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1.1 État de la question

1.1.4 Spiritualité et théologie contemporaines

1.1.4.3 Théologie et cinéma

Depuis une trentaine dřannées, et encore davantage depuis le début du 21e siècle, plusieurs théologiens et théologiennes se sont intéressés au cinéma. Un intérêt que lřon pourrait situer dans un contexte plus large, où la théologie sřest ouverte à tous les aspects de la réalité contemporaine. Vu lřimportance du cinéma dans la culture dřun grand nombre de régions du monde, la recherche en théologie ne pouvait manquer de sřy pencher de près. Diverses approches ont été entreprises.

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Une bonne partie des chercheurs adopte une posture dialogique entre le christianisme et le cinéma. On veut trouver des points de contact entre les deux. On cherche à répondre à des questions qui seraient implicitement soulevées par les films. Ce faisant, on analyse une grande variété de films, cřest-à-dire des œuvres où on ne décèle pas de prime abord un thème religieux. Par exemple, dans un ouvrage collectif théologique de 2005 (Christianson, Francis et Telford) on analyse aussi bien la célèbre trilogie sur la mafia Le Parrain, de Francis Ford Coppola, que les films de Stanley Kubrick, souvent vu comme un cinéaste- philosophe par les commentateurs. En bref, à partir dřune lecture des œuvres, on fait ressortir des thèmes présents dans des films ŕ p. ex. les choix moraux de lřhumain, ou ses aspirations dans le monde dřaujourdřhui, de même que ses peurs ŕ qui interpellent la théologie chrétienne. La présente thèse retient dřabord ici quřil nřest pas nécessaire quřun film ait un sujet explicitement religieux ou spirituel pour que la théologie sřy intéresse.

Par ailleurs, la théologie sřest beaucoup intéressée à analyser comment les films traitaient, explicitement ou implicitement, de thèmes bibliques, ou comment ils reprenaient des récits bibliques. Dans ce dernier cas, il serait possible de dresser une longue liste de films, depuis La vie et la Passion de Jésus-Christ et Le Christ marchant sur les flots (France, 1898 et 1899) jusquřà Noah et Exodus: Gods and Kings (États-Unis, les deux en 2014).

Il nřy a pas lieu de commenter longuement des auteurs se situant dans ces diverses approches car, comme mentionné plus tôt, la présente thèse ne souhaite pas sřadosser à une tradition religieuse, ni repérer dans les films analysés des thèmes bibliques ŕ ce qui serait certes possible dans un autre cadre. Signalons tout de même deux théologiens qui dans une partie de leurs écrits rejoignent des objectifs importants de la théologie de cette thèse20.

20 Signalons aussi très rapidement, car aux antipodes de la présente thèse, une approche hiérarchisante, où le cinéma nřest pas considéré sur le même pied que la théologie, comme on le sent dans ce commentaire : « Some things in films simply make much more sense if interpreted through traditional Christian theology » (Martin2007,422).

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Robert K. Johnston. ŕ Dans Reframing Theology and Film (2007), ce chercheur étatsunien signale que dans le passé, les théologiens et les théologiennes se sont surtout intéressés au récit, délaissant en bonne partie ce qui touche à lřesthétique ou au traitement dřun film (cadrage, montage, éclairage, couleurs, musique, etc.). Il insiste ainsi sur la nécessité dřaller au-delà du paradigme littéraire : « There needs to be an expansion of method to include the visual and the aural » (2007, 19), ce qui rejoint Deleuze quand il parle de « situations optiques et sonores pures », qui sont pour lui le propre du cinéma. Cherchant à ouvrir de nouvelles pistes pour la recherche, Johnston formule notamment ces deux souhaits, qui dřemblée sont retenus par la présente thèse, en plus de celui de se distancer dřune analyse marquée par les études littéraires :

 Analyser des films venant de partout dans le monde, car ils offrent la possibilité de découvrir lřautre, et de mieux lřaccepter : « World cinema has the ability to broaden our dialogue […] It can allow for an openness and receptivity toward the other » (ibid., 20);

 Dialoguer avec dřautres disciplines : « Rooted in the human story film invites a dialogue with other areas of the arts and social sciences, as film studies has long recognized » (ibid., 21).

John C. Lyden. ŕ Dans Film as Religion (2003), cet auteur cherche à établir un dialogue le plus égalitaire possible entre le christianisme et le cinéma en proposant de traiter ce dernier comme une religion. Car il estime ŕ comme bien des chercheurs de diverses disciplines ŕ que le cinéma a été dans son histoire un véhicule privilégié de morale et de mythes. Et on retrouve selon lui des comportements qui sřapparentent à des rites chez les personnes qui visionnent régulièrement des films. En outre, Lyden juge que lřapproche théologique chrétienne traditionnelle présente un risque de dérive ethnocentrique devant certains cinémas, étant « ill-equipped to understand or recognize religious beliefs outside the Western paradigm » (2003, 33).

La présente thèse ne cherchera pas à définir ou percevoir le cinéma comme une religion, du simple fait quřelle sřintéresse à une spiritualité multiforme et indépendante de toute tradition religieuse. Mais Lyden rejoint lui aussi Deleuze en préconisant une analyse qui part des films, au lieu de concepts importés dans leur contenu. De plus, Lyden attire notre attention sur une éthique véhiculée par les

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films eux-mêmes, au lieu dřune éthique, ou dřune morale, quřon voudrait bien y voir. Du coup, il incite à ne pas juger de gestes quřon serait porté à condamner à partir dřun système de valeurs morales. Une idée à retenir.

1.1.5 « Cinéma transnational » et « Écran global »

Dans ce qui suit, il sřagira de définir un concept clé de la thèse et aussi dřesquisser un panorama de la production cinématographique à notre époque, à la suite dřavancées technologiques importantes, qui touchent au numérique et qui ont bouleversé les pratiques cinématographiques traditionnelles. Cet arrière-plan nous servira à mieux comprendre lřimpact de ces technologies dans certains films analysés.

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