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L’étude de la structure des agrégats acide–eau présentée précédemment peut être complétée par un autre type d’analyses, portant cette fois sur l’aspect dynamique. En effet, ce dernier point a été laissé de côté dans les analyses précédentes alors que, si les propriétés structurelles ont de fortes implications atmosphériques, comme nous avons pu le voir, il existe aussi des questionnements quant à l’impact de la viscosité des aérosols organiques, en particulier sur la condensation de molécules d’eau.

Afin de caractériser la phase dynamique de nos modèles d’aérosols, nous calculons les fonctions d’autocorrélation orientationnelle des différentes espèces chimiques. Cet outil permet de caractériser l’évolution au cours du temps de la mémoire de l’orientation initiale d’une molécule donnée. Dans nos calculs, nous définissons cette orientation par un vecteur ~n reliant deux atomes d’hydrogène situés aux extrémités de la molécule, afin de prendre en compte le plus de degrés de liberté possibles et en particulier ceux correspondant aux déformations internes. La fonction d’autocorrélation orientationnelle

4.5 Dynamique interne des agrégats

CX(τ) correspondant à l’espèce X est ensuite calculée grâce à la formule :

CX(τ) N1 X NX X i1 ~n i(t) · ~ni(t+ τ) t (4.3)

où la notation h. . .itreprésente une moyenne glissante sur tous les temps t de la trajectoire

allant de 0 à tf− τ, où tfest la durée totale de la simulation, ce qui assure une bonne statis-

tique sur le résultat. La valeur de CX(τ) peut aller de−1 (anticorrélation) à 1 (corrélation)

en passant par 0 (décorrélation).

L’application de ce calcul sur les données extraites des simulations présentées pré- cédemment ne donne malheureusement pas de résultats exploitables. En effet, si l’algo- rithme de MD utilisé recentre périodiquement l’agrégat dans la boîte lors de la simulation, afin d’éviter un mouvement translationnel d’ensemble, rien n’empêche l’agrégat de pré- senter un mouvement de rotation global. Celui-ci ne pose aucun problème pour le calcul de données structurelles, tant qu’il reste insuffisant pour induire une déformation prononcée de l’agrégat, pouvant mener dans le pire des cas à sa dislocation sous l’effet de la force centrifuge (point sur lequel nous avons été extrêmement attentif). Mais pour des calculs mettant en jeu la dynamique orientationnelle des molécules, il est important de supprimer toute rotation d’ensemble de l’agrégat qui viendrait polluer les fonctions d’autocorrélation orientationnelles. Nous avons donc relancé quelques simulations de production avec un algorithme permettant de supprimer périodiquement la rotation de l’agrégat autour de son centre de masse. Comme il est indiqué dans les forums de discussions et manuels d’utilisation de GROMACS que cet algorithme peut néanmoins mener à des artefacts lorsqu’il est utilisé conjointement à des conditions aux bords périodiques (dans le cas où l’agrégat franchit les bords de la boîte), toutes les analyses structurelles ont été répétées pour ces nouvelles simulations afin de quantifier l’éventuel impact de ces changements de méthode sur les résultats. Comme il s’est avéré que cet impact n’était que très mineur, ceci nous a permis de réaliser l’étude dynamique par le calcul des fonctions d’autocorrélation décrites par la formule 4.3. Les résultats sont présentés sur la figure 4.17.

L’analyse de ces courbes nous montre l’influence de la température sur les propriétés dynamiques des agrégats. À basse température, ici 150 K, les fonctions d’autocorrélation orientationnelle sont caractérisées par une rapide décroissance suivie d’une stabilisation à des valeurs élevées, de l’ordre de 0,8–0,9. Ce comportement est caractéristique d’un système à la dynamique « gelée », où la mémoire de l’orientation initiale des molécules est conservée sur de longues durées. La décroissance initiale abrupte se déroule quant à elle sur les deux ou trois premières picosecondes de la trajectoire, tel que l’on peut le voir en zoomant sur les courbes, et correspond donc à des mouvements de haute fréquence de

Chapitre 4 Simulation d’aérosols organiques en interaction avec des molécules d’eau 0 400 800 1200 1600 2000 τ (ps) 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 C ace 0:1 water-acid ratio; 150 K 0:1 water-acid ratio; 275 K 2:1 water-acid ratio; 150 K 2:1 water-acid ratio; 200 K 2:1 water-acid ratio; 275 K 8:1 water-acid ratio; 150 K 8:1 water-acid ratio; 200 K 8:1 water-acid ratio; 275 K

(a)Acide acétique.

