• Aucun résultat trouvé

Nous avons vu durant cette étude que la protéine αRep-A3 pouvait être modifiée par greffage covalent d’une phénanthroline sur des résidus cystéines placés dans des positions choisies au sein de la crevasse générée par le dimère. Les protéines ainsi modifiées que nous appelons biohybrides ont conservé leurs structures secondaires et restent dimériques en solution. Les conditions de couplages ont été mises au point pour un rendement de couplage quantitatif. Parmi les différents variants, A3sF119NPH est le meilleur candidat pour la catalyse énantiosélective de la réaction de cycloaddition de Diels-Alder entre l’azachalcone et le cyclopentadiène, permettant d’atteindre jusqu’à 60% d’excès énantiomérique. L’ensemble de données de RPE, d’ICP-MS et de catalyse apportent un faisceau d’indices nous permettant de proposer un modèle de biohybride dans lequel la catalyse énantiosélective serait assurée par un complexe bis- phénanthroline de cuivre au sein du dimère, et non par un complexe binucléaire comme attendu au départ de notre étude. Un tel complexe a été décrit dans la littérature comme catalysant des réactions d’hydrolyse de l’ADN, dont il serait intéressant de tester une éventuelle spécificité induite par la protéine.23

Plusieurs explications sont possibles quant à l’énantiosélectivité plus élevée du variant A3sF119NPH. La présence d’un complexe bis-phénanthroline de cuivre provoque un pontage entre les deux sous-unités. Il est possible que ce double ancrage diminue la mobilité du complexe au sein de la crevasse et de fait améliore l’énantiosélectivité, comme il a été observé dans les travaux de l’équipe de Yi Lu.24 Ce double ancrage n’est a

priori pas présent dans le cas des autres biohybrides, ceci peut expliquer leur plus basse

énantiosélectivité. Cependant un point vient à l’encontre de cette explication : la structure du variant A3sY26NPH en présence de zinc présente un glissement qui semble conduire à la formation d’un complexe bis-phénanthroline de zinc, pourtant le nuage électronique autour des ligands est très diffus, signe d’une mobilité importante. Un complexe bis-phénanthroline ne serait donc pas forcément signe de stabilité.

Plusieurs autres points sont encore à éclaircir. Nous avons remarqué des variations pouvant atteindre jusqu’à 20% concernant les rendements et excès énantiomériques entre les différents lots de substrat ou de protéine, bien que les excès énantiomériques restent cohérents. Ces différences pourraient être dues à une instabilité au cours du temps de nos réactifs, ou à une présence de contaminants entre les différentes préparations de protéines. Il est donc nécessaire d’apporter une attention particulière aux conditions de conservation, notamment de l’azachalcone.

Enfin, bien que les essais de cristallographie n’aient pas permis de résoudre la structure du biohybride catalyseur avec précision, elles nous ont permis de mettre en évidence la

184

plasticité du dimère A3, tout comme dans le cas du variant A3sY26NPH en présence de zinc, avec d’une part un glissement des sous-unités protéiques l’un par rapport à l’autre et d’autre part une mobilité des groupements phénantrolines au sein de la crevasse. Cette importante plasticité du dimère αRep-A3 est un inconvénient pour la conception d’une banque de biohybrides : la configuration de la crevasse étant mal contrôlée, il serait difficile de concevoir une banque de petite taille présentant des cavités. De plus la présence d’une bis-phénanthroline oblige a priori à respecter une symétrie C2 centrée sur le métal, ce qui diminue les possibilités de créer une crevasse asymétrique.

Afin de tenter de contrôler la formation de la cavité et de générer des biohybrides plus performants, nous avons décidé d’utiliser une nouvelle construction génétique permettant la production d’une unique protéine à deux domaines. Cette protéine que nous appellerons chimère A3sA3, est constituée des deux monomères de l’αRep-A3 reliés par une séquence peptidique. L’étude de nouveaux biohybrides issus de cette chimère sera décrite dans le chapitre suivant.

185

- Utilisation de la protéine αRep-A3sA3

Après avoir constaté que l’insertion de complexes métalliques au sein de la protéine αRep-A3 pouvait conduire de manière fortuite à un glissement des monomères pouvant être induit par exemple par la formation de bis-phénantroline de cuivre, nous avons décidé d’explorer une nouvelle piste en ne greffant qu’un seul ligand au sein de la crevasse. Le problème de la symétrie de l’homodimère se posait alors, car elle impose naturellement que le point de greffage (la cystéine) soit présent de chaque côté de la crevasse. Il était donc nécessaire de ne plus utiliser un dimère αRep-A3 mais une protéine bi-domaine. Les deux monomères de la protéine A3 (dorénavant appelés « domaines ») étant reliés par une liaison peptidique encodée génétiquement (appelée « linker »), la protéine était alors asymétrique et il était à présent possible de modifier l’un des deux domaines sélectivement. Un autre atout issu de la liaison des deux domaines est l’augmentation de la concentration apparente des deux domaines l’un pour l’autre 25,

diminuant considérablement le risque d’échange de domaines entre deux dimères distincts (figure 126).

Figure 126 : a. Schéma illustrant l’échange des monomères du dimère A3. Les vitesses d’association et de dissociation du dimère n’étant pas connues, il n’est pas possible de prédire la vitesse de cet échange. b. Schéma illustrant la nouvelle protéine αRep-A3sA3 faite de deux protéines A3 reliées par un linker encodé génétiquement (en rouge). Ainsi liées, l'échange de domaines est très peu probable du fait de la grande concentration apparente entre les deux domaines liés.