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D’un point de vue biogéographique, la flore d’une région ou d’un pays est constituée à la fois de plantes indigènes et d’un ensemble de plantes étrangères.

Pour les distinguer, les palynologues utilisent essentiellement, dans les milieux anthropisés, la dichotomie apophyte / anthropochore. Ces catégories ont été d’abord définies par Berglund (1969) et Behre (1988), s’appuyant sur un botaniste du début du siècle dernier, Linkola (1916), puis ont été couramment reprises (cf. pour la région, Gauthier, 2001 et succinctement Mazier, 2006).

Behre (1988) les définit ainsi :

(1) les apophytes sont des espèces natives favorisées et propagées, directement ou indirectement, par les activités humaines et qui colonisent des biotopes nouvellement établis ;

(2) les anthropochores sont non natives dans l’aire considérée et sont généralement introduites de façon involontaire par l’homme.

Notons que cette définition diffère de celle de Berglund (1969) et Fries (1969) pour lesquels : (2’) les anthropochores sont des plantes introduites par l’homme à la fois intentionnellement (plantes cultivées) et accidentellement (mauvaises herbes).

Les deux définitions proposées pour « anthropochore » sont quelques peu imprécises. Dans la première (2), Behre n’exclut pas explicitement les plantes cultivées ce qui donne lieu à des interprétations divergentes et confuses suivant les auteurs. Dans la deuxième (2’), il manque la délimitation du territoire biogéographique considéré ce qui est lourd de conséquences puisque les catégories sont parfois reprises sans tenir compte du gradient géographique.

Il paraît donc nécessaire dans cette étude de revenir aux sources, les concepts des botanistes et des écologues actuels, et d’y chercher les catégories les mieux adaptées à l’utilisation palynologique que nous voulons en faire.

Pyšek et alii (2002, 2004b) partent de ce même constat (multitude des notions employées : indigène, étrangère, anthropochore, apophyte, naturalisée, subspontanée, fugace, archéophyte, néophyte etc. sous des acceptions diverses selon les auteurs) pour en déduire la nécessité d’utiliser un vocabulaire précis et dont la définition est internationalement reconnue. Le plus récent de leurs articles (2004b) propose une simplification et une normalisation de ces définitions que nous suivrons.

Les définitions présentées ci-dessous font la synthèse entre les leurs (2004b) et celles du Dictionnaire de Biogéographie végétale (Da Lage & Métailié, 2000).

Plante indigène

Synonymes : plante native et, partiellement, plante spontanée (ce terme peut aussi

concerner des espèces étrangères dont l’introduction est ancienne puisqu’il ne signifie que « plante croissant en un lieu donné sans avoir été plantée »).

Correspondance en anglais : native plant, indigenous plant.

Définition : se dit d’un taxon, d’une population ou d’un groupement originaire du

territoire biogéographique où il se trouve ou d’un taxon qui est arrivé dans ce territoire sans intervention humaine (par exemple : les plantes qui recolonisent un territoire de façon « naturelle » après une période de glaciation sont inclues dans la flore indigène de ce territoire).

Note : quand on dit d’un taxon qu’il est indigène dans telle région, il importe de

préciser l’échelle de temps à laquelle on se réfère : ères géologiques, périodes glaciaires, époque historique etc.

Interprétation : nous considèrerons comme indigène toute espèce présente dans la

région depuis la fin de la dernière glaciation (Würm) ainsi que toutes les espèces arrivées depuis sans intervention humaine.

Plante étrangère

Synonymes : plante introduite, plante exotique, plante allochtone, plante exogène,

anthropophyte.

Correspondance en anglais : alien plant, exotic plant, introduced plant, non-native plant, non-indigenous plant, anthropophyte.

Définition : se dit d’un taxon, d’une population ou d’un groupement rencontré dans un

territoire biogéographique donné bien qu’il n’en soit pas originaire et dont la présence est due à l’intervention volontaire ou involontaire de l’homme.

Note : quand on dit d’un taxon qu’il est étranger, il importe de préciser l’aire

considérée : continents, îles, régions etc.

