X
et Γ-dimension
On va dans cette section donner une nouvelle illustration d’un principe
gé-néral de la théorie de la classification des variétés kählériennes compactes : les
propriétés de positivité (ou de négativité) du fibré cotangentΩ
1X
influencent la
géométrie de la variétéX. En l’occurence, cette influence se manifeste à travers
la "taille" du groupe fondamental.
4.2.1 Un exemple : la simple connexité des variétés de
Fano
Les techniquesL
2permettent d’obtenir très rapidement une démonstration
du fait bien connu suivant :
Fait :les variétés de Fano sont simplement connexes.
Démonstration :
Soit donc une variété de Fano (−K
Xest un fibré ample). La remarque
sui-vante (due à S. Kobayashi) montre que toute la difficulté est de savoir que le
groupe fondamental deXest fini. En effet, si on sait cela, le revêtement universel
e
X deX est alors une variété compacte qui est donc encore Fano. Le théorème
d’annulation de Kodaira appliqué à−K
Xet −K
Xemontre que :
χ(X,e O
Xe) =χ(X,OX) = 1.
Or, siddésigne le degré du revêtementXe −→X, on a également :
χ(X,e O
Xe) =dχ(X,OX).
On en déduit donc que d= 1, ce qui est équivalent à la simple connexité deX.
Comme les théorèmes d’annulation classiques sur X ont (avec les mêmes
démonstrations) leurs analogues L
2sur Xe (voir par exemple [CD01, th. 4.3,
p.276]), on a donc :
Le théorème de l’indiceL
2d’Atiyah (dont on pourra trouver les grandes lignes
de la démonstration dans l’annexe C) se résume alors à :
h
0(X,OX) =χ(X,OX) =χ
(2)(X,e O
Xe) =h
0(2)(X,e O
Xe).
En particulier, on a donc :
h
0(2)
(X,e O
Xe) = 1.
Le lemme suivant montre queXe est en fait compact (le groupe fondamental de
X est donc fini) :
Lemme 4.2.1
SiXe est non-compacte, alorsh
0(2)
(X,e O
Xe) = 0.
Démonstration :
Par sous-harmonicité, une fonction holomorpheL
2tend vers 0 à l’infini ; le
principe du maximum montre qu’elle est alors constante et donc nulle. ¤
¤
Remarque 4.2.1
Cette démonstration a le mérite d’éviter tout recours non seulement au difficile
théorème de Yau
1mais également à l’existence de courbes rationnelles sur les
variétés de Fano (reposant sur des arguments de caractéristique p >0).
1. La solution de la conjecture de Calabi-Yau montre en particulier que les
variétés de Fano sont exactement les variétés (kählériennes) à courbure de
Ricci positive. Une fois ceci établi, le théorème de Myers montre que le
groupe fondamental deX est fini.
2. La connexité rationnelle des variétés de Fano est établie conjointement
dans [Cam92] et [KMM92]. Un argument de géométrie analytique
(repo-sant sur l’existence de l’espace des cycles) montre ensuite que les variétés
rationnellement connexes sont simplement connexes (voir [Cam91b]).
Ces arguments sont donc remplacés ci-dessus par le théorème de l’indiceL
2.
Remarque 4.2.2
Hormis le théorème de l’indice L
2, l’ingrédient essentiel de la démonstration
ci-dessus est le théorème d’annulation de Kodaira. En remplaçant celui-ci par
le théorème de Kawamata-Viehweg, S. Takayama a montré la simple connexité
pour une classe de variétés un peu plus large :
Théorème 4.2.1 ([Tak00])
SiX est une variété projective (non nécessairement lisse) munie d’unQ-diviseur
∆ tel que :
(i) la paire(X,∆)est Kawamata-log-terminale
2,
(ii) −(K
X+ ∆) est nefet big,
alorsX est simplement connexe.
4.2.2 Théorème de comparaison
La démarche ci-dessus se généralise pour obtenir le théorème de comparaison
qui établit un lien entre la positivité du fibré cotangentΩ
1X
d’une variétéXet sa
Γ-dimensionγd(X). L’énoncé de ce résultat requiert néanmoins l’introduction
d’un nouvel invariant numérique (birationnel) :
Si F ⊂ Ω
pXest sous-faisceau cohérent de rang r, la saturation de Λ
rF dans
Λ
rΩ
pXest alors un fibré en droite noté Det(F)(pour plus de détails, on pourra
consulter le chapitre 5, paragraphe 6 de [Kob87]).
