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3.2 Méthodes quantiques

3.2.2 Méthode Hartree-Fock

Principe

L’approximation Hartree-Fock (HF), qui est à la base d’une grande part des calculs de chimie quantique encore réalisés de nos jours, entre ici en jeu. Elle fait le choix de fonctions d’onde de la forme :

ΨHF √1

N!det[ψ1, ψ2, . . . , ψN] (3.18) appelées déterminants de Slater, produits anti-symétrisés de N fonctions d’onde mono- électroniques orthonormées ψi(~ri,si), elles mêmes constituées du produit d’une orbitale

spatiale φi(~ri) et d’une fonction de spin σ(si). Cette expression monodéterminentale,

bien qu’approchée, obéit par construction au principe de Pauli auquel doit satisfaire une fonction polyélectronique. En effet, tout échange électronique binaire entraîne un changement de signe de ΨHF.

La méthode Hartree-Fock consiste donc à rechercher les fonctions spatiales φi(~ri) qui permettent de trouver le déterminant de Slater minimisant l’énergie du système polyélectronique. Cette minimisation tend vers la limite Hartree-Fock EHF, qui d’après

l’équation 3.16 est supérieure à l’énergie de l’état fondamental E0. En découle alors les

équations de Hartree-Fock auxquelles doivent obéir les fonctions ψi :

ˆFiψi  εiψi (3.19)

où les εisont les valeurs propres des opérateurs de Fock ˆFi, jouant le rôle de hamiltoniens

monoélectroniques effectifs et s’écrivant :

ˆFi  − ~ 2 2me∇ 2 i − Nα X α1 Zαq2e riα + V i HF(~ri) (3.20) avec Vi

HF(~ri)le potentiel dit de Hartree-Fock, qui correspond au champ moyen ressenti par

l’électron i et provenant des N − 1 autres électrons du système. À noter que si les valeurs propres εi de l’opérateur de Fock ˆFi peuvent être interprétées physiquement comme les

énergies de chaque orbitale, leur somme ne donne pas directement l’énergie de Hartree- Fock du système polyélectronique, la répulsion électronique totale étant comptée deux

3.2 Méthodes quantiques

Les opérateurs ˆFi dépendant des fonctions d’onde ψi des N électrons du système à

travers la détermination du champ moyen Vi

HF(~ri), la méthode Hartree-Fock nécessite

donc une résolution itérative. Concrètement, des fonctions d’essai sont générées au début du calcul, utilisées pour déterminer le potentiel de Hartree-Fock, et itérativement ajustées jusqu’à la convergence vers la limite EHF. Cette procédure est donc qualifiée de self- consistent field(SCF).

Dans la pratique, la méthode HF originelle n’est guère utilisée telle quelle à cause du coût numérique important résultant de l’évaluation de chaque orbitale sur tous les points de l’espace. On utilise alors une méthode dérivée proposée par Roothaan,[152]qui consiste

à décomposer chaque fonction d’onde sur une base préalablement définie :

ψi  Nb

X

p1

cipχp (3.21)

où les χp sont les fonctions de la base, Nb la taille de cette base et cip les cœfficients

permettant d’ajuster la décomposition. Nous reviendrons plus loin sur le choix de ces bases de fonctions.

À ce stade, une grande part du coût numérique restant se situe dans l’évaluation des intégrales permettant la construction du hamiltonien de Fock de l’équation 3.20. Ce calcul peut être grandement allégé en ayant recours, du moins partiellement, à une paramétri- sation empirique de manière à reproduire des résultats expérimentaux. À ces techniques dites semi-empiriques, dont il existe une grande diversité (MNDO,[153]AM1,[154]PM3,[155]

etc.), on oppose l’approche ab initio qui consiste à effectuer un calcul analytique rigoureux de ces quantités.

