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Il est maintenant important de développer le concept d’idéologie car notre problématique a trait essentiellement à l’idéologie (ou les idéologies) que véhiculent les œuvres de notre corpus. Pour délimiter cette idéologie, nous devrons passer par l’analyse des sociolectes car l’idéologie, en tant que concept abstrait, ne peut être expliquée concrètement que dans le cadre de l’analyse du discours qui est, selon la définition de Zima119, la manifestation empirique d’intérêts sociaux.

En fait, le terme d’idéologie comme le souligne Aron120 a reçu de multiples acceptions qui tournent toutes autour du rôle des représentations et des idées d’un groupe social. Pour Aron, reconnaître leur action concrète revient à souligner l’importance de facteurs non matériels, non économiques, dans les actions humaines, ce qui confirme en définitive le caractère abstrait de ce concept. Pour ce qui nous concerne, compte tenu des multiples définitions et acceptions (c’est précisément en cela que ce concept fait débat selon Aron), de l’idéologie, nous nous proposons d’aborder celles qui se rapprochent le plus de notre champs de recherche, c’est-à-dire l’analyse sociologique du texte littéraire. Cette approche du texte telle que proposée par Zima nous permet de circonscrire certains concepts tels que l’idéologie ou le discours et de les penser de manière empirique, grâce à l’analyse des sociolectes. Cette partie sera consacrée à l’idéologie. La première définition à laquelle nous nous référons est celle de Karl Marx. Celui-ci en donne la définition suivante :

« Une idéologie est un système (possédant sa logique et sa rigueur propres) de représentations (images, mythes, idées ou concepts selon les cas) doué d’une existence et d’un rôle historique au sein d’une société donnée…»121

Cros, comme Zima, accorde une importance particulière à la situation sociolinguistique, considérant l’idéologie comme le produit de cette dernière. Pour Edmond Cros, toute situation sociolinguistique doit être perçue comme un « Tout » représentant un « système englobant » dont dépendent des « sous-systèmes ». Cette idée de dépendance peut être ramenée au « mot », dont la signification et le sens dépendent du discours et de la situation sociolinguistique. En tant qu’élément constitutif de discours, le mot est nécessairement de nature idéologique, comme le souligne Cros :

119Zima, P. Manuel de sociocritique. Op.cit.,

120Aron, P. « L’idéologie », COnTEXTES [En ligne], 2 | 2007, mis en ligne le 15 février 2007, consulté le 01 avril 2017. URL : http://contextes.revues.org/177 ; DOI : 10.4000/contextes.177. para.3

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« (…) je l’envisage comme le produit d’une situation socio-historique déterminée globale et donc comme un ensemble de sous-systèmes susceptibles d’y être découpés suivant plusieurs critères (idéologies libérale, socialiste, etc.) »122

Comme le souligne Zima l’idéologie se définit par rapport au discours, ce qui signifie que discours et idéologique sont indissociables. Ainsi que nous l’avons vu plus haut, tout processus discursif est complexe et est étroitement lié à l’idéologie, le discours étant lui-même issu d’un sociolecte caractérisé par un certain répertoire lexical et une structure sémantique particulière. L’idéologie se fonde donc sur une pertinence sémantique (des oppositions et des dichotomies) à partir de laquelle le sujet d’énonciation raconte une réalité littéraire ou sociale. Selon Zima, la structure de l’idéologie ne peut être comprise que dans le cadre d’une interaction dialogique ou intertextuelle. Car le discours idéologique se construit par opposition à d’autres discours de son environnement. Il articule les intérêts sociaux de groupes qui sont incompatibles avec les intérêts d’autres groupes présents dans la même situation sociolinguistique. Afin d’expliquer de la façon la plus exhaustive possible le concept d’idéologie, Zima donne une première définition de celui-ci :

« L’idéologie est un discours fondé sur un répertoire lexical, les oppositions et les classifications sémantiques et les modèles actantiels d’un sociolecte »123

