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CHAPITRE 1 : Revue de littérature

1.7 Théories de changements de comportements liés à la santé

1.7.3 Théorie de l’autodétermination

La TAD est une théorie proposée par les auteurs Deci et Ryan et s’intéresse à la qualité de la motivation impliquée dans la régulation d’un comportement ainsi qu’aux conséquences sur l’apprentissage, la performance, l’expérience personnelle et le bien-être qui s’y rattachent (Deci & Ryan, 1985; Ryan & Deci, 2000).

Cette théorie postule qu’un comportement peut être régulé par différentes formes de motivation qui se distinguent par leur niveau d’autodétermination (Deci & Ryan, 1985; Ryan & Deci, 2000). Ces formes de motivation sont regroupées en trois catégories, soit la motivation intrinsèque, la motivation extrinsèque (incluant la régulation externe, introjectée, identifiée et intégrée) et l’amotivation. Plus précisément, la motivation intrinsèque reflète le degré le plus élevé d’autodétermination et se définit par le fait de s’investir dans une activité pour la satisfaction et le plaisir émanant de l’activité elle-même. Par exemple, dans le contexte alimentaire, une personne qui prend plaisir à cuisiner des repas équilibrés fait preuve d’une motivation intrinsèque. La régulation intégrée constitue la forme la plus autodéterminée de la motivation extrinsèque et représente l’assimilation de la régulation aux valeurs personnelles, c’est-à-dire que la régulation est en parfaite congruence avec les besoins et autres valeurs de la personne. Un individu qui choisit de manger sainement parce que cela fait partie intégrante de son style de vie démontre une régulation intégrée. La régulation identifiée reflète la participation à une activité en raison d’une conséquence personnellement significative et importante de la mise en pratique de l’activité, malgré le fait que la personne peut ne pas apprécier l’activité en soi. Par exemple, si une personne considère que de manger sainement est une façon de s’assurer des bienfaits à long terme au plan de la santé, celle-ci fait preuve de régulation identifiée. La régulation introjectée survient quand un comportement est guidé par des pressions internes, afin d’éviter les émotions négatives telles que l’anxiété et le sentiment de culpabilité. On peut reconnaître la régulation introjectée si par exemple une personne se soucie de son alimentation parce qu’elle ne veut pas avoir honte de son apparence. La régulation externe constitue la forme de régulation la moins autodéterminée et qui s’observe lorsqu’un individu effectue une activité dans le but d’obtenir une récompense ou afin d’éviter les

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En plus de s’intéresser aux différentes formes de motivation, la TAD vise à expliquer les processus par lesquels les comportements non motivés de façon intrinsèque peuvent devenir véritablement autodéterminés de même que les façons d’influencer ces processus (Deci & Ryan, 1985; Ryan & Deci, 2000). Selon la TAD, une personne n’a pas à progresser par tous les niveaux d’autodétermination dans son évolution face au changement. Il s’agit plutôt d’un progrès qui tient compte de l’expérience antérieure de la personne et de facteurs environnementaux plus ou moins favorables (Ryan, 1995). Cette théorie soutient qu’une personne peut intérioriser l’importance d’un changement, faisant en sorte qu’un comportement initialement régulé par des motifs externes (régulation externe) peut évoluer vers une régulation plus autodéterminée, à condition que les besoins psychologiques fondamentaux relatifs à l’autonomie, la compétence et au sentiment d’attachement soient satisfaits (Ryan & Deci, 2000). L’autonomie réfère à la perception d’effectuer une action par choix personnel et d’avoir le sentiment d’être l’initiateur de ses actions; la compétence réfère à la perception de se sentir en contrôle de son environnement et capable de prédire les conséquences de ses actions; le sentiment d’attachement réfère au besoin d’entrer en relation avec les autres et de ne pas se sentir en rupture avec les valeurs associées à son milieu social de référence (Ryan & Deci, 2000). En terme de conséquences reliées à la motivation, les comportements motivés de façon autonome sont plus susceptibles de mener à des effets positifs et de se maintenir dans le temps alors que les comportements motivés de façon contrôlée sont plutôt associés à des effets négatifs et tendront à être maintenus aussi longtemps qu’il y aura présence d’incitatifs externes (p.ex., récompenses, pression) (Ryan & Deci, 2000; Silva et al., 2008; Vallerand, 1997). Des travaux menés dans divers contextes de vie soutiennent cette proposition (Vallerand, 1997). En effet, les formes de régulation autodéterminées ont été associées à des effets positifs sur l’apprentissage, l’intérêt, la persévérance, les efforts, la performance, l’estime de soi, la santé et la satisfaction à l’égard de la vie, alors que les formes de régulation non autodéterminées ont plutôt été associées négativement à ces effets (Vallerand, 1997).

