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Mime d’une activité RNAse par les biohybrides dérivés d’αRep A

I.4.2 Test enzymatique binucléaire : le transfert hydrolitique de liaison phosphoester

Nous avons donc tenté de déterminer si nos biohybrides fonctionnalisés en position Y26, K30 ou F119 étaient capables d’effectuer des réactions de catalyse binucléaire. Nous avons pour cela utilisé une catalyse binucléaire typique : le clivage du 2- hydroxypropyl-4-nitrophenyl phosphate (HPNP) par transfert de liaison phosphoester. Le HPNP est utilisé comme modèle d’ARN pour la création de nucléases artificielles, ses principaux avantages étant sa solubilité dans l’eau et la possibilité de suivre la cinétique de la réaction à 405 nm grâce au composé nitrophénolate libéré. Dans une étude de Kazuki Saito, un modèle du mécanisme de clivage du HPNP à l’aide d’un complexe binucléaire de zinc a été proposé.10 Ce mécanisme implique que l’hydroxyde lié à un ion

zinc agit comme simple base de Brønsted, déprotonant le groupement alcool du HPNP, ce dernier effectuant l’attaque nucléophile sur le phosphate (ce modèle a été appuyé par une récente étude théorique 11). L’étude démontrait la nécessité d’un centre binucléaire

pour une catalyse efficace de la réaction : alors qu’un catalyseur de zinc mononucléaire accélérait la réaction par un facteur 22, un complexe binucléaire l’accélérait par un facteur 6500. C’est cette forte augmentation de la catalyse que nous tenté d’observer afin de confirmer ou d’infirmer le caractère binucléaire de nos biohybrides.

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Figure 99 : Mécanisme de phosphotransfert du HPNP catalysé par un complexe binucléaire de zinc (selon 10).

Les variants A3sY26NPH, A3sK30NPH et A3sF119NPH ont donc été testés pour l’hydrolyse de HPNP en présence d’un léger excès de nitrate de zinc (1,1 équivalent molaire par rapport à la phénanthroline). La catalyse mettant en jeu des bases de Brønsted, cette réaction est sensible au pH (« profil pH »). J’ai donc effectué les réactions à différents pH afin d’observer si l’environnement du biohybride avait un effet par rapport au zinc en solution. Pour s’affranchir des possibles perturbations dues au changement de tampon, j’ai utilisé uniquement un tampon HEPES. Le changement de pH induit par l’ajout du catalyseur dans sa solution tamponnée a été corrigé, ainsi que l’absorbance du 4- nitrophénolate libéré à l’issu de la réaction. Les résultats sont présentés dans la figure 100.

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Figure 100 : Hydrolyse du HPNP par les protéines A3sWT, A3sY26NPH, A3sK30NPH et A3sF119NPH en présence ou non de zinc (II), au pH 6,9 (A), 7,2 (B), 7,5 (C) et 7,7 (D). Conditions de réaction : 16,5 µM de monomère A3s, 16,5 µM de Zn(NO3)2 (1 équivalent), tampon HEPES 20 mM, 150 mM

NaCl, 5 mM HPNP. Chaque réaction a été effectuée en duplicate.

Il ressort de cette expérimentation que dans chacun des pH, les biohybrides en présence de zinc ont une activité plus basse que le zinc en solution. Il semble donc que les biohybrides empêchent l’activité catalytique centrée sur le métal. La protéine sauvage ayant également le même comportement, il semblerait que même en absence de phénanthroline la protéine ait une capacité à capturer le zinc et diminuer son accessibilité envers le substrat. Il est également à noter que les vitesses de réactions croissent avec le pH, qu’il s’agisse du zinc en solution ou en présence de protéine. Il n’y a donc pas d’effet de la protéine sur le profil pH du zinc, et a fortiori aucune activité binucléaire. Afin de pouvoir tester la réaction à un pH plus élevé encore j’ai utilisé un tampon d’acide N- Cyclohexyl-2-aminoethanesulfonique (CHES) pH 9, les conclusions sont identiques. J’ai effectué la même expérience avec du cuivre (II), capable également d’effectuer la catalyse du HPNP. Les résultats sont visibles sur la figure 101. Les conclusions sont similaires, il est à noter que le cuivre est un meilleur catalyseur de la réaction d’hydrolyse du HPNP dans ces conditions. La protéine sauvage, cette fois, inhibe bien moins le cuivre que les biohybrides. Il est donc raisonnable d’émettre l’hypothèse que le métal se fixe effectivement à la phénanthroline et que c’est cette complexation qui diminue d’autant l’activité du cuivre (par un manque d’accessibilité du substrat). Étonnamment, même le biohybride fonctionnalisé en position K30, qui est située au bord de la crevasse et donc

155 très accessible au solvant, présente une vitesse de réaction du même ordre que les autres variants, et empêche donc la réaction.

Figure 101 : Hydrolyse du HPNP par les protéines A3sWT, A3sY26NPH, A3sK30NPH et A3sF119NPH en présence ou non de nitrate de cuivre (les conditions sans cuivre (II) sont hachurées) au pH 6,9 (A), 7,2 (B), 7,5 (C) et 7,7 (D). Conditions de réaction : 16,5 µM de monomère, 16,5 µM de Cu(NO3)2

(1 équivalent), tampon HEPES 20 mM, 150 mM NaCl, 5 mM HPNP. Chaque réaction a été effectuée en duplicate.

I.4.3 Résumé

En résumé, (1) tous les biohybrides empêchent la réactivité du cuivre ou du zinc soit par complétion de la sphère de coordination du métal par des acides aminés de la protéine, soit par un manque d’accessibilité du substrat. (2) La protéine sauvage semblerait également fixer les métaux en provoquant un effet similaire.

Il est courant que les protéines possèdent des sites fortuits de fixation d’ions métalliques. La connaissance de la constante de dissociation entre protéine et métal pourrait être d’un grand avantage. Malheureusement les études de titration calorimétrique isotherme (ITC) se sont révélées peu concluantes, les signaux étant bruités par l’interaction entre les métaux et les molécules de la solution tampon.

La baisse de l’efficacité catalytique des métaux lors de la réaction d’hydrolyse du HPNP peut être interprétée comme un enfouissement du métal au sein de la protéine, limitant l’accès au substrat. Nous avons alors émis l’hypothèse que cet enfouissement pouvait provoquer une énantiosélectivité lors de la catalyse. Nous avons décidé d’utiliser la catalyse de Diels-Alder pour tester cette hypothèse.

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Etude d’une activité catalytique énantiosélective :