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Dans la flore compagne des lieux cultivés, les groupements définis en I.3. ont des proportions d’espèces indigènes ou étrangères qui diffèrent fortement (cf. G-test, figure 25).

Seul le Scleranthion annui (2) contient plus d’espèces indigènes (62,2% des espèces de cette alliance) que d’espèces étrangères (seulement 37,8% des espèces de cette alliance, dont seulement 29,2% d’archéophytes).

C’est dans la végétation compagne des cultures sur sols calcaires que l’on trouve le plus d’espèces étrangères. C’est-à-dire surtout dans le Caucalidion lappulae (1, 77% des espèces de cette alliance, dont 62% d’archéophytes) et le Veronico agrestis-Euphorbion

peplus (5, 82% des espèces de cette alliance, dont 55,5% d’archéophytes). Le Lolio remotae - Linion usitatissimi (3), composé d’espèces fortement mimétiques et aujourd’hui disparues

(certaines même déjà absentes des flores écrites du XIXe siècle, par exemple Cuscuta

epilinum), était un groupement riche en archéophytes comme le 1 et 5.

21 La présence de végétaux liée aux mouvements de troupes et aux sièges lors des conflits militaires a été mise en évidence à de nombreuses reprises (par exemple pour l’ambroisie, Chauvel et alii, 2006).

Figure 25 : répartition des espèces indigènes et étrangères dans les différents groupements de la flore des milieux cultivés (voir leur description supra en I.3.)

1 = Caucalidion lappulae ; 2 = Scleranthion annui ; 2.1 = Arnoseridenion minimae ; 2.2 = Scleranthenion annui ; 3 = Lolio remotae–Linion usitatissimi ; 4 = Panico crus-galli–Setarion viridis ; 4.1 = Panico crus-galli–Setarenion viridis ; 4.2 = Eu-Polygono persicariae–Chenopodenion polyspermi ; 5 = Veronico agrestis–Euphorbion peplus (cf. données en annexe 3a).

Certaines espèces peuvent appartenir à plusieurs groupements (le total est donc supérieur à 100%). 1 = 1 + les espèces les plus courantes ; 2 = 2 + 2.1 + 2.2 + les espèces les plus courantes ; 2.1 = 2 + 2.1 + les espèces les plus courantes ; 2.2 = 2 + 2.2 + les espèces les plus courantes ; 3 = 3 + les espèces les plus courantes ; 4 = 4 + 4.1 + 4.2 + (4+5) + les espèces les plus courantes ; 4.1 = 4 + 4.1 + (4+5) + les espèces les plus courantes ; 4.2 = 4 + 4.2 + (4+5) + les espèces les plus courantes ; 5 = 5 + (4+5) + les espèces les plus courantes.

Les groupements sont classés selon leur proportion décroissante d’archéophytes.

La répartition des espèces dans les alliances et significativement différente selon le statut de chacune d’entre elle. Un G-test est réalisé à partir du tableau de contingence, G = 96,72 ; df = 24 ; P < 0,001.

Le Panico crus-galli-Setarion viridis (4) est assez proche des groupes 1 et 5 (environ 25% d’indigènes, 74% d’étrangères dont 55 % d’archéophytes dans cette alliance) et il a surtout en commun avec le Veronico agrestis-Euphorbion peplus (5) de présenter la plus forte proportion de néophytes (environ 15% des espèces dans chaque alliance).

Il n’y a pas de différences significatives entre les deux sous-alliances du Scleranthion

annui (2.1 et 2.2) et celles du Panico crus-galli-Setarion viridis (4.1 et 4.2).

Pyšek et alii (2005), dans un article sur les espèces étrangères des communautés d’adventices des cultures, ont montré qu’en Europe centrale les archéophytes, néophytes et indigènes occupent des habitats différents. Les archéophytes des lieux cultivés trouvent des conditions optimales de développement dans les groupements des régions sèches sur des sols secs et calcaires (plutôt de basses altitudes) alors que les espèces indigènes se trouvent préférentiellement dans les régions plus froides, plus arrosées sur des sols plutôt humides et riches en nutriments. Ensuite, les archéophytes sont plus nombreuses dans les cultures

0 5 10 15 20 25 30 1 5 2 2.1 4 4.1 2.2 4.2 3 % d u to ta l des es p è ce s (n = 2 25 ) indigène étranger (total) archéophyte néophyte étranger (indéterminé)

traditionnelles existantes depuis les débuts de l’agriculture (céréales…) et très peu présentes dans les cultures les plus récentes (maïs, colza). Et enfin, les néophytes sont au contraire plus courantes dans les cultures modernes (betteraves, colza, maïs etc.) et dans les zones chaudes et densément peuplées (Pyšek et alii, 2005, tableau 4, p. 780).