Dans ce modèle théorique, on reconnaît également que le contexte social influence de manière importante la satisfaction des besoins psychologiques, et par le fait même la motivation autodéterminée. À ce sujet, la théorie propose que le soutien à l’autonomie

s’avère favorable à la régulation d’un comportement de manière plus autodéterminée (Deci

et al., 1994). Dans le cadre d’une intervention visant un changement de comportement, un

climat d’intervention favorisant le soutien à l’autonomie s’explique par le fait de considérer le point de vue de la personne, de soutenir ses initiatives, d’offrir plusieurs options, de respecter ses choix, de fournir de l’information pertinente, tout en minimisant la pression et le contrôle exercés (Deci & Ryan, 2012).

Bien que la motivation autodéterminée soit abordée dans le contexte de l’alimentation dans le cadre de cette thèse, il importe de mentionner l’existence du modèle hiérarchique de la motivation autodéterminée proposé par Vallerand et al. (Vallerand, 1997; Vallerand & Blanchard, 1998; Vallerand & Ratelle, 2002). Selon ce modèle, les différentes formes de motivation (intrinsèque, extrinsèque et l’amotivation) coexistent à trois niveaux, soit situationnel, contextuel et global, et des interactions entre les différents niveaux motivationnels sont possibles (Vallerand, 1997). On soutient également que la motivation exprimée dans une situation ou dans un contexte donné est plus sujette à changer dans le temps que la motivation globale, qui réfère à l’orientation motivationnelle et qui est assimilable à la personnalité de l’individu. De plus, la motivation évaluée sous un angle contextuel s’avèrerait plus utile afin d’expliquer le changement d’un comportement donné dans un contexte spécifique.

1.7.3.1 Les comportements de santé basés sur la théorie de l’autodétermination

Plusieurs études effectuées dans divers domaines de la santé appuient les fondements de la TAD. De façon générale, ces études démontrent qu’un niveau de motivation autodéterminée élevé et la présence de motivation intrinsèque constituent des prédicteurs du succès relié à l’autorégulation de la pratique d’activité physique (Fortier et al., 2007a), des comportements alimentaires (Mata et al., 2009; Pelletier & Dion, 2007; Pelletier et al., 2004), de la régulation du poids corporel (Teixeira et al., 2006), de l’observance à la médication à long terme (Williams et al., 1998), de l’amélioration du contrôle de la glycémie et du respect des recommandations alimentaires chez les patients diabétiques (Williams et al., 1998) et du maintien de la cessation tabagique (Williams et al., 2002b).

Des données soutiennent l’impact positif de la motivation autodéterminée sur le maintien d’un changement de comportement de santé à long terme (Fortier et al., 2007a; Teixeira et

al., 2006; Williams et al., 1996). À ce propos, certains auteurs indiquent clairement que le

fait de se sentir autonome de ses propres actions, c’est-à-dire d’avoir un sentiment d’être libre de ses actions, s’avère un prédicteur crucial pour le maintien du changement de comportement (Williams et al., 2002b).

