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C hapitre IV : Applications pratiques de la connaissance des phénomènes immunologiques impliqués dans la gale

Partie 2 : Immunité et recherche vaccinale

IV.2.2. Induction d’une immunité par la vaccination

IV.2.2.1. Antigènes immuns candidats

Une des approches pour la vaccination consiste à utiliser les antigènes auxquels l’hôte répond normalement lors d’une infestation naturelle. On pourrait penser que pour acquérir une immunité les antigènes les plus appropriés sont ceux impliqués dans la réaction immunitaire intervenant lors d’une infestation naturelle. Pourtant, dans le cas des ectoparasites, la plupart du temps l’hôte est incapable d’assurer une réponse immunitaire suffisante (comme cela peut être observé lors d’infestation par des tiques ou des mouches).

P.ovis présente des antigènes immunodominants (voir III.1.2) qui stimulent une

(antigènes de poids moléculaire supérieur à 100 kDa ou inférieur à 15 kDa) sont particulièrement aptes à stimuler une réponse anticorps (118). De plus, à l’heure actuelle, deux antigènes de P.ovis ont été caractérisés, il s’agit de povDer1 (57) et de l’antigène de 16 kDa mis en évidence par Pruett et coll. (89). Ces antigènes/allergènes pourraient être inclus dans des vaccins visant à moduler la réponse de l’hôte face à l’infestation (121).

Enfin, il semble que les animaux résistants aux parasites du genre Psoroptes synthétisent des anticorps contre des antigènes parasitaires spécifiques ; ces anticorps ne sont pas retrouvés chez les animaux sensibles (32). L’enrichissement des vaccins avec de tels antigènes/allergènes pourrait favoriser l’établissement d’une immunité forte et durable chez l’animal vacciné. Cependant, ces antigènes n’ont encore pour la plupart pas été identifiés précisément.

On sait que P.ovis possède au moins une GST, de 30 kDa, qui partage des homologies avec les GSTs allergéniques des acariens de poussière (56). Or, les GSTs des acariens de poussière, de Blatella germanica (Bla g 5) et de Schistosoma mansoni, stimulent des réponses allergiques. Des GSTs ont été inclues dans des vaccins contre Fasciola hepatica (100) et

Schistosoma japonicum (56) et ont permis l’acquisition d’une immunité chez les animaux vaccinés (inversement, la GST purifiée de Lucilia cuprina ne montre aucune protection lors des essais de vaccination contre cette mouche) (55, 101).

Par Westernblot, aucune liaison entre les IgG ou les IgE ovines spécifiques anti-P.ovis et les GSTs recombinantes fabriquées n’a été détectée. Il est donc peu probable que les GSTs constituent des antigènes vaccinaux efficaces contre les Psoroptes, mais on ne peut pour l’instant en être totalement sûr. Il est en effet possible que la protéine native soit localisée dans les organes internes du parasite et qu’elle ne soit pas exposée à l’hôte, constituant alors un antigène caché potentiel (56).

En effet, une approche vaccinale alternative consiste en l’utilisation des antigènes cachés de

P.ovis, appartenant aux organes internes du parasite. Cette méthode conduit à la synthèse de

vaccins "nouveaux". Le terme de "nouveau" peut être appliqué à tous les vaccins qui agissent contre une cible immunologique qui n’est pas présente lors d’infestation naturelle : l’hôte est vacciné avec l’antigène nouveau (ou "caché") et c’est seulement après que le parasite ait pris son repas qu’il y a contact entre l’anticorps et les autres composants du système immunitaire de l’hôte, et l’antigène parasitaire, conduisant à des dommages chez le parasite (124).

Les antigènes du tractus digestif (75) de P.ovis, auxquels les anticorps spécifiques pourront se lier lors du repas du parasite, semblent prometteurs pour la mise au point d’un vaccin. De

plus, non seulement les ovins synthétisent des anticorps anti-système digestif de P.ovis (18), mais des IgG ont été immunolocalisées (voir la description de la technique d’immunohistochimie en annexe 3) à la surface ou dans le cytoplasme de cellules intestinales du parasite (85). Ces données supposent qu’une vaccination contre P.ovis serait réalisable grâce aux antigènes digestifs (97). Ce principe a été exploité avec succès dans le contrôle de certains ectoparasites: utilisation, dans un vaccin, de la protéine H11 des microvillosités intestinales de l’helminthe digestif Haemonchus contortus (73) ou vaccination contre la tique du bétail Boophilus microplus, en employant une préparation d’antigènes recombinants Bm86 (96) (protéine liée à la membrane des cellules intestinales) (82) ou les antigènes Bm85 ou Bm91 (94).