Concernant les archéophytes, indigènes et néophytes de notre cortège d’espèces compagnes des cultures, on retrouve une répartition assez similaire au sein des groupements. Les archéophytes sont plus nombreuses dans les cultures traditionnelles d’hiver sur sols neutro-alcalin (majoritairement les céréales : blé, orge, avoine etc.).

Les néophytes sont plus fréquentes dans les groupements de cultures sarclées (4 et 5) car ce sont majoritairement des cultures d’introduction récente (pommes de terre, betterave). Mais notons, comme dans l’étude de Pyšek et alii (2005, p. 782), que, malgré tout, dans ces cultures sarclées, le nombre d’archéophytes et d’espèces natives est aussi important. D’après ces auteurs, ce sont les façons culturales propres à ces cultures qui permettent la présence d’une flore riche et abondante. En effet, la répétition des sarclages entraîne une diminution de la compétitivité de l’espèce cultivée et des adventices déjà installées ce qui offre la possibilité à toute espèce présente à proximité de s’y établir et cela plusieurs fois dans la saison (que ce soit une archéophyte, une néophyte ou une espèce native).

Les indigènes se retrouvent, elles, majoritairement dans les cultures sur sols sablonneux plus ou moins acides. Si Pyšek et alii (2005) ne mettent pas en évidence de lien entre le type de culture et la présence d’espèces natives, la présence de ces dernières est fortement associée aux régions froides et humides. Comme nous l’avons déjà mis en avant, notre région d’étude a pour particularité de présenter une seule zone à tendance fortement acidophile (où l’on trouvera la majorité des espèces du Scleranthion annui) : le massif vosgien et ses marges. Cette zone de la Franche-Comté est caractérisée par un climat plutôt froid (hivers rudes), pluvieux et ceci à plus basse altitude que dans le massif jurassien (cf. I.1.). Cette singularité peut expliquer la forte proportion d’espèces indigènes présentes dans cette alliance. Notons aussi que certaines espèces, archéophytes en République Tchèque, ont été considérées comme des indigènes probables dans notre dition (indigène ? : Arnoseris

minima, Anthemis nobilis), ce qui participe à l’augmentation de la proportion d’indigènes

III.4.2. Végétation anthropique des lieux incultes et des friches

Au sein de la flore rudérale, les groupements définis en I. 2. présentent des proportions d’espèces indigènes ou étrangères qui diffèrent fortement (figure 26).

Figure 26 : répartition des espèces indigènes et étrangères dans les différents groupements de la flore rudérale (voir leur description supra en I. 2.).

1 = Polygono arenastri–Coronopodion squamati ; 2 = Potentillion anserinae ; 3 = Poion supinae ; 4 = Sisymbrion officinalis ; 5 = Chenopodion muralis ; 6 = Arction lappae ; 7 = Onopordion acanthii ; 8 = Dauco carotae–Melilotion albi ; 9 = Convolvulo arvensis–Agropyrion repentis ; 10 = Convolvulion sepium ; 11 = Aegopodion podagrariae + Alliarion petiolatae (cf. annexe 3b).

Les groupements sont classés selon leurs proportions décroissantes d’archéophytes.

La répartition des espèces dans les alliances est significativement différente selon le statut de chacune d’entre elle. Un G-test est réalisé à partir du tableau de contingence, G = 113,37 ; df = 30 ; P < 0,001.

C’est dans les cortèges floristiques des stades pionniers de la végétation rudérale que l’on trouve le plus d’archéophytes et de néophytes : Sisymbrion officinalis, (4, la plus riche en archéophytes, 55,2% des espèces de l’alliance), Chenopodion muralis (5) et toutes les alliances de l’Artemisietea vulgaris (6, 7 et 8). Les stades plus avancés sont par contre beaucoup plus riches en espèces indigènes, c’est surtout le cas de l’Aegopodion podagrariae et l’Alliarion petiolatae (11, 84,4% des espèces de l’alliance).

Ces résultats concordent bien avec ceux d’études sur les successions de végétation dans les lieux anthropisés (cf. Pyšek & Pyšek, 1991, fig. 5, p. 133) qui montrent que dans ce processus les espèces indigènes remplacent graduellement les étrangères et que les premiers stades de ces successions de végétation sont plus riches en archéophytes et néophytes (cf. Pyšek et alii, 2004a, p. 785).

