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I.1.1.1. A la recherche des lieux cultivés les mieux préservés

Le territoire franc-comtois est presque pour moitié (44%)28 recouvert par la forêt (deuxième région française pour son taux de boisement), pour un quart par les prairies permanentes (26%) et on compte 19% de terres arables.

La production laitière domine dans la majorité des exploitations franc-comtoises (62%), loin devant les cultures de céréales, d’oléagineux et de fourrage. Depuis les années 1950 (remembrement etc.), les exploitations agricoles sont de moins en moins nombreuses et de plus en plus grandes : la surface moyenne des exploitations est passée de 29 ha en 1979 à

28 Tous les chiffres cités à propos de l’agriculture proviennent du SRSA de Franche-Comté : Service Régional de Statistiques Agricole, recensements agricoles et estimations. Ministère de l’agriculture et de la pêche. Agreste – Statistique agricole annuelle : http://www.agreste.agriculture.gouv.fr.

52,8 ha en 2001. Ce sont, évidemment, les plus petites exploitations (moins de 50 ha) qui disparaissent le plus vite (par exemple, 35% d’entre elles ont disparu entre 2000 et 2003).

Parmi les terres utilisées pour l’agriculture, plus de la moitié sont des superficies toujours en herbe et des prairies temporaires ou artificielles (tableau 33 : 69,6% en 2005), le reste se partage entre les cultures de céréales (19,2%), d’oléagineux (4,7%)…

Utilisation du territoire (superficie en hectares)

1980 1990 2000 2005 (2005)

%

Superficie agricole utilisée 732 360 100

Terres arables 301 807 41,2 céréales 137 300 123 200 138 600 140 700 19,2 oléagineux 8 100 33 300 37 900 34 400 4,7 cultures fourragères a 18 000 22 900 20 300 20 100 2,7 prairies temporaires et artificielles b 51 700 58 100 89 200 87 400 11,9 jachères ? ? ? 14 270 1,9 cultures industrielles c, légumières et pommes de terre 2 700 1 900 1 800 1 800 0,25 Superficies toujours en herbe 550 800 508 200 434 900 422 800 57,7 Vignes 2 300 2200 2 300 2 300 0,32

Tableau 33 : utilisation du territoire agricole en Franche-Comté (Source : ministère de l’Agriculture et de la Pêche – Agreste Franche-Comté, la statistique agricole, 2005). (a) total choux, racines et tubercules fourragers et fourrages annuels, le maïs fourrage et ensilage constitue 99% de ces cultures fourragères. (b) les prairies temporaires sont semées et maintenues quelques années pour la fauche et la pâture (généralement des mélanges de plusieurs graminées : dactyle, ray grass, pâturin… et légumineuses : trèfle blanc, trèfle violet…). Les prairies artificielles, généralement semées de légumineuses (trèfles, luzerne, sainfoin), participent au système d’assolement qui change annuellement. (c) les cultures industrielles présentes dans la région sont la betterave sucrière et le chanvre.

Dans le Doubs et le Jura, la proportion des zones en herbes est encore plus importante (85% dans le Doubs, 75% dans le Jura) et cela particulièrement dans les zones d’altitude où les autres cultures ont été abandonnées (comme le lin, les céréales etc.) ; les cultures de céréales se limitent aux zones de plaines (Bresse, Finage, Val d’Amour, plaines et basses vallées du Doubs, de la Saône et de l’Ognon, voir annexe 1). La moitié des 140 700 hectares cultivés en céréales de la région sont en Haute-Saône et c’est dans ce département et le Territoire de Belfort que les cultures de céréales, d’oléagineux et les surfaces en jachères sont les plus importantes (respectivement 27,5%, 8% et 3% du territoire agricole en Haute-Saône).

Depuis les années 1980, les surfaces cultivées en oléagineux dans la région ont quadruplé (tableau 33), une partie des prairies permanentes a été remplacée par des prairies temporaires et les cultures de pommes de terre ont quasiment disparu (encore 1200 ha en 1980 contre seulement 100 ha en 2005).