Cette définition du discours serait incomplète si elle n’était pas mise en opposition avec le discours théorique. Zima lie systématiquement idéologie et discours en estimant que l’idéologie est un discours qui se caractérise par ses oppositions et dichotomies au niveau lexical et par son répertoire lexical particuliers. Comparée à la définition de discours que donne Cros plus haut, il s’avère que celle de Zima met clairement l’accent sur le caractère langagier de l’idéologie, contrairement à Cros qui ne rentre pas dans la complexité du processus discursif. Zima précise plus loin sa conception de l’idéologie, en mettant en relief ce qu’il considère comme la « définition

122 Cros, E. La sociocritique. Op.cit., p.48.

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négative ou critique de l’idéologie »124, nécessaire selon lui pour « un dépassement critique et théorique de l’idéologie » :

« Issu d’un sociolecte particulier, l’idéologie est un discours régi par le dualisme (la dichotomie) (…) Son sujet d’énonciation est incapable de réfléchir sur son faire sémantique (taxinomique), syntaxique et narratif et de l’envisager comme objet d’une discussion ouverte, il tend à considérer son discours comme le seul discours possible »125

Les définitions de l’idéologie étant multiples, nombreuses, nous nous sommes intéressé qu’à celles qui se rapprochent le plus de notre champs de recherche, c'est-à-dire les définitions qui nous permettent de faire le lien entre les structures sociales et les structures linguistiques d’un texte littéraire. Dans cette optique, nous avons voulu nous focaliser sur la façon dont Zima redéfinit le concept de l’idéologie au niveau discursif. Cette approche nous permettra d’analyser plus concrètement la notion d’idéologie au niveau du texte. Selon Zima, tout discours, scientifique, politique ou littéraire, articule des intérêts sociaux particuliers. Un discours nait à partir d’un sociolecte particulier, il se manifeste sous forme d’oppositions et de classifications caractéristiques propres à ce sociolecte. De ce fait, un discours ne s’explique pas par rapport à l’objet qu’il représente, mais par rapport aux intérêts sociaux qu’il articule. P. Zima remet ainsi en cause toute idée d’objectivité du discours, avançant l’idée que toute forme de discours (psychologique, sémiotique, etc.) est le résultat d’intérêts sociaux déterminés. Une fois définie l’idéologie comme « structure discursive née d’un sociolecte et partant d’un code et d’un répertoire lexical particuliers »126, Zima apporte cette précision essentielle :

« Les pertinences et les classifications de tous ces discours ne s’expliquent pas par rapport aux objets qu’ils représentent, mais par rapport aux intentions du sujet d’énonciation individuel ou collectif »127

124 Ibid.,

125 Zima, P. Texte et société, Perspectives sociocritiques. Op.cit., p.55.

126 Ibid., p.73.

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Il s’agit de précision essentielle en effet puisque celle-ci met l’accent sur l’aspect le plus important du concept d’idéologie, à savoir le fait que tous les discours sont idéologiques. Pour Zima, il n’existe pas de discours objectif dans le domaine des sciences sociales contrairement à certaines théories qui tendent à séparer le discours idéologique du discours scientifique qui serait nécessairement « objectif » :

« La pertinence de tous les discours psychologiques, sociologiques ou sémiotiques résulte de certains intérêts particuliers qui ne sauraient être identifiés avec ceux de la société globale. Le postulat de l’objectivité ou de la Wertfreiheit128 est un mythe dans le domaine des sciences sociales … »129

Comme nous l’avons vu plus haut, Zima essaye de distinguer discours théorique et discours idéologique dans sa définition de l’idéologie. Selon lui, le discours idéologique se caractérise par son dualisme, sa dichotomie manichéenne (à l’instar du conte merveilleux, selon Zima). Le discours idéologique explique la réalité selon des oppositions jugées pertinentes et exclut toute forme de parcours narratif qui pourrait contredire sa version de la réalité tandis que le discours théorique se caractérise par sa capacité à réfléchir sur sa propre organisation sémantique et remet donc en cause les schémas manichéens, tels que bien / mal, héros / antihéros. La structure sémantique du discours idéologique exclut l’indifférence, elle se base sur des oppositions jugées pertinentes et par lesquelles elle donne sa propre version de la réalité, le discours idéologique se ferme ainsi à tout dialogue et à toute remise en cause de « sa » réalité. Il perd son caractère dialogique, il devient « monologique ». Contrairement au discours théorique qui lui accepte de remettre en cause sa pertinence. Zima résume les spécificités du discours idéologique comme suit :

