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C hapitre IV : Applications pratiques de la connaissance des phénomènes immunologiques impliqués dans la gale

Partie 1 : Immunité et dépistage de la maladie

IV.1.1. Méthodes de diagnostic

IV.1.1.2. Test ELISA

IV.1.1.2.1 ELISA indirect

(Se reporter à l’annexe 3 pour la description de la technique générale)

En 1983, Fisher avait mis au point un test ELISA pour le diagnostic sérologique de la gale psoroptique chez les bovins (42). En 1987, Wassal et coll. (123) ont développé un test ELISA pour le diagnostic de la gale ovine. Ce test consiste à déposer séquentiellement dans le puit d’une plaque microtitrée :

c La solution d’antigènes parasitaires ;

d Le sérum du mouton à tester (qui contient ou pas les immunoglobulines anti-P.ovis) ;

e Une solution d’IgG anti-mouton de lapin (ces immunoglobulines se lient aux immunoglobulines anti-P.ovis ovines si celles-ci ont été fixées) ;

f Une solution d’IgG anti-lapin caprines conjuguées à une péroxydase de raifort (qui se lient aux IgG anti-mouton de lapin) ;

g Le substrat chromogène de la péroxydase (acide 5-amino-salycylique).

Après 60 minutes, un réactif stoppant la réaction chromogène est ajouté (hydroxyde de sodium) et on procède à la lecture de la densité optique au spectrophotomètre.

Par rapport au test ELISA de Fisher15 (42), la technique de Wassal et coll. (123) nécessite une étape supplémentaire qui intervient entre l’application du sérum et celle du conjugué. Cette étape consiste en l’ajout d’une anti-globuline (ajout de l’IgG anti-mouton de lapin, étape e). Même aux concentrations préconisées par Fisher pour son test chez les bovins, la technique de Wassal et coll. ne peut réussir sans cette étape intermédiaire (123).

Les antigènes utilisés dans l’expérience de Wassal et coll. proviennent de P.ovis élevés sur des bovins. Si les antigènes utilisés sont issus de parasites prélevés sur des moutons, ils

15 Concentration de la solution d’antigène à 5µg/ml et solution d’immunoglobulines anti-bovin conjuguée à une

induisent un taux élevé de résultats faux positifs, car l’immunoglobuline anti-mouton de lapin se lie directement à l’antigène (de la même manière, Fisher utilisait des antigènes de parasites collectés dans les oreilles de lapins pour effectuer son test chez des bovins, 42).

Le test ELISA permet un diagnostic clair de la gale psoroptique ovine. Pourtant, Wassal et coll. ne précisent pas :

- la durée pendant laquelle, après l’infestation, les anticorps anti-P.ovis sont détectables dans le sérum des moutons parasités ;

- la durée pendant laquelle ces anticorps persistent après le traitement.

Ces données éviteraient, par exemple, qu’un animal traité efficacement, mais qui possèderait encore des anticorps sériques, soit considéré comme malade (123).

En 1991, Boyce et coll. (24) ont élaboré un test immuno-enzymatique (ELISA direct) pour le sérodiagnostic des infestations par Psoroptes sp. chez le mouflon (Ovis canadensis). Les résultats montrent que la réponse anticorps spécifique anti-Psoroptes sp. est présente pendant 16 mois. Si les mouflons sont traités efficacement, alors la réponse anticorps n’est plus détectable 8 mois après le traitement (61). En 1996, des travaux sur l’espèce ovine montrent que les anticorps spécifiques anti-P.ovis sont détectables deux semaines avant que l’expression clinique des symptômes ne devienne évidente (79) (comme l’avaient déjà remarqué Lonneux et coll. chez les bovins) (62). Après un traitement acaricide, la réponse anticorps décline lentement, de manière continue, et peut persister plus de quatre mois après le traitement (60, 79).

IV.1.1.2.2. La technique sandwich

(Se reporter à l’annexe 3 pour la description de la technique générale)

Pour rechercher des anticorps sériques anti-P.ovis, la technique ELISA sandwich peut aussi être utilisée (62, 79). Cette méthode est différente de l’ELISA indirect car elle nécessite une étape préalable de liaison de l’anticorps16 à la phase solide, afin de lier les molécules d’antigènes de la solution d’extraits parasitaires17. En 2001, Ochs et coll. (79) ont modifié le test ELISA sandwich élaboré par Lonneux et coll. pour le diagnostic de la gale psoroptique

16 Dans l’expérience de Lonneux et coll. (62), ce sont des anticorps sériques anti-P.cuniculi collectés sur lapins

chez les bovins (62) afin de l’adapter au mouton. Le tableau 17 expose les différences entre les deux protocoles (62, 79). Les principales étapes de la réaction sont les suivantes (on se place au niveau d’une cupule de plaque microtitrée) :

c Dépôt du sérum de lapin contenant les anticorps anti-Psoroptes sp. (sérum prélevé sur des lapins infestés par P.cuniculi) qui s’adsorbent sur la phase solide de la plaque ;

d Ajout de la solution d’antigènes de P.ovis (les antigènes se fixent aux anticorps précédemment fixés) ;

e Les autres étapes sont similaires à celles d’un ELISA classique (voir IV.1.1.2.2, étapes d à g).

La sensibilité18 de ce test, déterminée sur un échantillon de 191 moutons présentant des signes cliniques de gale, est de 93,7% (avec un intervalle de confiance à 95% de 90,3-97,2). Sa spécificité19, déterminée sur un échantillon de 254 moutons indemnes de gale psoroptique, est de 96,5% (intervalle de confiance à 95% : 94,2-98,7) (79).