Néanmoins, dans l’expérience de Smith et coll., les essais vaccinaux utilisant des protéines de la membrane intestinale de P.ovis ont été un échec (105).

La membrane péritrophique présente des pores dont le diamètre maximal est de 10 nm. Sachant que les molécules d’IgG ont un diamètre d’environ 10 nm et que les composants du complément ont un poids moléculaire supérieur aux IgG, la taille des pores semble restreindre le passage des éléments du système immunitaire ingérés par le parasite. En considérant ces données, dans les portions du tube digestif recouvertes par la membrane péritrophique, les cibles potentielles du système immunitaire de l’hôte à l’intérieur du parasite seraient limitées à cette matrice péritrophique elle-même et aux enzymes digestives. Les modes d’action des effecteurs immunitaires contre la membrane péritrophique incluent (37) :

- la réduction de la perméabilité de la membrane péritrophique par liaison des molécules protéiques à sa surface,

- la destruction de sa structure, - l’interférence avec sa formation,

- l’inhibition des molécules fonctionnelles qui lui sont associées.

Des essais prometteurs ont été obtenus avec des extraits de membrane péritrophique (protéine PM44) de larves de Lucilia cuprina (27, 37, 94, 124), suggérant que ce procédé pouvait être appliqué à des ectoparasites non hématophages.

Les fragments Fabdes immunoglobulines ont un diamètre d’environ 6 nm et pourraient donc passer à travers la membrane péritrophique (peut-être accompagnés de fragments Fab’2) (38). Des recherches ont montré que des immunoglobulines (intactes ou non) ou des fragments Fab pouvaient pénétrer la membrane péritrophique et la paroi intestinale : par exemple, chez la mouche adulte Sarcophaga falculata, des anticorps ingérés ont été retrouvés liés aux muscles,

aux constituants de l’hémolymphe et au cerveau. D’autres études ont détecté des fragments Fab dans l’hémolymphe de la mouche tsé-tsé Glossina morsitans morsitans et, chez la larve de Lucilia cuprina, des immunoglobulines intactes ou fragmentées ont été trouvées dans l’hémolymphe. Dans toutes ces espèces, la membrane péritrophique est sécrétée avant que le repas ne commence, prévenant ainsi tout contact direct entre le repas ingéré et l’épithélium digestif (38) (à la différence des insectes Nématocères hématophages, chez lesquels la membrane péritrophique est secrétée en réponse à l’ingestion du repas sanguin et seulement après un court temps de contact direct entre l’épithélium intestinal et le sang) (124).

Si l’on prouve que d’autres tissus sont aussi des cibles pour une attaque immunitaire efficace, le nombre d’antigènes vaccinaux potentiels augmente considérablement. En outre, les parasites sont moins susceptibles de développer une résistance envers les vaccins produits à partir d’antigènes cachés qu’envers ceux synthétisés à partir d’antigènes naturels (118). L’efficacité d’un vaccin utilisant des antigènes cachés paraît donc plus certaine à long terme. La membrane péritrophique semble être non seulement une cible de choix pour la vaccination en vertu de sa localisation et de sa fonction essentielle, mais elle offre aussi l’avantage d’être de composition chimique relativement simple (37), facilitant l’isolement des antigènes protecteurs (38). Cependant, l’utilisation de la membrane péritrophique ou des antigènes du tube digestif du parasite comme cibles vaccinales peut poser quelques difficultés. En effet, chez la plupart des arthropodes, l’intestin est un site de protéolyse, donc les anticorps ingérés et les autres effecteurs immunitaires, moléculaires ou cellulaires, peuvent y être détruits avant ou pendant qu’ils agissent sur leurs cibles (12) (P.ovis possède des protéinases à cystéine et des métaloprotéinases qui jouent un rôle dans la dégradation des IgG au niveau de leurs chaînes lourdes et permettent au parasite d’échapper au système immunitaire de l’hôte) (52). Par ailleurs, si la membrane péritrophique est synthétisée de façon continue par l’épithélium digestif du parasite, il est nécessaire que le taux d’ingestion des effecteurs immunitaires soit suffisant pour agir contre la membrane nouvellement synthétisée (38). Enfin, l’inconvénient des antigènes cachés est qu’ils ne stimulent pas le système immunitaire lors d’infestation naturelle et les animaux nécessitent des vaccinations de rappel régulières pour assurer une mémoire immunologique et maintenir un taux d’anticorps suffisant pour une réponse rapide aux pathogènes (82, 118).