0 400 800 1200 1600 2000 τ (ps) 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 C for 0:1 water-acid ratio; 150 K 0:1 water-acid ratio; 275 K 2:1 water-acid ratio; 150 K 2:1 water-acid ratio; 200 K 2:1 water-acid ratio; 275 K 8:1 water-acid ratio; 150 K 8:1 water-acid ratio; 200 K 8:1 water-acid ratio; 275 K (b)Acide formique. 0 400 800 1200 1600 2000 τ (ps) 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 C w 2:1 water-acid ratio; 150 K 2:1 water-acid ratio; 200 K 2:1 water-acid ratio; 275 K 8:1 water-acid ratio; 150 K 8:1 water-acid ratio; 200 K 8:1 water-acid ratio; 275 K (c)Eau.

Figure 4.17 –Fonctions d’autocorrélation orientationnelle pour les trois molécules com-

posant les agrégats mixtes d’acides formique et acétique, à trois températures et trois ratios eau–acide différents, identifiés respectivement par le style du tracé et la couleur.

4.5 Dynamique interne des agrégats

type librations moléculaires. À une température intermédiaire, ici 200 K, la décroissance se fait avec deux temps caractéristiques différents, un court, déjà remarqué à plus basse température, et un long. La corrélation se stabilise cette fois-ci à des valeurs beaucoup plus basses, de l’ordre de 0,1–0,5. Ce comportement est typique d’un système plus ou moins visqueux, où la dynamique aux temps longs est lente mais pas totalement figée. Enfin, à haute température, ici 275 K, la décroissance initiale est très forte et la corrélation tend vers 0–0,2 en moins de 50 ps. Ceci indique une dynamique relativement libre, typique d’un comportement liquide. Afin de ne pas surcharger la figure 4.17, les courbes correspondant aux trois autres températures, et calculées pour le système de ratio eau–acide 2:1, n’ont pas été présentées. Il s’avère dans ce cas que le comportement dynamique est celui d’un solide « gelé » à 175 K, d’un solide visqueux à 225 K et d’un liquide à 250 K.

Nous pouvons aussi voir sur les courbes une influence du taux d’humidité. En ef- fet, la dynamique est globalement plus visqueuse en présence de plus fortes quantités d’eau. Ceci est obtenu pour l’acide acétique à toutes températures, ainsi que pour l’acide formique et l’eau à températures intermédiaires. Ce comportement, qui demande des investigations supplémentaires, est sans doute le résultat des fortes interactions eau–acide que l’on a pu observer dans ces systèmes.

En miroir de ce qui a été fait précédemment à propos des changements structurels des agrégats, il est intéressant de comparer la dynamique des systèmes mixtes d’acides formique et acétique avec celles des agrégats d’acide formique seul et d’acide acétique seul. Des calculs sont donc relancés, correspondant à un ratio eau–acide intermédiaire, 2:1 ou 4:1 selon les cas, et trois valeurs de température. Les paramètres de simulation sont repris des calculs plus récents afin que l’on puisse plus facilement comparer les différents systèmes, malgré l’usage notable d’un autre modèle de l’eau dans les calculs plus récents. Les résultats sont présentés sur la figure 4.18. Une analyse rapide montre bien la présence des trois phases solide, visqueuse et liquide aux mêmes températures, à 150 K, 200 K et 250 K, à ceci près que la phase solide est beaucoup moins marquée que sur la figure 4.17. Globalement, on observe tout de même un comportement un peu moins visqueux, sauf pour l’eau aux températures intermédiaires. Sur ces détails, il est cependant impossible à ce stade de départager avec certitude ce qui provient de l’effet du mélange et ce qui est lié aux différents modèles d’eau utilisés.

Comme nous l’avons vu, la dynamique des agrégats simulés dans notre étude se caractérise par une décroissance exponentielle double, car possédant deux temps ca- ractéristiques bien distincts. Une analyse plus quantitative des résultats peut donc être menée en effectuant un ajustement de ces courbes à l’aide d’une fonction de forme bi- exponentielle. Cette dernière, inspirée de travaux récents portant sur la dynamique de

Chapitre 4 Simulation d’aérosols organiques en interaction avec des molécules d’eau 0 400 800 1200 1600 2000 τ (ps) 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 C ace , C w ace 150 K ace 200 K ace 250 K w 150 K w 200 K w 250 K

(a)Agrégat d’eau et d’acide acétique en ratio 4:1.

0 400 800 1200 1600 2000 τ (ps) 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 C for , C w for 150 K for 200 K for 250 K w 150 K w 200 K w 250 K

(b)Agrégat d’eau et d’acide formique en ratio 2:1.

Figure 4.18 –Fonctions d’autocorrélation orientationnelle pour des agrégats non mixtes

d’acide formique ou acétique. Les trois valeurs de température sont différenciées par le style du tracé, les espèces chimiques analysées par la couleur.