Après traitement, les valeurs de l’ELISA déclinent progressivement mais peuvent rester positives au-delà de 17 semaines. De plus, les résultats de Ochs et coll. suggèrent que ce test sérologique permet de détecter les infestations asymptomatiques.

Ochs et coll. ont aussi comparé le test ELISA classique (ELISA direct, 24) à la technique sandwich pour la détection des anticorps anti-P.ovis chez les moutons (79). La moyenne des valeurs de densité optique obtenues pour les sérums positifs est deux fois supérieure dans l’ELISA sandwich qu’elle ne l’est dans l’ELISA direct (0,739 contre 0,383) alors que des valeurs comparables sont observées pour les deux tests chez des moutons sains (0,077 contre 0,083). En éliminant les antigènes inadéquats, la technique sandwich augmente donc la sensibilité (mais aussi la spécificité) du test ELISA. L’explication de ces observations pourrait résider dans une meilleure fixation de l’antigène (62).

18 La sensibilité d’un test de diagnostic est sa capacité à reconnaître les individus malades. 19 La spécificité d’un test de diagnostic est sa capacité à détecter les individus indemnes.

Tableau 17 : Comparaison des protocoles ELISA sandwich mis en œuvre dans le diagnostic de la gale psoroptique chez les bovins et chez les moutons (d’après 62 et 79).

Technique ELISA

sandwich pour les bovins (62)

Technique ELISA sandwich adaptée aux

moutons (79) Dilution des sérums prélevés sur les

lapins infestés par P.cuniculi 1/100 1/200

Dilution de la solution d’extraits de

P.cuniculi 10 mg/ml 5 µg/ml

Dilution des sérums à tester comme optimale parmi 1/400 (dilution retenue celles testées)

1/200 Dilution de la solution d’IgG anti-bovin

(62)/ anti-ovin (79) de lapin, conjuguée à la péroxydase de raifort

1/1000 1/1000

Durée de l’incubation avant l’ajout du

substrat chromogène 8 minutes 10 minutes

Réactif stoppant la réaction 50 µl de solution

d’acide sulfurique à 6M

50 µl de NaOH à 3M

Mesure de la densité optique à 490 nm à 405 nm

IV.1.1.2.3. Test ELISA cinétique

(Se reporter à l’annexe 3 pour la description de la technique générale)

Un ELISA cinétique a été développé pour la détection d’une infestation par les acariens du genre Psoroptes chez le mouflon (25). Les antigènes utilisés sont ceux de P.cuniculi. Les conditions pour le test sont optimales avec :

- une dilution des sérums au 1/100,

- une dilution de la protéine G recombinante conjuguée à la péroxydase de raifort au 1/2000,

- une lecture de l’absorbance (A405 nm) toutes les 60 secondes, de la 5ème à la 10ème minutes après l’addition du substrat chromogène.

Notons que Ziccardi et coll. (130), travaillant sur l’élan nord américain (Cervus elaphus), ont obtenu les meilleures conditions de tests avec une dilutiondes sérums au 1/50 et une dilution de la protéine G recombinante conjuguée à la péroxydase de raifort au 1/3000.

L’intérêt d’un ELISA cinétique est que, contrairement à un test ELISA conventionnel, il ne nécessite pas de réactif pour stopper la réaction et les données qui en résultent sont linéaires (25). De plus, la technique ELISA cinétique montre de bonnes qualités intrinsèques : le test de Ziccardi et coll., par exemple, présente une sensibilité variant de 61 à 94 % et une spécificité comprise entre 91 et 100 % (variations selon la valeur seuil choisie) (130). Le test cinétique de Boyce et coll. (25) possède une sensibilité et une spécificité respectivement de 94,6-100 % et 97,7-100 %.

IV.1.1.2.4. Réactions croisées dans les tests ELISA

L’existence de réactivités croisées possibles devra être prise en compte dans le cadre du développement d’une méthode de diagnostic. Les différents tests ELISA présentés précédemment ne se positivent pas si le mouton testé est infesté par Fasciola hepatica,

Nematodirus battus, Ostertagia circumcincta ou Damalinia bovis (123) (malgré l’existence

d’antigènes communs entre P.ovis et ces parasites) (70, 109). Certains auteurs ont montré que ces tests ne présentaient pas de réaction positive avec des sérums de moutons infestés par des poux mallophages, par Melophagus ovinus, ou encore par des tiques Ixodidés (Dermacentor

hunteri) (24, 41, 61, 130).

Cependant, des réactions croisées de faible intensité apparaissent chez les moutons présentant des signes cliniques d’infestation par Chorioptes sp. (79). Ces observations résulteraient du fait qu’au moins huit antigènes de Chorioptes bovis sont reconnus par les sérums anti-P.ovis de moutons (70). Par conséquent, il faut retenir que dans les régions où les infestations par

Chorioptes sp. sont fréquentes, la spécificité de l’ELISA doit être interprétée avec prudence

(79). Néanmoins, certaines investigations ont montré que P.ovis possédait un profil antigénique suffisamment caractéristique pour le différencier de Chorioptes, Notoedres et

Sarcoptes (24, 70), et le fait que certains antigènes dominants, particulièrement ceux de plus

de 100 kDa, soient reconnus de manière plus constante que d’autres dans les tests ELISA, pourrait être utilisé pour le sérodiagnostic de la gale ovine (121).