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Dans les livres plus récents d’apiculture, le terme d’abeille commune n’existe plus. Les différentes races d’abeilles sont décrites avec leurs avantages et leurs inconvénients. L’abeille noire, qui autrefois était décrite comme douce, est souvent décrite aujourd’hui comme une abeille plutôt agressive. L’hybridation peut favoriser l’agressivité.

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Mais il y a un problème qu’illustre bien le petit dessin humoristique. Le terme d’abeille commune est remplacé par celui de l’abeille noire, comme si cette appellation recouvrait une race bien définie, sous-entendue pure. Il en va de même avec les autres races telles la caucasienne ou l’italienne. Et cela prend une connotation rassurante, comme si le simple fait de donner un nom à la race suffisait à la définir et à la « purifier ».

Le métissage entre les différentes races est tel que ces appellations n’ont plus vraiment de valeur. L’abeille noire est-elle vraiment noire, même si elle a une apparence noire ? Claude Nougaro aurait très bien pu écrire une chanson : Abeille, je ne suis pas noire… J’n’ai qu’l’aspect de la noire !

Il n’est donc pas aisé de savoir à qui on a affaire, que l’on soit généticien ou apiculteur. Ameline : C’était quoi comme abeille ?

Jean : Bah euh… ça doit être… C’était pas la noire ça … C’était l’abeille du

pays.

A : C’était pas l’abeille noire ?

J : Non. Elle était pas noire noire… C’était l’abeille qu’on avait ici dans la région,

toutes étaient à peu près les mêmes.

A : Elle avait des caractéristiques ? Comment vous la reconnaissiez ?

J : Oui, c’était toutes les mêmes. Ça s’est mis à changer quand il y a eu de la

transhumance… On discutait une fois avec une fille de Montvert. Et elle me disait cette transhumance, les bourdons avec les abeilles d’ici, ça fait une chose qui marche pas.

A : Vous voyez la différence entre l’abeille de maintenant et celle qu’il y avait

avant ?

J : Elles sont un peu plus noires. Tandis que celles qu’on avait ici, elles étaient

presque … pas jaune m’enfin elles étaient claires.

A : Et à part la couleur il y avait une autre différence ?

J : Non… Y en avait des plus méchantes que d’autres. On savait pas d’où ça

venait. Il y en avait des plus mauvaises. Il y avait des ruches, mais alors c’étaient des teignes finies ! On passait, on disait rien, on prenait un coup de fumée. Et si on s’en apercevait pas, elles se mettaient à sortir, elles vous volaient dessus. Ah, c’était incroyable ! Il y en avait d’autres qu’on faisait ce qu’on voulait. Mais celles-là on les avait repérées ! Il fallait avoir la fumée et tenir l’œil !

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Qui pourrait dire « Cette abeille de couleur noire que je vois est une abeille noire » ? Qui pourrait mettre en cause ce qu’il voit, surtout si l’abeille est d’un beau noir sombre ?

Yvon :L’abeille noire a pas disparu, mais enfin elle a beaucoup régressé, du moins il y a beaucoup de croisements. Dans ma vie de professionnel d’apiculture, j’en ai vu que deux pures !

Ameline : Noire ? M : Oui et c’est beau !

A : Et comment vous les identifiez ?

M : L’abeille noire elle est noire et elle est plus velue qu’une abeille normale.

Elle a pas des grands poils, mais on dirait du velours ! Du velours noir. Mais c’est beau, hein ! C’est très très beau une reine pure noire. Mais bon la majorité sont métisses, il y a eu des croisements, je veux dire des quantités !

Pourtant, malgré le phénotype trompeur, chacun se fait une idée de l’abeille noire en fonction de son comportement et de ses aptitudes.

Pierre : On sélectionne sur les ruches qui vont démarrer très tôt, qui sont pas

agressives, qui ont un comportement sanitaire super, qui nettoie très très bien ! Qui produisent ! Celles qui vont démarrer le plus tôt le matin, et qui vont rentrer le plus tard le soir !

Ameline : Peu importe la race ?

P : Peu importe ! C’est vraiment le comportement de la ruche dans son

ensemble.

Ce qui est intéressant, c’est qu’elle hiverne avec le moins de monde. La noire est très prudente, elle ne démarre pas aussi vite, la caucasienne aussi. Alors que l’italienne ou la Buck, d’un coup, quand les conditions sont là, direct elle pond. Mais si derrière il y a un coup de mauvais, elle se retrouve avec pleins de bouches à nourrir, qu’elle ne peut pas, et les colonies deviennent très faibles. Ici, il nous faut des variétés de montagne ! J’avais pas mal de noires au départ, très très agressives. Quand j’ai voulu changer ma race, gentiment, ça s’est mal passé. On a beaucoup de mal à élever la noire. Au niveau de son comportement, elle accepte pas bien tout un tas de manipulations, alors du coup quand on lui présente des reines, soit c’est des reines vierges ou des reines à naître, eh bien elle les tue !

Chacun donc semble avoir son regard sur l’abeille noire, avoir son expérience avec elle, expérience opposée à ce que pense un autre apiculteur, et ainsi de suite… Faut-il donc conserver l’abeille génétiquement noire, ou bien une abeille qui correspond à l’idée qu’on se fait de l’abeille noire… ?

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Chapitre 6 Répartition des populations

d’abeilles mellifères sur le territoire

cévenol – Diversité des abeilles et diversité

de l’apiculture