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Chapitre 2: Revue de la littérature

2.2 Théâtre et identité

Dans son article L’espace immigrant et l’espace amérindien dans le théâtre québécois

depuis 1977, P erre L’Hérault, professeur de l ttérature et de culture uébéco se, énonce ue

l’ mpact de la Révolut on tran u lle dans les reconf gurat ons de l’espace dent ta re a été : « l’une des brèches par la uelle l’hétérogène s’est ntrodu t dans le d scours uébéco s, fa sant de l’espace dent ta re un l eu de tens on, un l eu de cro sement d’appartenances multiples, un lieu de « traf c» plus ue d’ ntégrat on et d’ dent f cat on. » (L’Hérault 1997 : 151)

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Il avance que le théâtre, en raison « de sa convention fondamentale scène/public », semble reconnaître cet espace en tant u’« archipel identitaire » (L’Hérault 1997 : 151). En d’autres mots, le théâtre uébéco s est const tué d’une plural té d’espaces dent ta res u se côto ent tout en conservant leur intégrité et leur indépendance. Le théâtre amérindien contemporain est donc, s on reprend le d scours de P erre L’Hérault, un espace soc o-politique et culturel autonome. Nous verrons ci-dessous que cet espace identitaire offre la possibilité au groupe socio-culturel en question de pouvo r s’autodéfinir à travers la création dramatique.

Maxine Schwartz Seller, professeure en Educational Organizations, Administration,

and Policy, fait le constat, dans l’ ntroduct on du l vre Ethnic Theatre in the United States, que

le théâtre ethn ue donne l’opportun té aux dramaturges, aux metteurs en scène, aux acteurs a ns u’aux aud to res de provenances d verses de pouvo r s’expr mer l brement et la poss b l té de pouvo r s’autodéfinir ce u n’est pas nécessa rement le cas dans la soc été dominante (Schwartz Seller 1983 : 13), surtout si celle-ci véhicule des stéréotypes ou ignore tout s mplement l’ex stence de ces groupes ethn ues. Elle ajoute ue le théâtre permet non seulement de s’autodéfinir, mais aussi de ne pas se laisser définir par les autres. Cette affirmation est aussi exprimée par Basma El Omari dans son texte Quand les autochtones

expriment leur dépossession… u est en ouverture d’un numéro de Recherches amérindiennes

au Québec. En faisant référence à la dépossession11, qui est le concept central de son introduction et à son apport dans la création artistique chez les Amérindiens, elle mentionne :

« Tout en étant un obstacle à l’épanou ssement et à l’évolut on des champs art st ues, elle la dépossession const tue un terra n mportant dans le uel l’art ste ou l’écr va n creuse pour créer de nouveaux espaces, de nouveaux l eux d’express on u lu permettent de reconstituer un nom, de ne pas « se laisser définir» par les autres. » (El Omari 2003 : 4)

De plus, ces nouveaux espaces créés par l’express on des arts permettent, selon l’auteur, d’établ r un refuge pour préserver les conna ssances et la mémoire collective (El Omari 2003 :

11 Basma El Omar présente la dépossess on comme un le tmot v u semble occuper une place d’ mportance dans les arts autochtones. La dépossession dont elle fait mention est celle qu’a engendrée le projet colon al, cette perte du terr to re, de la culture, de l’h sto re, de la mémo re collect ve et de la capac té de pouvo r s’auto-définir au profit des colonisateurs. Elle ajoute en citant Sylvie Paré que « la vra e dépossess on c’est attendre que les autres nous définissent » (El Omari 2003: 3).

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4). En effet, à mon sens, la création artistique est un moyen non seulement de préservation et de transm ss on de la mémo re ou de la culture d’un peuple, ma s auss une man ère de réactualiser ainsi que de revisiter celles-ci, de leur redonner sens dans le contexte actuel.

Quant à Paul Bramadat, professeur en étude des religions, il explique dans son article

Shows, selves, and solidarity : ethnic identity and cultural spectacles in Canada, que cette

possibilité de redéfinir, construire et maintenir une identité ethnique à travers la création théâtrale est dû au caractère dialogique du théâtre (Bramadat 2001 : 79). En effet, ce caractère s’expr me lors de la m se en forme de l’œuvre, ce u demande un consensus entre les membres de la production au sujet des intentions et des représentations qui seront présentées, et lors de la présentat on de l’œuvre où un rapport entre la scène et le publ c s’ nstalle. Le théâtre génère donc des espaces de dialogue où il devient possible pour un groupe socio- culturel de pouvoir non seulement projeter une image juste de son (ses) identité (s), mais aussi de contrer des stéréotypes et des préjugés par la mise en scène de celle-ci.

Cité précédemment, Johannes Fabian (1999) propose que le théâtre soit une source de connaissance interculturelle qui demande de la participation et un certain degré de reconnaissance mutuelle. Cette notion de reconnaissance, nécessaire selon moi pour la récept v té d’une œuvre théâtrale, est b en déf n e par De rdre Meintel dans son texte Identités

ethniques plurielles et reconnaissance connective. Elle explique que « la reconnaissance se

constru t dans la relat on à l’autre » et elle soul gne l’ mportance de la réc proc té dans ce processus. Meintel se réfère à Ricoeur et à Fabian pour comparer la reconnaissance à l’Anerkennung, ce qui signifie « la val dat on de l’autre, l’appréc at on juste de l’autre » et suggère ue cette relat on d’homologat on peut être ual f ée d’ ntersubject ve (Meintel 2008 : 315-316). Ceci insinue que les participants qui constituent cette relation sont des êtres doués de réflex v té, de la capac té d’émettre un jugement et des actions qui leur sont propres malgré les contraintes, et u’ ls sont, par le fa t même, aptes à prendre en considération la pensée ou les valeurs de l’Autre. Elle fa t auss ment on ue la reconna ssance, d’après l’ouvrage

Cosmopolitanism d’App ah, do t être abordée comme un processus d alog ue caractér sé par

des échanges « où l’on est ouvert à « apprendre quelque chose» sans nécessairement se convert r à la pos t on de l’autre » (Meintel 2008 : 316-317). Elle ajoute, en reprenant les idées du même auteur, u’ l semblera t ue ce processus de reconna ssance débute par un

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« « engagement imaginatif» avec les expériences et les idées des autres », un engagement comparable à ce u se produ t lors du v s onnement d’un f lm où, dans ce cas-c , lors d’une représentation théâtrale (Meintel 2008 : 317). L’about ssement de cet engagement ne se solde pas par un consensus des valeurs, mais plutôt sur une possibilité que le dialogue ait amené les participants à une remise en question de soi et de ses idées ou bien, comme le suggère Appiah, à des « accords locaux » (Meintel 2008 : 318).

Donc, cette dée d’aborder la reconna ssance comme un processus dialogique dont le point de départ débute par un « engagement imaginatif » joue un rôle important dans la récept v té et l’effect v té de l’œuvre. En effet, cet engagement ue l’on pourra t présenter par la prise en considération des valeurs, des expér ences et du vécu de l’Autre par le spectateur lors de la représentat on théâtrale est ce u rend poss ble non seulement l’échange de connaissances interculturelles comme le stipule Fabian, mais aussi, pour les acteurs, de présenter et de valider en quelque sorte leur propre perception du monde et de leur (s) identité (s).