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Chapitre 5: La composition de l’espace théâtral amérindien

5.6 Le corps

Le corps, au même titre que la langue, est un moyen de communication ainsi que de représentat on u s’expose à travers la présence corporelle, par l’express on d’une gestuelle

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(danse, m me, etc.), de mouvements et d’act ons part cul ers. Au cours du survol historique présenté au début de ce mémo re, j’a démontré ue, jus u’au début du 20e s ècle, la représentat on de la f gure de l’ « Indien » dans le théâtre nord-américain était exclusivement laissée au colonisateur. À partir de ce siècle et plus particulièrement durant sa deuxième moitié, des artistes amérindiens ont commencé à se réapproprier le contrôle de leur image en occupant à leur tour le devant de la scène dans des product ons u’ ls ont eux-mêmes concoctées. Cette auto représentation a amené une recod f cat on a ns u’une dé- homogénéisation43 de la f gure de l’ nd en et elle a perm s de contester les stéréotypes établ s. Birgit Däwes souligne dans son livre Native North American Theater in a Global Age, que « the staging of bodies is crucial in the construction of identity, especially in the context of stages silenced by colonial mimicry and « playing Indian» » (Däwes 2007 : 121). Elle ajoute, en se référant à M chel Foucault et à sa concept on du corps en tant u’un l eu et une c ble des relations de pouvoir, que le corps « is a visible site of the discourses that converge upon it, it can be read as a signifier of the intersecting power relations » (Däwes 2007 : 119). Le corps amérindien, de par son ethnicité et son genre, de par sa représentation, de par sa gestuelle et de par ses actions, est non seulement un mode de communication sur la scène, mais aussi un symbole physique puissant. Malheureusement, malgré son importance, la représentation du corps amér nd en dans l’espace théâtral n’a pas été un aspect abordé par les nformateurs sauf en ce qui concerne les techniques entourant la mise en scène des masques ainsi que de leurs fonctions, ce que nous avons pu voir plus tôt au moment de traiter de la spiritualité.

Je me permets tout de même de citer Yves Sioui Durand qui explique sa perception du corps amérindien en tant que métaphore du territoire dans un article intitulé Kaion’ni, le

wampum rompu : De la rupture de la chaîne d’alliance ou « le grand inconscient résineux » :

« le corps des autochtones témoigne des effets de la déstructuration sociale et religieuse que nos peuples ont subie au fond des ghettos que sont toujours les réserves.

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Par l’utilisation de ce terme, il ne faut pas y voir une contradiction avec le discours tenu précédemment à propos de l’identité panindienne. Certes, la représentation ou la présence de celle-ci, à l’occasion, dans le théâtre amérindien s’illustre bien souvent par cette tendance à réunir les peuples autochtones sous le partage d’une expérience historique (colonisation) et culturelle semblable. Toutefois, il demeure important dans cette dramaturgie, et même dans ces œuvres reflétant le discours panindianisme, de démontrer la pluralité et la diversité des cultures amérindiennes.

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L’abandon forcé du nomad sme, la négation de la psyché profonde, des archétypes mythologiques qui enracinaient la culture, ont engendré des corps malades, livrés à l’obés té, à la v olence et à l’alcool. Le refus d’hab ter son corps ou sa mut lat on correspond à la dépossession et à la spol at on du terr to re nomade. C’est par cette négation du corps amplifiée par la culpabilité issue du christianisme que les autochtones ont perdu contact avec la réalité profonde qui constitue leur véritable personnal té a ns u’avec les pu ssances souterraines de leur culture » (Sioui Durand 2003 : 60).

Pour contrer cette négation et cette gêne vis-à-vis du corps chez les Amérindiens, la compagnie Ondinnok tend à vouloir, par le théâtre, révéler celui-ci non pas dans sa « déchéance comme les autochtones sont habitués à le voir, mais aussi dans sa beauté, la vérité u’ l peut expr mer au moyen de la transpos t on théâtrale. » (Sioui Durand 2003 : 60) Cet art de la scène semble offrir la possibilité aux artistes autochtones de présenter le corps amérindien selon leur perception, de le montrer dans sa vulnérabilité ou dans sa force, de lui donner place dans l’espace théâtral et, par le fa t même, dans la soc été.

5.7 Conclusion

Ces d fférentes composantes présentes à l’ ntér eur des créat ons dramatiques observées dans ce chap tre caractér sent, en part e, l’espace théâtral amér nd en. Elles contribuent, chacune à sa manière, à construire une image ou une représentation particulière de l’amér nd an té à travers les démarches art st ues entrepr ses par le ou les artistes impliqués dans celles-ci afin de transposer leur (s) vision (s). Comme nous avons pu le constater, ces éléments ou dimensions montrent diverses facettes des cultures, des spiritualités et des réalités autochtones. Ils collaborent à montrer ou à transmettre au public les valeurs profondes de ces peuples et à tenter de rev tal ser les cultures u’ ls abordent. Ensemble, ls offrent la poss b l té de constru re, de démontrer, de négoc er, de déf n r et d’aff rmer des identités.

D’autres d mens ons aura ent pu s’ajouter à celles présentées dans ce chap tre telles que la scénographie, les lieux de représentations et les divers espaces-temps ue l’on retrouve dans les créat ons art st ues à l’étude. Toutefo s, j’a pr or sé dans cette analyse les composantes qui sont ressorties des entrevues réalisées avec les créateurs rencontrés.

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Dans le prochain chapitre, nous aborderons la diversité des formes théâtrales dans l’espace théâtral amér nd en et nous réal serons un survol des mult ples vocations que les artistes attribuent soit à leur pratique théâtrale ou au théâtre en général. Traiter de ces aspects nous révèlera les ntent ons ou les object fs u’abr tent leurs démarches art st ues et nous divulguera leurs conceptions du théâtre amérindien.