La littérature appuie également l’importance d’un climat d’intervention de qualité dans les changements de comportement de santé. Plusieurs études démontrent que la perception du soutien à l’autonomie de la part d’un intervenant prédit la satisfaction des besoins psychologiques fondamentaux (autonomie, compétence et sentiment d’attachement) et favorise la régulation d’un comportement de façon autodéterminée (Deci et al., 1994; Edmunds et al., 2008; Ng et al., 2012; Silva et al., 2010; Williams et al., 2002a). De plus, la satisfaction de ces besoins et la motivation autodéterminée auraient des effets favorables sur le bien-être, notamment une meilleure santé mentale et des comportements de santé plus sains (Ng et al., 2012).

Enfin, la promotion de la motivation autonome envers un comportement de santé donné pourrait avoir des effets favorables dans la régulation d’autres comportements de santé, et ainsi avoir des effets synergiques sur la santé des individus (Dunn et al., 2006; Jakicic et

al., 2002). Les résultats d’une étude de Mata et al. supportent ces propos et indiquent que la

motivation autonome envers la pratique d’activité physique contribue en partie à l’amélioration de la régulation du comportement alimentaire (Mata et al., 2009).

1.7.3.2 La motivation autodéterminée à l’égard de l’alimentation

La TAD permet également de mieux comprendre les processus de régulation du comportement alimentaire. À ce jour, peu d’études ont toutefois considéré la motivation autodéterminée spécifique au contexte de l’alimentation. Des données indiquent d’une part que les personnes qui présentent une motivation autodéterminée dans la vie en général

tendent davantage à réguler leurs comportements alimentaires de façon autodéterminée, et d’autre part, qu’une régulation autodéterminée à l’égard de l’alimentation est associée à des habitudes et comportements alimentaires sains (Fuemmeler et al., 2006; Pelletier & Dion, 2007; Pelletier et al., 2004).

Selon une étude de Pelletier et al. menée auprès d’étudiantes universitaires, les femmes qui présentent une régulation autodéterminée à l’égard de leur alimentation sont plus susceptibles d’avoir des apports alimentaires concordants avec les recommandations du Guide alimentaire canadien, c’est-à-dire de consommer des légumes, des fruits et des produits céréaliers, d’avoir des apports modérés en lipides totaux, en acides gras saturés et en cholestérol, et de limiter leur consommation de croustilles, de chocolat, d’aliments frits et de sucre raffiné, et ce comparativement aux femmes présentant une régulation non autodéterminée (Pelletier et al., 2004). Par ailleurs, les auteurs rapportent que les femmes ayant une régulation autonome à l’égard de leur alimentation se soucient principalement de la qualité des aliments consommés alors que les femmes affichant plutôt une régulation contrôlée se préoccuperont davantage de la quantité de nourriture consommée. Leurs résultats montrent également que les femmes qui présentent une motivation autonome ont des comportements alimentaires plus sains et un bien-être psychologique accru (Pelletier et

al., 2004). Au contraire, celles qui présentent une régulation contrôlée semblent avoir une

alimentation moins saine, des comportements alimentaires plus dysfonctionnels (symptômes boulimiques) et sont plus susceptibles de présenter une détresse psychologique.

Ces mêmes auteurs ont effectué une étude longitudinale visant à tester l’impact de la motivation autodéterminée sur l’amélioration des habitudes alimentaires auprès de personnes à risque de MCV (Pelletier et al., 2004). Leurs résultats indiquent que les personnes qui présentaient une motivation autodéterminée à l’égard de l’alimentation diminuaient davantage le pourcentage de calories consommées provenant des lipides totaux et des gras saturés, menant ainsi à des effets favorables sur la santé cardiovasculaire, plus spécifiquement à une diminution du poids corporel et une amélioration du profil lipidique, en réponse à une intervention menée sur une période de 26 semaines. Cette étude démontre

que les personnes ayant une régulation autodéterminée à l’égard de l’alimentation font preuve d’efforts plus soutenus afin d’obtenir des effets favorables sur leur santé à long terme.