« Le discours idéologique ne réfléchit pas sur sa structure et sa genèse historique, il se présente et se conçoit lui-même comme naturel, comme allant de soi (…) Cela signifie concrètement et dans le contexte ébauché ici, qu’il refuse de soumettre à la réflexion et à la discussion critique sa pertinence, ses classifications (son code) et son parcours narratif »130

128 «Objectivité» wébérienne.

129 Zima, P. Texte et société, Perspectives sociocritiques. Op.cit., p.74.

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En opposant discours idéologique et discours théorique, nous pouvons mieux concevoir les caractéristiques du discours idéologique et du concept d’idéologie. En faisant cette distinction, Zima affirme qu’il n’existe pas en réalité de discours « objectif », que tout discours est idéologique car tout discours articule des intérêts particuliers. Il explique la différence qu’il y a entre un discours idéologique et un discours théorique (critique) en affirmant que le discours théorique rend possible un dialogue ouvert à d’autres discours, donc d’autres sociolectes dont la conception de la réalité est différente. Cette approche est particulièrement importante pour nous car elle nous permettra de repérer les actants dont le discours est idéologique et les autres dont le discours est critique, on verra ainsi que leurs attitudes sont différentes :

« (…) il me semble que la différence entre les deux types de discours est essentielle : elle réside dans l’attitude que le sujet d’énonciation adopte envers son faire sémantique et syntaxique, narratif. »131

Et afin de mieux développer le concept d’idéologie, il nous semble utile de rappeler les origines de ce concept dans la critique littéraire. Nous parlerons d’abord des origines marxistes du concept. Marx s’est en effet pleinement consacré aux questions de classes sociales et de domination de la bourgeoisie qui possède les moyens de productions industriels sur la classe ouvrière (le prolétariat). Selon Marx, la classe bourgeoise ne possède pas que les instruments matériels pour consolider sa domination, elle détient aussi les instruments non-matériels. Ainsi, les instruments juridiques, politiques et culturels, représentent aussi pour la classe bourgeoise un moyen d’asseoir sa domination. Marx parle de superstructure (Überbau)132 pour définir les institutions politiques et culturelles que détient la bourgeoisie alors qu’il parle de base matérielle pour faire référence aux moyens de production (industriels). A côté des institutions, les normes et les valeurs imposées par la classe bourgeoise ont pour fonction de rendre légitimes les rapports de classe basée sur les moyens de productions. Marx appelle cette fonction justificative L’idéologie133. Il explique cependant que cette idéologie représente une fausse conscience, elle tend à considérer certaines valeurs comme

131 Zima, P. Texte et société, Perspectives sociocritiques. Op.cit., p.75.

132 Zima, P. Manuel de sociocritique. Op.cit. p.22.

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naturelles en faisant abstraction de leur caractère relatif et historique. L’idéologie dans ce cas précis sert à rendre légitime la domination de la classe bourgeoise :

« L’idéologie en tant que pensée justificative (apologétique) peut donc être considérée comme un instrument de domination. « la culture dominante est la culture des dominants », signifie que la culture et l’idéologie de la classe dominante (les classes dominantes) sont reconnues, au moins en partie, par les dominées. »134

Cette dernière affirmation selon laquelle l’idéologie des dominants est partagée (malgré eux ?) par les dominées est partagée par Louis Althusser qui affirme que l’idéologie est vécue par la plupart des membres d’une société comme naturelle, c'est-à-dire qu’ils considèrent que les valeurs idéologiques de leur environnement comme données et universellement valables135 , ils ne se rendent pas compte du caractère relatif et contextuel de ces valeurs :

