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Chapitre 5: La composition de l’espace théâtral amérindien

5.4 Spiritualité : croyances, perceptions et pratiques

5.4.5 La guérison

S l’on se réfère à la concept on du théâtre selon les deux art stes ment onnés précédemment, on se rend compte ue leur prat ue théâtrale s’ nsp re, en part e, du chaman sme et de la sp r tual té amér nd enne. On prend consc ence auss u’ l y a un aspect de guérison lié à leur dramaturgie et que celui-ci transparaît dans plusieurs de leurs démarches artistiques. B en sûr, on pourra t renvoyer à ce u’Yves S ou Durand et Sylv e-Anne Sioui Trudel nomment le « théâtre de guérison »40. Ce théâtre d’ ntervent on se prat ue au se n de communautés autochtones aux prises avec des problèmes sociaux (violence, alcoolisme, toxicomanie, suicide, etc.). Il est alors utilisé comme outil de guérison et de prévention. Il nv te des membres d’une ou de plus eurs communautés à part c per à une créat on collect ve. Ces créations tournent bien souvent autour de problèmes présents sur la réserve ou bien

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d’expér ences personnelles vécues chez les part c pants sans nécessa rement les aborder de manière directe. De ce théâtre de guérison découle une tentative de renouer avec la spiritualité amérindienne et avec sa culture. Il insère dans sa structure des pratiques rituelles et dans son contenu des éléments culturels symboliques liés aux communautés participantes. La guérison s’opère par la parole et par le retour à la sp r tual té. D’après Sylv e-Anne Sioui Trudel, le chaman doit chevaucher l’âme du malade pour le guér r et le théâtre ag t de même par le b a s de la catharsis, par la purgation des passions ou par la libération émotionnelle (Sioui Trudel, entrevue réalisée au mois de septembre 2011). Dans son article La renaissance des danses

chamaniques, l’anthropologue Wolfgang G. J lek soul gne, à propos du drame chorégraph ue

de la Danse des espr ts, u’ l « devient un psychodrame thérapeutique dans la mesure où il est assoc é à une décharge émot onnelle de type cathart ue au se n d’un groupe » (Jilek 1992 : 83). Il énonce que par leur fonction thérapeutique, les danses rituelles amérindiennes, qui s’opèrent autant sur l’ nd v du ue sur le collect f, « augmentent la force des individus et la cohésion du groupe, en aidant ceux qui y participent à surmonter la dépression anomique41 » (Jilek 1992 : 87). De plus, il semble que ce type de manifestation, qui engendre un processus d’« empowerment », tend « à la préservat on et à la promot on d’une dent té culturelle spécifiquement amérindienne » (Jilek 1992 : 88). Ces propos de Wolfgang G.Jilek sur les danses chamaniques prévalent aussi pour le théâtre de guérison qui recherche tout autant à « fourn r un moyen d’accéder au b en-être sp r tuel et affect f, à la responsab l té, à l’est me de soi » et à la revalorisation culturelle (Jilek 1992 : 87).

Néanmo ns, l ne faut pas se l m ter à ce type de théâtre d’ ntervent on lors ue l’on aborde l’aspect de la guér son au se n de la dramaturg e amér nd enne. Certa nes propos t ons artistiques se révèlent être de véritables processus de guér son et d’autodéterm nat on comme c’est le cas avec Le Porteur des peines du monde, un drame-rituel produit par la compagnie théâtrale Ond nnok. Comme l a déjà été ment onné antér eurement, cette p èce u’est Le

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Wolfgang G. Jilek défini la dépression anomique comme « un état morbide qui se rencontre chez les jeunes Indiens d’Amérique du Nord : sentiments de frustration existentielle, de découragement, de défaite, de mépris de soi, sentiment d’être parfois moralement désorienté, tels sont les caractères de cet état qui apparaît dans une situation de confusion culturelle, de privation relative et d’anomie. La dépression anomique se manifeste par l’apparition de symptômes psychiques, psychophysiologiques et comportementaux, liés souvent à l’abus d’alcool et de la drogue » (Jilek 1992 : 87)

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Porteur des peines du monde met en scène un Homme-Oiseau, personnage représentant les

peuples autochtones, u transporte sur son dos un ballot de portage. Il chem ne dans l’espace théâtral/rituel, soit « la terre-du-rêve », nommé ainsi par Yves Sioui-Durand, qui est composé de deux roues de médec ne rel ées par un serpent d’herbes et d’une plate-forme funéraire au centre du deux ème cercle. Lors de son parcours jus u’à cet emplacement mortua re, l passe à travers toutes les blessures engendrées par la conquête et la colonisation dont il se dépouille. Le Porteur est aidé par le Maître des Caribous qui lui transfère sa puissance. Au final, il dépose sur la plate-forme son fardeau u renferme sa propre mort. Il le brûlera pour s’en libérer, pour renaître jeune aigle blanc. Dans cette pièce qui semble se fonder sur ce que Wolfgang G. Jilek nomme « le mythe thérapeutique de la mort et de la résurrection », la guér son s’adresse à l’ensemble des Amér nd ens présents sur le cont nent (J lek 1992 : 81). Elle s’effectue par la pur f cat on du personnage central u v t, à l’apogée du r te, non seulement une renaissance, mais aussi une transformation. Certes, Le Porteur des peines du

monde est une œuvre u abonde dans le sens de « la ré-appropriation de la spiritualité comme

territoire imaginaire intact », mais elle pose aussi les premiers jalons en ce qui a trait à la reconstruct on en démontrant u’ l faut, comme le soul gne Yves S ou Durand, « faire la paix avec le passé, avec nous-mêmes » (Sioui Durand 2003 : 61). Pour ce dramaturge, la reconquête de la spiritualité et la réédification de la culture sont des étapes importantes à la fois pour la guérison et pour acquérir de nouveau le pouvoir de se définir.