1992). Les

préoccupations génératives combinées à la croyance en l’espèce font en sorte que

l’individu est prêt à s’engager auprès des générations suivantes et à s’investir auprès

d’elles en menant des actions génératives, ce qui reflète, selon McAdams et de St. Aubin

(1992), la séquence idéale du processus lié à la générativité.

Plus précisément, croire en l’espèce humaine consiste à « placer sa foi dans

l’avancement et l’amélioration de la vie humaine dans les générations futures, même

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devant de fortes preuves de destructions humaines, de privation et de dépravation »

40

(Van de Water et McAdams 1989, cité dans McAdams et al. 1998 : 11). Cette croyance en

l’espèce permet à l’adulte d’avoir des buts génératifs et ainsi de s’engager auprès des

générations à venir. L’individu, maintenant prêt à s’engager auprès des plus jeunes

générations, mènera alors des actions génératives. À cet effet, les travaux de McAdams et

de St. Aubin (1992) ont permis de délimiter trois grands groupes de comportements

génératifs : a) la création; b) la préservation et c) l’offre.

Ainsi, pour que puissent bénéficier les générations futures de ce qui a été créé ou

produit (biens, idées, enfants, connaissances, etc.), l’individu génératif doit s’efforcer de

les préserver (en en prenant soin, en les cultivant, etc.), pour ensuite les offrir aux

générations qui suivent, tel un cadeau, un legs. Pour McAdams (1985), la création et la

production de bien et d’idées se veulent plus que de simples comportements

pro-sociaux ou de nature altruiste : il s’agit d’une création puissante de soi, un legs, une

extension de soi. La préservation d’une entité quelconque permet, quant à lui, d’assurer

sa continuité dans le temps (Browning 1975; Erikson 1982). Par la suite, offrir ce qui a

été créé et préservé représente un cadeau ou un legs que l’on donne aux générations

suivantes, libre de toute attache ou de possession (Becker 1973; McAdams 1985).

1.1.3.4 LA NARRATION

Le modèle de la générativité de McAdams et de St. Aubin (1992) se termine par la

narration ou le récit génératif. Il s’agit du lieu où se matérialise le sens que donne

l’individu à la générativité dans sa vie personnelle et dans le monde social qui l’entoure,

40 Traduction libre de l’anglais « is to place hope in the advancement and betterment of human life in

succeeding generations, even in the face of strong evidence of human destructiveness, deprivation, and depravity. »

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c’est-à-dire une histoire de vie où l’individu tente de se définir sous l’angle de la

générativité. C’est ainsi qu’il visualise la place qu’elle prend ou qu’elle prendra dans les

différents aspects de sa vie, et les efforts que cela nécessite. Ce récit de vie peut donc

changer dans le temps puisque l’adulte change et évolue, ce qui peut en retour alimenter

ou modifier l’ensemble des éléments de la chaîne de la générativité (les désirs internes,

les demandes culturelles, les préoccupations génératives, la croyance en l’espèce,

l’engagement génératif et les actions génératives). À l’approche d’une mort imminente,

le récit de vie de l’individu rend compte de l’ensemble de ses créations génératives qui

lui survivront. Comme proposée par McAdams et de St. Aubin (1992), la narration de la

générativité permet d’anticiper une fin de vie heureuse, ayant un sens, et permettant de

nouveaux départs dans la vie de ceux qui suivront.

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