« Ils ignorent leur caractère historique, particulier et contingent. Ils vivent dans

l’idéologie » 136

Le concept d’idéologie est très important pour la sociologie du texte d’inspiration marxiste car, selon Althusser, les « produits » de l’idéologie sont très importants dans la prise de conscience d’une classe137. C’est pour cela que les partisans du marxisme en sociocritique accordent beaucoup d’importance aux productions culturelles car elles pouvaient, selon leur point de vue, être à l’origine d’une prise de conscience. Il est utile ici de nous intéresser à l’approche marxiste de l’œuvre littéraire. Selon cette approche, le texte littéraire est censé être le reflet de la réalité et par conséquent, la reproduire de façon « adéquate ». Cette façon adéquate de reproduire la réalité doit être cohérente avec les théories marxistes sur les rapports sociaux. Les premiers marxistes pensaient le texte littéraire selon leurs propres conceptions de « la réalité », ils ne s’intéressaient pas à l’œuvre elle-même, mais plutôt à la position de cette œuvre par rapport aux classes sociales, ils se demandaient donc si l’auteur adoptait l’idéologie de la bourgeoisie ou plutôt celui du prolétariat. Si pour Marx, ou d’autres

134 Ibid.

135 Zima, P Manuel de sociocritique. Op.cit., p.23.

136 Ibid.

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théoriciens comme Engels, l’idéologie sert surtout à légitimer la domination du prolétariat par la bourgeoisie, il est utile de développer un peu plus la fonction de l’idéologie dans l’organisation des valeurs sociales. Selon Zima, les idéologies défendent les valeurs existantes en créant des « oppositions manichéennes » :

« Des auteurs comme Umberto Eco (1966) et Olivier Reboul (1980) ont beaucoup insisté sur le caractère dualiste et manichéen des discours idéologiques, dont certains ressemblent aux épopées féodales marquées par une opposition rigide entre

leshéros et les antihéros, le bien et le mal. »138

En créant des oppositions ou des dichotomies, le discours idéologique provoque des changements au niveau linguistique. Ces modifications qui interviennent au niveau de la langue, sont les manifestations concrètes de l’idéologie, c’est donc au niveau syntaxique et sémantique que nous pouvons le mieux appréhender la crise des valeurs et l’analyser de façon empirique :

« Seule une analyse linguistique de la problématique des valeurs permet de l’étudier dans un texte littéraire ou théorique et de se demander quels sont les problèmes causés par cette crise aux niveaux sémantique et syntaxique »139

Il a déjà été question plus haut du lien entre la littérature et la société, une théorie du « reflet » développée par Macherey140 qui n’est pas, pour Zima, une approche empirique des liens entre la société et la littérature comme nous allons le voir. Contrairement à Goldmann, pour qui la littérature est l’expression d’une « vision du monde », d’une seule idéologie donc, celle de l’auteur, ce qui enlève au texte littéraire son caractère polysémique, Macherey considère que l’œuvre littéraire n’est pas un ensemble homogène dans lequel on chercherait une certaine « cohérence », mais qu’elle exprime au contraire les contradictions de l’idéologie. Le texte littéraire n’exprime pas une idéologie cohérente mais exprime au contraire, et malgré lui, les incohérences et les contradictions de l’idéologie (bourgeoise par exemple). Le texte n’est en fait qu’une « mise en scène » de l’idéologie, où sont exposées les contradictions d’une idéologie qui sont impossible à résoudre dans la réalité sociale. Ce qu’il faut donc chercher dans un

138 Zima, P. Manuel de sociocritique. Op.cit., p.26.

139 Ibid., p.26.

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texte afin d’arriver à l’idéologie, n’est pas la cohérence de cette idéologie, mais au contraire les contradictions qui peuvent s’y trouver, affirme Macherey :

« Ce qu’il faut chercher dans les textes (…) ce ne sont pas les signes de leur cohésion, mais les indices des contradictions matérielles (historiquement déterminés) qui les produisent, et qui se retrouvent en eux sous forme de conflits inégalement résolus. »141