Définition 4.2.1
On définit :
κ
+(X) =max¡κ(X,Det(F))¢
où le maximum est étendu aux sous-faisceaux cohérents F deΩ
pX, l’exposant p
vérifiant 1≤p≤dim(X).
Le théorème de comparaison [Cam95a, th. 4.1] peut maintenant s’énoncer de la
façon suivante :
Théorème 4.2.2 ([Cam95a])
SoitX une variété kählérienne compacte.
(i) Siκ
+(X) =−∞, alors X est simplement connexe ; en particulier :
γd(X) = 0.
(ii) Siκ
+(X)≥0et si χ(OX)6= 0, alors on a l’inégalité :
κ
+(X)≥γd(X).
Cet énoncé montre que laΓ-dimension se comporte un peu à la manière d’une
dimension de Kodaira ; ceci explique la terminologie suivante :
Définition 4.2.2
Une variétéX de dimension (strictement) positive vérifiantγd(X) = dim(X)
est dite de typeπ
1-général. Mentionnons également que J. Kollár a introduit uneterminologie différente dans [Kol93b] : une variété vérifiant γd(X) = dim(X)
est dite à groupe fondamental génériquement large.
Concernant le théorème 4.2.2, plusieurs remarques s’imposent :
(i)On dispose des inégalités suivantes :
dim(X)≥a(X)≥κ
+(X)≥κ(X).
Si maintenantX est une variété de typeπ
1-général vérifiant de plusχ(OX)6= 0,
le théorème 4.2.2 fournit :
dim(X)≥a(X)≥κ
+(X)≥γd(X) = dim(X).
Dans cette situation, on a ainsia(X) = dim(X)etX est une variété de
Moishe-zon ; commeX est également kählérienne,X est nécessairement projective (par
un théorème dû à B. Moishezon). Ce résultat spectaculaire, dû à M. Gromov
[Gro91, cor. 3.2.C’, p. 288], a inspiré le théorème 4.2.2 ainsi que la construction
de laΓ-réduction.
(ii) La condition χ(OX) 6= 0 ne peut en aucun cas être omise comme le
montre l’exemple des tores : pour un tore, on aγd(X) = dim(X)etκ
+(X) = 0.
De même, l’invariant κ
+(X)invite à la discussion suivante :
(iii)Considérons l’énoncé suivant (conjecture émise dans [Cam95a]) :
κ
+(X) =−∞ ⇔X RC, (4.1)
dont on sait qu’une implication est vraie : les variétés rationnellement connexes
(RC) vérifient κ
+(X) = −∞. Remarquons alors la dichotomie suivante : soit
l’énoncé (4.1) est vrai et ceci constitue une avancée substantielle dans la
théo-rie de la classification, auquel cas le théorème 4.2.2 ci-dessus n’apporte théo-rien de
nouveau (simple connexité des variétésRC). Sinon, la classe κ
+(X) =−∞est
strictement plus grande que la classeRCet le théorème 4.2.2 est alors une réelle
amélioration des résultats déjà existants.
(iv) Si κ(X) ≥ 0, on a également κ
+(X) ≥ κ(X) ≥ 0 et les conjectures
standard du programme des modèles minimaux entrainent dans cette situation
l’égalité
κ
+(X) =κ(X).
D’autre part, remarquons que dans le cas κ(X) =−∞, l’invariant κ
+(X)peut
prendre toutes les valeurs suivantes :
κ
+(X)∈ {−∞,0,1,· · · ,dim(X)−1}
Pour s’en convaincre, il suffit de considérer des produits P
k×Y avec Y de
type général. Dans [Cam95a], on trouve la description conjecturale suivante de
l’invariantκ
+:
κ
+(X) =
κ(X) siκ(X)≥0
κ(R(X)) siκ(X) =−∞et dim(R(X))>0
−∞ si (et seulement si)X est rationnellement connexe
Donnons une idée de la
Démonstration du théorème 4.2.2 :
Siχ(OX)6= 0, le théorème de l’indiceL
2d’Atiyah [Ati76] implique :
n
X
p=0