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La région méditerranéenne est connue comme l’un des points remarquables de la biodiversité planétaire, lesquels sont caractérisés par une importante concentration d’espèces végétales et animales, et un fort taux d’endémisme. Cette richesse méditerranéenne s’explique par la grande diversité d’écosystèmes, et par l’ancienneté de leur modification sous l’effet des activités humaines. On parle alors de paysage méditerranéen

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pour caractériser ce fruit d’une longue interaction entre homme et nature. Sur le territoire du PnC, les actions humaines prédominantes sont l’agropastoralisme et, plus récemment, la foresterie. Trois grands types de paysages y ont ainsi été façonnés selon la géologie, la diversité biologique et le type d’activités :

1) les Causses, vastes plateaux calcaires entaillés de gorges profondes ; ces paysages majoritairement ouverts,aux allures de steppes recouvertes de pelouse, résultent d’une forte déforestation et d’un pastoralisme ovin pluriséculaire. Il existe également un “Causse boisé”, composé de plantations de pins noirs d’Autriche (Pinus nigra subsp. Nigra), de bois de pins sylvestres (Pinus sylvestris) et de rares peuplements endémiques de pins de Salzmann (Pinus

nigra subsp. Salzmanii).

2) le mont Lozère, un paysage sur socle granitique essentiellement ouvert au sud, davantage boisé au nord, et marqué par des pelouses subalpines et des landes à callunes (Calluna

vulgaris), et par un pâturage ovin et plus récemment bovin.

3) les Cévennes schisteuses et ses longues vallées, un paysage construit, à dominante forestière, accueillant un pâturage caprin et ovin. Châtaigneraies, cultures en terrasses, murs et ouvrages en pierres sèches y sont caractéristiques.

L’empreinte humaine particulière sur ces paysages a été entérinée en 2011 par l’Unesco, qui a inscrit le paysage culturel de l’agropastoralisme méditerranéen en Causses et Cévennes au patrimoine mondial de l’humanité. La diversité des milieux explique la superposition de plusieurs statuts de conservation, qui complexifient la gestion conservatoire de ce territoire du Sud du Massif Central : Parc national et patrimoine mondial de l’Unesco, mais également réserve Homme et Biosphère (programme MAB de l’Unesco), plusieurs zones Natura 2000 et zones naturelles d’intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF).

La diversité des habitats naturels des Cévennes offre une grande variété de plantes mellifères propices à une conduite apicole. Les châtaigneraies et les landes à callunes en sont les figures les plus emblématiques. L’apiculture est une activité importante dans les Cévennes, depuis longtemps qualifiées de “terre de miel”. La persistance d’une forte activité apicole qui, des siècles durant, fut l’unique source de sucre, et la grande variété de miellées, sont aujourd’hui des facettes saillantes de l’agriculture locale. Reconnaissant la préservation du patrimoine apicole, naturel et culturel, comme l’un des principaux vecteurs de développement touristique, le Parc national apporte son soutien à des actions de recherches, destinées à mieux comprendre l’état actuel de cette activité, et ses fondements historiques.

Soucieuses de ne pas occulter l’importance croissante de l’apiculture professionnelle en Cévennes, ces études visent également à appréhender l’évolution globale de l’apiculture cévenole, et à fixer les modalités d’une réflexion concertée, dans le but de préserver le patrimoine apicole traditionnel.

Parmi la petite trentaine de sous-espèces d’abeilles décrites à ce jour, l’abeille noire (Apis

mellifera mellifera) est la sous-espèce d’abeille mellifère originellement implantée en France.

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patrimoniales et touristiques, est forte de croire en l’existence d’une abeille noire cévenole. Il faut bien reconnaître qu’au fil du temps, et de l’intensification de sa domestication, l’abeille noire a bien été contrainte à s’adapter aux conditions écologiques et climatiques particulières des Cévennes, et de se différencier peu à peu en une population locale adaptée à cet environnement. Lorsque la différenciation devient génétiquement attestée, elle caractérise ce que les généticiens appellent un écotype. Toutefois, l’adaptation locale d’une population d’abeilles ne se traduit pas systématiquement par l’émergence d’un écotype cévenol, dont la caractérisation est complexe, et pas encore avérée.