Interprétation : nous considérerons comme étrangère toute plante présente en Franche-

Comté à cause de l’intervention volontaire ou involontaire de l’homme depuis le Néolithique.

On peut ensuite différencier des degrés dans la notion de plante étrangère, selon le temps d’implantation ou bien le mode d’introduction par exemple. Là encore une terminologie riche a été développée principalement en Europe centrale (Holub & Jirásek, 1967 ; Kornaś, 1990…) et les acceptions et limites des catégories créées sont presque aussi diverses que les auteurs. Une synthèse a été proposée par Pyšek et alii (2002 et 2004b). Cette terminologie permet de classer les espèces allochtones dans des catégories en se basant sur trois critères qui reflètent leur lien avec l’homme : la période d’introduction, le moyen d’introduction, et le type d’habitat colonisé. Nous ne présenterons ici que les définitions des termes utilisés dans le cadre de l’étude ; pour les autres, le lecteur est invité à se reporter aux références citées.

Tout d’abord, nous essaierons de distinguer les espèces étrangères selon la période à laquelle elles ont été introduites ; nous distinguerons alors les archéophytes des néophytes.

Archéophyte

Correspondance en anglais : archaeophyte.

Définition : espèce aujourd’hui présente dans une station en raison de son introduction intentionnelle ou non par l’homme avant le XVe siècle6 (pour l’Europe occidentale) et dont la longue adaptation à cette station lui a permis d’y croître, de s’y reproduire et d’y concurrencer les espèces indigènes.

Néophyte

Synonyme : chénophyte et partiellement xénophyte (les auteurs qui utilisent ce terme

sous-entendent une introduction involontaire de l’homme).

Correspondance en anglais : neophyte, chenophyte.

Définition : espèce aujourd’hui présente dans une station naturelle ou semi-naturelle

suite à son introduction intentionnelle ou non par l’homme après le XVe siècle et d’une

adaptation qui lui a permis d’y croître, de s’y reproduire et d’y concurrencer les espèces indigènes.

Selon le degré d’implantation d’une espèce allochtone, on distingue encore différentes catégories, nous n’en utiliserons que deux :

Plante naturalisée

Correspondance en anglais : naturalized plant, established plant.

Définition : se dit d’un taxon introduit par l’homme (plante étrangère) dans une région

et s’y reproduisant depuis au moins 10 ans sans intervention humaine.

Note : une espèce peut être naturalisée dans n’importe quel type d’écosystème

(naturel, semi-naturel ou anthropique). Le temps de persistance nécessaire pour que l’on considère qu’une espèce est naturalisée est forcément arbitraire ; Pyšek et alii proposent 10 ans alors que les auteurs de la Flora Europaea (Tutin et alii, 1964–1980 et 1993) considèrent qu’il faut 25 ans. Pour notre étude qui ne concerne que des périodes de temps long, ces problèmes n’entrent pas en considération.

6 La date retenue par convention par les auteurs est celle de la découverte des Amériques (1492 : début de l’époque moderne en histoire). En effet, la mondialisation puis l’intensification des échanges qui en résulte, constituent une césure sans équivalent dans les périodes plus anciennes. Cela a pour conséquence d’accélérer les relations et les échanges entre les flores des continents américain et eurasiatique.

Plante étrangère accidentelle

Synonyme : subspontanée et adventice dans leurs sens premiers7.

Correspondance en anglais : casual alien plant.

Définition : se dit d’une plante étrangère qui fleurit et même se reproduit

occasionnellement en dehors d’une intervention humaine, qui se maintient donc plus ou moins longtemps autour de sa station d’origine sans pour autant arriver à se propager dans le milieu naturel. Elle compte alors sur des introductions répétées de l’homme pour persister.

Cette mise au point montre la nécessité, pour utiliser ces différentes notions dans les études écologiques ou palynologiques, de distinguer, pour un territoire donné, tout d’abord les espèces indigènes des étrangères, puis au sein des allochtones, les archéophytes des néophytes, ainsi que les espèces naturalisées des accidentelles.