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Il est bien entendu qu'on ne peut pas confondre l'organisation de l'État, que le régime de Vichy tente de mettre en place (Commission représentative de l’apiculture, doc. 1C), et celle qui s'appuie sur le programme du Conseil National de la Résistance. Mais force est bien de constater, à la lecture des documents, et en ce qui concerne la question somme toute mineure de l'apiculture, qu'à la Libération, confrontées aux mêmes difficultés de la vie quotidienne, et aux difficultés du ravitaillement, les autorités de la République n'ont pas fondamentalement remis en cause les initiatives prises pendant la guerre. Dans cette période, les services de l'État, tant de Vichy que de la République, ont déterminé par la planification et le contrôle, une transformation des pratiques qui va orienter l'activité apicole vers la modernité.

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4.2.1 La planification

Pendant les années de guerre, l’État français considère la production du miel comme un réel appoint au ravitaillement Général de la Nation. Aussi, entre 1941 et 1944, des initiatives sont prises pour accroître l'activité d'établissements apicoles existant avant-guerre (8 S), pour inciter au développement de l'apiculture, par son introduction dans la formation des instituteurs (9 S), et pour organiser la production en planifiant, et en prévoyant, la quantité de miel que chaque apiculteur devra livrer (2 N).

À la Libération, confrontées aux mêmes difficultés, les autorités de la République ne remettent pas en cause fondamentalement ces initiatives.

Il convient dans ces années de privation, d'éviter la perte du cheptel. Au-delà de l'interdiction de la destruction des colonies par l'étouffage (1 I), de nombreux documents conservés aux Archives départementales de la Lozère (ADL), concernent la lutte contre les maladies contagieuses, notamment la loque (2 D).

Dans les années de guerre, le nourrissement en sucre des abeilles semble devenir courant et nécessaire. La fourniture de sucre, impropre à l'alimentation humaine, fait l'objet de nombreux courriers entre les Services agricoles et les apiculteurs (Figure 83 et Figure 84) (1 N

à 8 N).

Les documents ne permettent pas de déterminer si le sucre était plus particulièrement utilisé en ruches à cadres, ou s'il l'était aussi en ruches-troncs. Le nourrissement était en général une pratique peu répandue pour les ruches-troncs, car le miel n'en était jamais totalement extrait. Tout au plus les Cévenols utilisaient un jus de châtaigne qui suffisait aux besoins de la ruche.

Figure 83 - Lettre du Directeur des Services Agricoles à Monsieur Pigon Jean, Pasteur à Saint-Etienne-Vallée-Française et à Monsieur Saint Pierre, épicier à Montbrun – 2 novembre 1942. (1 N).

132 Figure 84 - Lettre du Président du Comité Départemental d’Action Agricole de la Lozère adressée à Monsieur le

Directeur des Services Agricoles à Mende – 12 février 1945. (2 N)

Certaines initiatives pouvaient avoir des effets pervers. Ainsi, en 1941, l'incitation à utiliser, pour le nourrissement, du sucre de raisin désacidifié, s'est en fait soldé par une mortalité très importante des abeilles, conduisant l'administration à revenir sur cette incitation (Figure 85).

133 Figure 85 - Courriers du Ministre, Secrétaire d’État à l’Agriculture à Messieurs les Directeurs des Services Agricoles

Janvier, février 1941. (9N)

4.2.2 Le contrôle de l’apiculture

Contrairement à d'autres départements, même voisins, jusque dans les années 1940 il n’existait pas en Lozère de réglementation spécifique sur la localisation d’un rucher (12 D) Dans un courrier daté du 13 avril, le Préfet du département indique au conseiller général de Mende, qu’il n’existe pas de règlementation spécifique dans ce département.

« … l’un de mes prédécesseurs qui voulait prendre un arrêté d’ensemble pour le département de

la Lozère, demande l'avis de l'assemblée départementale [… ] le Conseil Général estima qu'il n'y avait pas lieu de prendre " plus que par le passé, des mesures restrictives (séance du 23 août 1889 " Depuis lors la question n'a jamais été reprise dans cette Assemblée. » (11 D).

Figure 86 -Courrier du Directeur des Services Vétérinaires de Lozère à Monsieur Le Directeur des Services Agricoles (Déclaration sanitaire obligatoire) – 5 octobre 1943. Arrêté préfectoral – 30 septembre 1943. (1 D)

134 Figure 87 - Apiculture Pastorale – Journal officiel du 25 février 1944 (4 D)

Il existait bien un contrôle sanitaire avant-guerre. Mais son exercice était rendu difficile par la non-déclaration des ruches. Dans les années de guerre, des mortalités importantes d'abeilles, dont une est liée à la décision administrative sur le sucre de raisin, ont poussé l'administration à rendre obligatoire la déclaration des ruches pour, notamment, faciliter l'intervention des services sanitaires (1 D à 8 D) (Figure 87 et Figure 86).

Cette obligation n'a, semble-t-il, jamais véritablement été suivie d'effets véritables et à long terme puisque, en 1960, le directeur des Services Vétérinaires indique, dans une note, que le nombre de ruches déclarées était passé de 257 en 1956 à 12 en 1957 (Figure 88). Quand on sait que 3123 ruches, dont 697 ruches à cadres avaient été recensées par les services agricoles en 1943 (voir § 1.4.1), il est très clair que le recensement des services vétérinaires ne fonctionnait pas !

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4.2.3 Après la seconde guerre mondiale, développement plus

intensif de la ruche à cadres

Pour les années qui suivent la fin de la seconde guerre mondiale, les Archives départementales conservent de nombreux documents qui font ressortir l'intérêt de la population pour l'apiculture moderne.

Ainsi, des particuliers s'adressent à l'Ingénieur des Services Agricoles de la Lozère qui répond à chacun ; ces échanges sont conservés dans les archives. Ces personnes se renseignent dans le but de créer, ou de développer, un élevage moderne d'abeilles, c'est à dire de mettre en œuvre des ruches à cadres (1 A à 4 A) (Figure 89). Ainsi, des demandes de renseignements techniques portent sur l'emploi des extracteurs de miel, qui n'ont véritablement d'intérêt qu'utilisés avec les ruches à cadres (5 A et 6 A) (Figure 90).

Les efforts de formation, engagés pendant la guerre, sont poursuivis, et des spécialistes apicoles, agréés par la direction des services agricoles, se partagent le territoire en rayons d’actions, dans le but d'organiser la formation à l'apiculture moderne (de 1 S à 7 S).

Figure 89 - Demande de conseils techniques pour la mise en place d’un rucher moderne– Correspondance entre M. Quet, Ingénieur des Services Agricoles à Mende et M. Pual Flayol à Saint Roman de Tousques – Janvier 1947 (2 A)

136 Figure 90 - Courrier de l’Ingénieur Principal des Services Agricoles à M. Chabert à Marvejols – Août 1947 (5 A)

Figure 91 - Courrier du Directeur de la Production Agricole à Messieurs les Ingénieurs en Chef, Directeurs des Services Agricoles – Février 1947 (7 S)

Il semble que dans les années 1950 et 1960, le futur de l'apiculture cévenole, soit dans les ruches à cadres…

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