La méthode Hartree-Fock-Roothaan constitue ainsi une méthode puissante permettant de trouver, avec une précision acceptable si la base est suffisamment grande, la limite Hartree-Fock EHF. Cependant, cette dernière est elle-même, comme nous l’avons vu pré-

cédemment, une limite supérieure de la vraie valeur de l’énergie de l’état fondamental qui peut être exprimée comme suit :

E0 EHF+ Ecorr+ Erel (3.22)

où Ecorr et Erelsont deux termes correctifs négatifs. Le premier correspond à une partie

de la corrélation électronique, c’est-à-dire de l’interaction entre les électrons du système, et émerge de l’approximation Hartree-Fock qui représente la véritable fonction d’onde du système électronique sous la forme d’un unique déterminant de Slater. Le second quant à lui provient du fait que le hamiltonien non relativiste ˆH de l’équation 3.15 est

Chapitre 3 Méthodes de simulation moléculaire

E N

b

EHF

E0

Ecorr Ecorr+ Erel

E(Nb)

Figure 3.3 – Schéma des approximations successives de la méthode Hartree-Fock sur

les énergies électroniques, avec EHF la limite HF, Ecorr l’énergie de corrélation, Erel la

correction relativiste, E0 l’énergie de l’état fondamental et E(Nb)la valeur obtenue par

itérations successives de la méthode Hartree-Fock-Roothaan avec une base de fonctions de taille Nb. À noter que les valeurs des énergies Ecorr et Erel ont été volontairement

surestimées afin que le schéma soit plus lisible. Figure inspirée d’un cours de J.-C. Rayez.

une approximation du hamiltonien exact. Si cette correction relativiste est largement négligeable, ce n’est pas le cas pour l’énergie de corrélation qui représente environ 1 % de l’énergie électronique totale, soit des valeurs supérieures aux énergies en jeu dans les processus chimiques. Fort heureusement, cette erreur tend à rester relativement constante d’un système à l’autre, ce qui limite son impact sur les résultats finals et donne la possibilité d’utiliser la méthode HF en chimie théorique.

Afin de dépasser la limite HF et ainsi gagner en justesse, plusieurs méthodes ont été mises au point, que l’on qualifie alors de techniques post Hartree-Fock. Parmi elles, les méthodes de configuration interaction[156] (CI) et de coupled cluster[157] (CC) se basent sur

des fonctions d’onde polyélectroniques formées à partir de combinaisons linéaires d’un nombre important de déterminants de Slater. Mentionnons aussi, en plus de ces méthodes variationnelles, une approche perturbative à N corps appelée méthode Møller-Plesset[158]

(MP). Le surcroît de précision offert par ces techniques avancées se paie naturellement au prix d’une forte augmentation du coût en ressources de calcul.

Traitement du spin

La méthode exposée ci-dessus peut être déclinée de différentes manières en ce qui concerne le traitement du spin. De nombreux systèmes moléculaires ayant la particularité d’être à couches fermées, c’est-à-dire possédant un nombre pair d’électrons tous appariés, il est possible de construire un schéma dit restricted Hartree-Fock (RHF), où toutes les orbitales spatiales sont doublement occupées. Ainsi, deux fonctions d’onde ψ et ψ sont

3.2 Méthodes quantiques

à une fonction de spin α et β, correspondant à un haut spin (ms  12) et à un bas spin

(ms  −12). Il est à noter que les fonctions d’onde polyélectroniques obtenues avec ce

schéma sont états propres de l’opérateur ˆS2avec la valeur propre ~2S(S+ 1), où S est le

spin total du système.

Cette restriction empêche évidemment le traitement de systèmes à couches ouvertes, où tous les électrons ne sont pas appariés. Dans ce cas, on peut représenter chaque électron indépendamment en permettant aux fonctions d’onde ψαet ψβd’avoir leur propre partie

spatiale φαet φβ. Ce schéma, dit unrestricted Hartree-Fock (UHF),[159,160]est plus gourmand

en ressources de calcul que le schéma RHF suite au doublement du nombre d’orbitales spatiales, et a l’inconvénient supplémentaire de donner des fonctions d’onde Ψ qui ne sont pas des états propres de l’opérateur ˆS2. Ainsi, plus la valeur de h ˆS2i s’éloigne des valeurs

propres des états de multiplicité de spin singulet (S  0), doublet (S  1

2), triplet (S  1),

etc., plus la fonction d’onde UHF est contaminée par des états de spin de multiplicité supérieure. Cette contamination de spin conduit par ailleurs à un abaissement artificiel des énergies calculées.

Afin de contourner le problème, le schéma restricted open-shell Hartree-Fock (ROHF) a été mis au point.[161]Il consiste à utiliser des orbitales spatiales doublement occupées partout

sauf pour les électrons non appariés. Plus complexe du point de vue algorithmique, cette méthode est moins populaire que le schéma UHF.