0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 4 7 6 5 8 1 11 2 9 10 3 % du to ta l d e s es p è ce s (n = 3 1 0 ) indigène étranger (total) archéophyte néophyte étranger (indéterminé)

Comme dans la flore des lieux cultivés, on peut distinguer deux autres gradients : la richesse en archéophytes et néophytes dépend aussi de l’altitude et de l’humidité du milieu. Ces gradients s’observent bien au sein des lieux piétinés (alliances 1, 2 et 3). La première alliance, que l’on trouve dans les lieux chauds de plaine, est riche en espèces étrangères (57,9% des espèces de cette alliance). Les alliances 2 et 3, que l’on trouve respectivement dans les lieux humides de plaine et dans les zones d’altitude, sont les deux groupes où l’on trouve le moins d’espèces étrangères (12,5 et 25% des espèces de ces alliances, figure 26).

III.5. Synthèse

L’étude de l’ensemble de ces caractéristiques permet de mettre au jour de nombreuses différences au sein de la flore rudérale et de la flore des milieux cultivés entre les espèces indigènes et étrangères et entre les archéophytes et néophytes.

Les caractéristiques types des espèces des milieux cultivés que l’on vient de dégager longuement sont à présent résumées de manière synthétique dans le premier tableau ci- dessous (tableau 9).

On procède ensuite de la même manière avec celles des milieux rudéraux (tableau 10). Enfin, il est intéressant de comparer, en croisant les données de ces deux tableaux précédents, quelques caractéristiques biologiques, écologiques et chorologiques des espèces typiques des biotopes anthropisés (milieux cultivés et rudéraux, tableau 11).

Etranger (64%) Statut des 225

espèces Indigène (36%) Néophyte (8,9%) Archéophyte (47,1%)

Familles les plus

fréquentes Asteraceae, Brassicaceae Caryophyllaceae, Asteraceae, Poaceae, Fabaceae Poaceae, Asteraceae, Brassicaceae Plantaginaceae, Geraniaceae Familles présentes uniquement dans ce groupe Alliaceae - Papaveraceae Cycle de vie et types biologiques 81% de thérophytes (dont 24% sont facultativement bisannuelles) et 25% d’espèces vivaces (majoritairement des hémicryptophytes) 76% de thérophytes (dont 23% sont facultativement bisannuelles) et 23% d’espèces vivaces (hémicryptophytes ou géophytes) 99% de thérophytes (dont seul 13% sont facultativement bisannuelles) Phénologie et floraison des espèces annuelles

Essentiellement des annuelles d’hiver, éventuellement de printemps, réalisant leur cycle entre le semis et la moisson ou un peu au-delà (le maximum de floraison est atteint entre

juin et juillet)

Entomogames mais surtout entomogames/autogames et autogames strictes dominent Pollinisation

Déficit d’anémogames -

Stratégie démographique

Fort investissement reproductif, cycle de vie annuel (type « r »), espèces spécialisées et peu compétitives (type R et SR de Grime) OU fort investissement végétatif, cycle

de vie vivace (type « k »), espèces spécialisées et peu compétitives (type R et SR de Grime)

Fort investissement reproductif, cycle de vie annuel (type « r »), espèces

spécialisées et peu compétitives (type R et SR

de Grime) Dissémination Anthropochore (barochore, épizoochore) et anémochore Caractéristiques

chromosomiques Ploïdie variable Fréquemment polyploïdes Fréquemment diploïdes

Biogéographie

Semblable au profil phytogéographique de la région. Seul groupe où l’on

trouve des espèces occidentales

Une majorité d’espèces méditerranéennes et méridionales (voire à très large répartition) Beaucoup d’espèces à très large répartition, à répartition méridionale et méditerranéenne

Origine - méridionale et aussi Méditerranéenne, américaine (25%)

Majoritairement méridionale et méditerranéenne (Proche-

Orient, mer Egée, Balkans…)

Alliances Scleranthion annui (2) Majoritaires dans le

Majoritairement dans les cultures sarclées : Panico crus-galli-Setarion viridis (4) et Veronico agrestis-

Euphorbion peplus (5)

Majoritaires dans le Caucalidion lappulae (1)

Etranger (43,6%) Statut des espèces Indigène (56,4%)

Néophyte (14,2%) Archéophyte (22,6%)

