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Théorie de la fonctionnelle de la densité

3.2 Méthodes quantiques

3.2.3 Théorie de la fonctionnelle de la densité

Principe

Les méthodes décrites ci-dessus reposent toutes sur la minimisation de l’énergie E[Ψ] qui dépend d’une fonction d’onde polyélectronique Ψ. Nous avons vu que toute la dif- ficulté de ces méthodes consistait à trouver des formes approchées de cette fonction d’onde permettant de réaliser des calculs à la fois précis et de coût numérique limité. Cependant, ce dernier reste dans de nombreux cas toujours rédhibitoire, que cela soit par manque de moyens de calcul ou par volonté de simuler des systèmes de trop grande taille. Il existe deux approches permettant de simplifier les calculs, d’une part le recours aux méthodes semi-empiriques qui ont déjà été évoquées précédemment, et d’autre part l’utilisation d’une méthode appelée density functional theory (DFT),[162]basée sur la densité

électronique ρ.

L’intérêt de remplacer la fonction d’onde par la densité est tout de suite évident, puisque l’on passe d’un problème à 3N degrés de liberté spatiaux à seulement 3. Le point

Chapitre 3 Méthodes de simulation moléculaire

remarquable de cette astuce est qu’elle se base sur une théorie mathématiquement exacte. En effet, les deux théorèmes de Hohenberg-Kohn[163]stipulent d’une part que le potentiel

extérieur VHF(~r) de la méthode HF est déterminé uniquement par la densité électronique

ρ, et d’autre part que l’on peut construire un principe variationnel pour la fonctionnelle E[ρ] de la même manière que pour E[Ψ].

Dans la pratique cependant, la détermination directe de l’énergie DFT en fonction de la densité électronique est impossible. Il est donc nécessaire de recourir à des fonctionnelles énergie empiriques qui in fine limitent fortement la précision des calculs réalisés avec un tel schéma, dit orbital-free. La théorie de Kohn-Sham[164]vient apporter une solution pratique

à ce problème en séparant l’énergie en deux termes, un premier correspondant à un système où les électrons n’interagissent pas entre eux, et une correction appelée énergie d’échange-corrélation Exc. L’intérêt d’une telle séparation vient du fait que le premier

terme, majoritaire, peut être déterminé exactement. Seule la fonctionnelle d’échange- corrélation nécessite donc l’introduction d’un modèle, ce qui rend cette approche de la DFT beaucoup plus précise. L’inconvénient est que cela nécessite la réintroduction des orbitales, et donc des 3N degrés de liberté spatiaux. À noter que l’introduction de ces fonc- tionnelles analytiques rend la DFT non variationnelle, c’est-à-dire qu’elle converge vers une valeur qui peut être inférieure à la limite HF. Si cela permet de rendre compte d’une partie de l’énergie de corrélation laissée de côté par le schéma Hartree-Fock traditionnel, l’inconvénient est que la valeur de la limite DFT ne peut pas a priori être située par rapport à l’énergie exacte E0et dépend fortement de la fonctionnelle d’échange-corrélation choisie.

Quant au spin, il est traité de manière analogue à la méthode HF qui du point de vue algorithmique est proche de la DFT Kohn-Sham. Ainsi, on peut définir des schémas restricted DFTet unrestricted DFT afin de traiter les systèmes à couches ouvertes et à couches fermées.[165] Il est à noter que dans le cas de calculs non restreints, la contamination de

spin s’avère moins importante en DFT que pour la méthode HF.

Fonctionnelles d’échange-corrélation

Le schéma Kohn-Sham de la DFT nécessite donc la définition d’une fonctionnelle d’échange-corrélation Exc[ρ]. Cette dernière ne disposant d’aucune expression théorique,

de nombreux modèles ont vu le jour au fil des années afin d’en donner une forme appro- chée capable de reproduire au mieux certains résultats, qu’ils soient issus d’expériences ou de calculs de plus haut niveau utilisant le schéma HF et post HF.

La première famille de fonctionnelles est la LDA,[166]ou local density approximation, qui

3.2 Méthodes quantiques

à être surestimées. La famille GGA, ou generalized gradient approximation, en constitue une amélioration par la prise en compte du gradient de la densité électronique ∇ρ dans un terme correctif ajouté à l’énergie LDA. La fonctionnelle PBE,[167,168] pour Perdew-Burke-

Ernzerhof, en est le représentant le plus populaire grâce à ses bons résultats pour une large gamme de systèmes et à sa construction qui ne fait pas intervenir de paramétrisation empirique. Ces deux types de fonctionnelles ont la particularité d’être entièrement locales et de comporter des erreurs de self-interaction de l’électron avec lui-même.

Afin de pallier ces déficiences, il a été proposé d’ajouter une dose de non-localité aux fonctionnelles GGA via l’introduction d’une fraction d’énergie d’échange exacte tirée de la méthode HF.[169] Ces fonctionnelles hybrides sont devenues très courantes,

particulièrement en chimie théorique grâce à leurs meilleurs résultats dans le calcul de certaines propriétés chimiques. La fraction d’énergie d’échange exacte introduite est très souvent déterminée par un ajustement empirique effectué afin d’améliorer la précision sur une gamme de propriétés et de systèmes spécifiques. En ce sens, leur origine est semi-empirique. Pour donner un exemple, la fonctionnelle B3LYP,[169–171] une des plus

populaires en particulier grâce à ses bons résultats en chimie organique, se construit grâce à la formule :

EB3LYPxc  aEHFx + (1 − a)ELSDAx + b∆EB88x + cELYPc + (1 − c)EcLSDA (3.23)

où LSDA désigne une fonctionnelle de type LDA, LYP de type GGA et ∆EB88

x une correction

de type GGA appliquée à l’énergie d’échange. Les paramètres qui régissent ce mélange valent généralement a  0,2, b  0,72 et c  0,81. La fonctionnelle PBE0 est quant à elle une version hybride de la fonctionnelle PBE possédant 25 % d’échange exact, fraction déterminée par des arguments non empiriques. Plus récemment, une nouvelle génération de fonctionnelles hybrides performantes sur une vaste gamme de systèmes a vu le jour, telles que M06-2X[172]etωB97X.[173]

Enfin, il est à noter que toutes ces fonctionnelles représentent très mal les forces de dispersion du fait de leur caractère essentiellement local. Dans les systèmes multimo- léculaires de grande taille, ces forces sont potentiellement importantes et limitent alors l’employabilité de la DFT. Néanmoins, il existe plusieurs méthodes permettant d’inclure une description des forces de dispersion dans l’approche DFT.[174] Parmi celles-ci, la

méthode de Grimme[175](DFT-D2) est la plus simple et consiste à ajouter un terme correctif

paramétré en r−6. La technique vdW-DF,[176]plus avancée, consiste quant à elle à intégrer

un calcul approché des forces de dispersion directement au sein de la partie corrélation de la fonctionnelle.

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