Il n’en reste pas moins que cette abeille noire, bien adaptée aux conditions environnementales cévenoles, mérite d’être préservée.

Cette thèse se déroule en trois parties.

Les premiers chapitres portent leur regard sur le patrimoine culturel cévenol, sur l’objet, la ruche-tronc : son apparition et son évolution en Cévennes (Chapitre 1), les savoirs des anciens autour de ces ruches, les bruscs (Chapitre 2), l’implantation des ruchers-troncs sur le territoire (Chapitre 3) et enfin le passage progressif d’une apiculture traditionnelle à une apiculture moderne (Chapitre 4).

La deuxième partie concerne l’abeille, ou plutôt les abeilles : l’importation des abeilles en Cévennes, et ce que l’on dit d’elles (Chapitre 5), l’état des lieux des populations d’abeilles en Cévennes, à partir de prélèvements sur le terrain (Chapitre 6).

Pour finir, la dernière partie (Chapitre 7) nous donne un aperçu des actions de conservation du patrimoine apicole entreprises depuis la création du Parc national des Cévennes, et ouvre des perspectives pour les actions à mettre en place.

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LES RUCHES-TRONCS ET LE DÉVELOPPEMENT

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Avant-propos

Les personnes interrogées ont pour la plupart connu de leur vivant l’époque où les ruchers-troncs occupaient une place prépondérante dans l’économie domestique. Nous les remercions de nous avoir permis de mieux appréhender cette apiculture traditionnelle en partageant leurs souvenirs.

Pour les personnes interrogées, le terme « autrefois », correspond à la période du début du XXe siècle ou de la fin du XIXe siècle. La mémoire collective est assez courte dans le temps. De nombreuses informations sont issues d’enquêtes, de discussions informelles, des connaissances ainsi que des documents provenant des archives personnelles de Daniel Travier et d’Alain Renaux, respectivement historien et ethnobotaniste en Cévennes ; ils ont ainsi largement enrichi ce manuscrit. Un grand merci à eux.

La plupart des autres documents cités proviennent des Archives départementales de la Lozère et de celles du Gard.

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Chapitre 1 L’apparition et le

développement de l’apiculture dans les

Cévennes

Comment le rucher-troncs a été inventé, comment il s’est établi, développé et comment il a régressé dans les Cévennes ? Ce chapitre est un aperçu, un bref regard sur une grande partie de l’histoire des Cévennes afin de tenter de dater les plus anciennes traces des ruchers-troncs, de comprendre les raisons de leur développement et d’expliquer la transition vers une apiculture en ruches modernes.

Dans son ouvrage « Histoire des Cévennes », Patrick Cabanel déplore une absence de connaissances précises sur les époques anciennes, y compris médiévale, de l’histoire cévenole (Cabanel, 2009). Pour la Préhistoire, l’Antiquité et le Moyen Âge, nous possédons très peu d’éléments précis sur la récolte du miel et l’apiculture en Cévennes. Pour les périodes plus récentes et malgré quelques travaux, surtout orientés vers l'ethnologie, les archives concernant l’apicollecte ou l’apiculture sont encore à un stade de défrichage. Reste à les documenter, à les critiquer, les comparer, les discuter et les interpréter.

Les documents conservés aux Archives départementales de la Lozère (ADL), du Gard (ADG) et de l’Ardèche sont une richesse encore inexploitée !

Mais les informations sur la végétation et la présence d’abeilles, les documents écrits et oraux dont nous avons pu disposer et l’extrapolation de ce qui a été décrit ailleurs, nous permettent de tenter d'établir une image, aussi peu précise soit-elle, des relations entre les humains, le miel et les abeilles dans une aire protégée au sud du Massif Central.

1.1 De la préhistoire au Moyen Âge, l’apparition de