Familles les plus fréquentes Asteraceae, Rosaceae, Poaceae, Fabaceae, Lamiaceae, Caryophyllaceae Asteraceae, Brassicaceae, Amaranthaceae, Lamiaceae, Polygonaceae, Fabaceae Asteraceae, Brassicaceae, Amaranthaceae, Lamiaceae Familles présentes uniquement dans ce groupe Rosaceae, Caprifoliaceae,

Convolvulaceae, Rubiaceae - Papaveraceae

Cycle de vie et types biologiques 79% d’hémicryptophytes, seulement 12% de thérophytes et 7,4% d’arbres et arbustes 59% d’hémicryptophytes, 47,7% de thérophytes et 6,8% de géophytes et arbustes 64,3% de thérophytes et 47,1% d’hémicryptophytes Floraison La floraison s’étale tout au long de la saison de végétation, le maximum est atteint entre juillet et août

Entomogames et entomogames/autogames dominent Pollinisation

Déficit d’autogames d’autogames/anémogames Le plus Le plus d’autogames Espèces fortement spécialisées et peu compétitives en milieux fortement perturbés (type

R et SR de Grime) OU Espèces moins spécialisées et plus compétitives en milieux moins perturbés (Type CSR, CR… de Grime)

Stratégie démographique

Majorité d’espèces à fort investissement végétatif, cycle de vie vivace (type « k »)

Majorité d’espèces à fort investissement reproductif,

cycle de vie annuel (type « r »)

Dissémination Le plus souvent dissémination barochore, épizoochore et anémochore

Biogéographie phytogéographique de la Semblable au profil région.

Des espèces avec des aires de répartition variées

Beaucoup d’espèces à très large et large répartition (les autres ont surtout une

répartition méridionale et méditerranéenne)

Origine -

Méditerranéenne, méridionale mais aussi

américaine (23%), asiatique etc.

Majoritairement méridionale et méditerranéenne mais aussi

eurasiatique etc.

Alliances

Majoritaires dans les stades de friches les plus avancés : Aegopodion podagrariae + l’Alliarion petiolatae (11) et dans les zones humides et/ou de hautes altitudes : Potentillion anserinae (2),

Poion supinae (3)

Majoritairement dans les stades pionniers où dominent les annuelles et dans les zones chaudes et/ou de basses altitudes : Sisymbrion officinalis (4), Onopordion acanthii

(7), Chenopodion muralis (5), Polygono arenastri- Coronopodion squamati (1)…

Milieux cultivés

(225 espèces) Milieux rudéraux (310 espèces)

Familles les plus fréquentes Asteraceae, Brassicaceae, Poaceae, Caryophyllaceae, Fabaceae Asteraceae, Lamiaceae, Brassicaceae, Poaceae, Fabaceae Familles présentes uniquement dans ces milieux Orobanchaceae, Alliaceae, Liliaceae, Myrsinaceae, Linaceae, etc. Scrophulariaceae, Onagraceae, Urticaceae, Adoxaceae, Resedaceae, etc. Cycle de vie et types biologiques Majoritairement des espèces annuelles (thérophytes) Majoritairement des espèces vivaces (hémicryptophytes) Entomogames et entomogames/autogames dominent Pollinisation

Excédent d’autogames

strictes Déficit d’autogames strictes Le plus souvent dissémination barochore, épizoochore et

anémochore Dissémination

Déficit d’endozoochores - Biogéographie Plus d’espèces à aire de répartition occidentale

(atlantique)

Moins d’espèces à aire de répartition occidentale

Tableau 11 : comparaison de quelques caractéristiques de la flore des milieux cultivés et rudéraux. Pour chaque caractéristique, les différences entre les deux types de flore sont à chaque fois significative.

Comparaison de la composition taxonomique (Familles) : G-test réalisé à partir du tableau de contingence, G = 108,3 ; df = 48 ; P < 0,001.

Comparaison de la durée des cycles de vie : G-test réalisé à partir du tableau de contingence, G = 166,7 ; df = 4 ; P < 0,001.

Comparaison des types biologiques : G-test réalisé à partir du tableau de contingence, G = 198,72 ; df = 4 ; P < 0,001.

Comparaison des modes de pollinisation : G-test réalisé à partir du tableau de contingence, G = 24,15 ; df = 10 ; P < 0,05.

Comparaison des modes de dissémination : G-test réalisé à partir du tableau de contingence, G = 14,63 ; df = 6 ; P < 0,05.

Comparaison de la répartition géographique : G-test réalisé à partir du tableau de contingence, G = 40,27 ; df = 11 ; P < 0,001.

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IV.1. Evolution de la biodiversité dans les milieux anthropisés