Le texte littéraire n’exprime pas l’idéologie en tant que telle, il la met en scène en exposant ses contradictions. Ainsi, un lecteur critique pourra l’observer de l’extérieur et la dépasser. Dans cette situation, l’idéologie cesse d’apparaitre comme « naturelle » comme le décrit Althusser, les individus cessent de la vivre comme allant de soi, universelle à toute l’humanité, mais se rendent compte, en tant que lecteurs critiques, de son historicité, sa contingence. Macherey écrit :

« D’où l’idée que le texte littéraire n’est pas tant l’expression d’une idéologie (sa « mise en mots »), que sa mise en scène, son exhibition, opération dans laquelle elle se retourne en quelque sorte contre elle-même. »142

Zima formule quelques remarques critiques concernant la théorie de Macherey sur l’idéologie inspirée de l’approche althussérienne. Dans un premier temps, Zima nous fait remarquer que contrairement à ce qu’affirme Althusser, l’idéologie n’est pas « toujours » le produit de l’inconscient de l’auteur. L’idéologie est même très souvent exprimée de façon consciente dans la littérature, les auteurs reprennent les mœurs et les stéréotypes de leur époque dans leurs textes afin de les critiquer et de les remettre en cause, Zima dit à ce sujet que « la pratique littéraire peut être, qu’elle a souvent été, une critique consciente du discours idéologique »143. Il donne l’exemple d’auteurs comme Camus ou Sartre chez qui la critique de l’idéologie est consciente. Nous donnerons, pour notre part, l’exemple des romans d’Atiq Rahimi dans lesquels nous constatons une référence délibérée aux discours religieux en milieu social, comme nous le démontrerons dans les chapitres qui suivent. Ainsi, bien qu’il ne remette pas

141 Balibar, E. et Macherey, P. (1974). Sur la littérature comme forme idéologique, dans Littérature, n°13., p22

142 Balibar, E. et Macherey, P. Ibid., p.24

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totalement en cause l’approche althussérienne de l’idéologie, Zima formule quelques réserves concernant certains points, notamment celui de situer l’idéologie dans l’inconscient de l’individu. Il donne pour argument l’œuvre de Balzac, chez qui la critique de l’idéologie est tout à fait consciente :

« Elle l’a été chez Balzac qui présente au lecteur une critique détaillée – et tout à fait consciente – de la noblesse légitimiste qui a toutes ses sympathies politiques. »144

Nous considérons que ce point est important dans la mesure où il nous permet de montrer que les deux auteurs de notre corpus, Tahar Djaout et Atiq Rahimi, ont pour but de critiquer certains discours idéologiques de leurs sociétés respectives. Par ailleurs, Zima adresse une autre critique à l’approche de Macherey de l’idéologie, il estime que la production littéraire est elle-même l’idéologie, qu’elle fait partie des « appareils idéologiques d’Etat ». La pratique littéraire est donc, selon Macherey, une pratique idéologique. Il néglige le fait qu’un texte littéraire est aussi un univers autonome. Dans ce sens, Zima opposant la vision d’Adorno à celle de Macherey, écrit à ce propos :

« Aux yeux d’Adorno, la littérature est à la fois un « fait social » (d’origine bourgeoise) et un univers autonome dans lequel apparait l’au-delà de l’ordre social établi. »145

Il est aussi important de développer un peu plus la « réflexivité » du discours idéologique. Nous avons déjà fait référence plus haut au fait que le discours idéologique se caractérise par le fait qu’il ne remet pas en cause son parcours narratif, celui-ci présentant une réalité qu’il considère comme la seule légitime : par ses dichotomies et ses oppositions, il articule des intérêts sociaux d’un groupe. Le discours idéologique est aussi « monologique », c'est-à-dire qu’il n’est pas ouvert au dialogue et à la critique puisqu’il présente une vérité qu’il considère comme la seule possible. Il y a lieu de souligner le fait que les individus vivent le discours comme étant « naturel », comme allant de soi, et qu’ils ne se rendent pas compte du caractère contingent et historique de l’idéologie. Celle-ci dépend en effet du contexte socio-historique et n’est peut être

144 Zima, P. Manuel de sociocritique. Op.cit., p.43.

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valable que dans ce contexte précis. Il suffit de rappeler l’exemple du discours