Une étude épidémiologique de Leong et al. réalisée auprès de femmes de la Nouvelle- Zélande a testé l’effet médiateur potentiel des habitudes et comportements alimentaires dans la relation entre de la motivation autodéterminée et l’IMC (Leong et al., 2012). Leurs résultats ont d’abord permis de démontrer qu’une motivation autonome était associée positivement à des habitudes et comportements alimentaires sains (p.ex., consommation plus élevée de légumes et de fruits) et était associée négativement aux comportements alimentaires moins sains (p.ex., consommation plus faible de chocolat, biscuits, gâteaux, hamburgers et croustilles et risque plus faible d’hyperphagie boulimique). À l’inverse, la motivation contrôlée était associée négativement aux comportements alimentaires sains et était associée positivement à certains comportements alimentaires moins sains. Par ailleurs, la motivation autonome était associée à un IMC plus faible alors que la motivation contrôlée était associée à un IMC plus élevé. Les auteurs de cette étude ont finalement démontré que les habitudes et comportements alimentaires des femmes exerçaient un effet médiateur partiel dans la relation entre la motivation autonome et l’IMC de même que dans la relation entre la motivation contrôlée et l’IMC.

De façon sommaire, ces études démontrent qu’un comportement régulé via la motivation autodéterminée spécifique à l’alimentation peut avoir un impact positif sur la santé, plus particulièrement en favorisant une alimentation saine (Verstuyf et al., 2012) et le maintien de ces habitudes alimentaires à long terme (Pelletier et al., 2004).

1.7.3.3 Différences entre les hommes et les femmes quant à la motivation autodéterminée Certaines différences ont été rapportées entre les hommes et les femmes en lien avec la régulation de la motivation autodéterminée. Des études menées dans divers domaines tels que la santé, les relations interpersonnelles et le milieu académique démontrent en général

un niveau de motivation autodéterminée plus élevé chez les femmes que chez les hommes (Vallerand & Bissonnette, 1992; Vallerand et al., 1997; Vallerand & O'Connor, 1989). Dans le domaine des comportements de santé, une récente étude ayant évalué la motivation autodéterminée d’hommes et de femmes à l’égard d’un poids santé, c’est-à-dire leurs raisons de viser l’atteinte d’un poids santé, rapporte des niveaux de motivation autodéterminée et de régulation introjectée plus élevés chez les femmes que chez les hommes (Hartmann et al., 2015). Les individus amotivés quant au fait de fournir des efforts pour tendre vers ou maintenir un poids santé étaient exclus de l’étude et principalement représentés par des hommes (67,3%). Les résultats de cette étude ont montré que la régulation autodéterminée prédisait l’amélioration de la qualité de l’alimentation un an plus tard à la fois chez les hommes (par une consommation plus faible de viande) et chez les femmes (par une consommation plus élevée de légumes).

En ce qui a trait à la motivation spécifique au contexte alimentaire, les résultats d’une récente étude menée auprès de jeunes adultes suggèrent que la régulation du comportement alimentaire via une motivation autonome favorise un profil anthropométrique sain chez les femmes, mais non chez les hommes (Gropper et al., 2014). Plus spécifiquement, les résultats démontrent que les femmes présentant une motivation autodéterminée à l’égard de leur alimentation ont un IMC et un pourcentage de tissu adipeux plus faibles. Chez les hommes, seulement certaines formes de régulation contrôlée étaient associées au profil anthropométrique. Plus spécifiquement, la régulation introjectée et l’amotivation étaient respectivement associées à un IMC et à un pourcentage de tissu adipeux plus élevés chez les hommes. Bien que ces résultats suggèrent un patron d’associations distinct entre les variables motivationnelles spécifiques au contexte alimentaire et le profil anthropométrique selon le genre, ces différences demeurent peu discutées par les auteurs.

En définitive, on constate qu’il y a actuellement peu de littérature portant sur la motivation autodéterminée spécifique au contexte de l’alimentation, et qu’une seule étude semble avoir considéré les hommes et les femmes distinctement. Par ailleurs, aucune étude n’a mis en

relation la motivation autodéterminée à l’égard de l’alimentation et la qualité de l’alimentation selon le genre.