25 283 ha sont cultivés en « bio » (soit 3,8% de la surface agricole), ce qui fait de la Franche-Comté la troisième région française pour l’agriculture biologique, mais la majorité correspond à des surfaces fourragères (21 300 ha) ; les cultures de céréales sont minoritaires (seulement 2650 ha, soit 10%) (source CPEPESC29, 2005).

La prospection floristique dans les lieux cultivés de la région est faite avec l’objectif de trouver la flore la plus représentative des cultures « traditionnelles », donc les zones cultivées les mieux préservées.

Quelques règles ont guidé la recherche :

– tout d’abord seules les cultures « traditionnelles » d’hiver (céréales) et d’été (céréales et légumineuses) sont prises en compte. Les cultures d’introduction récente : les oléagineux (dont la répartition est la suivante : 70% de colza, 23% de tournesol et 7% de soja), les cultures fourragères (maïs) et industrielles (betteraves) ne présentent pas d’intérêt dans notre recherche de référentiels valables sur le temps long30. Par ailleurs, notons que dans ces cultures se trouvent le plus de néophytes et les nombreux traitements intensifs rendent leur flore compagne généralement assez pauvre (c’était le cas particulièrement dans les cultures de maïs avant l’arrêt de l’utilisation de l’atrazine, par exemple, Fried et alii, 2005) ;

– ensuite, parmi les cultures de céréales (tableau 34), l’accent a été mis sur la recherche d’assemblages floristiques typiques des zones acides et des zones neutro-alcalines. Pour les premières, on a exploré la partie sous-vosgienne de la Haute-Saône où il existe quelques zones reliques31 où le seigle est encore parfois cultivé ainsi que le triticale et l’avoine (la moitié des superficies cultivées de ces deux céréales se trouve en Haute-Saône). Pour les secondes, nous avons recherché des champs de blé tendre, d’orge et d’escourgeon sur l’ensemble des plaines du Doubs, du Jura et de la Haute-Saône ainsi que sur les premiers plateaux (annexe 1) ;

29 CPEPESC : Commission de Protection des Eaux, du Patrimoine, de l’Environnement, du Sous-sol et des Chiroptères de Franche-Comté. C’est une association agréée au titre de la protection de l’environnement. http://cepepesc.org/index.php.

30 Nous avons toutefois remarqué pendant nos prospections que les cultures de colza servent souvent de refuge à certaines espèces adventices (notamment les bleuets qui y sont localement abondants).

31 Ces zones correspondent généralement à une agriculture vivrière, couvrant de petites surfaces, œuvre de paysans retraités.

Céréales Superficie en hectares % blé tendre 60 380 42,9 orge et escourgeon a 35 920 25,5 maïs grain 31 760 22,5 triticale b 6 050 4,3 avoine 3 260 2,3 autres céréales 3 346 2,4

Tableau 34 : répartition des principales cultures céréalières en Franche-Comté (Source : ministère de l’Agriculture et de la Pêche – Agreste Franche-Comté, la statistique agricole, 2005). (a) escourgeon ou écourgeon sont des noms communs de l’orge d’hiver à six rang (Hordeum vulgare subsp. hexastichum). (b) le triticale est une céréale créée à partir de croisements entre différentes espèces de blé et de seigle.

– enfin, les jachères annuelles non semées et quelques prairies artificielles généralement semées en légumineuses (trèfles, luzerne) et fauchées ont aussi été intégrées dans notre corpus. En effet, les premières offrent, a priori, la possibilité à la flore des champs cultivés de s’exprimer (entre les labours), les secondes sont représentatives des cultures de printemps.

La prospection s’est donc faite dans toutes les zones de basse altitude de la région, en dehors des zones de grandes cultures et si possible dans les zones où la polyculture persiste encore, c’est-à-dire en Haute-Saône et dans la Bresse. Cette recherche s’est aussi appuyée sur les réseaux de botanistes locaux32, qui largement sollicités, nous ont permis de trouver quelques lieux riches en espèces (dans la région de Mélisey par exemple). Les premiers plateaux ont été explorés dans l’espoir de rencontrer des prairies artificielles (légumineuses) ou des mélanges de céréales destinés à nourrir les animaux (mélange d’avoine et d’orge…) souvent moins traités et donc propices au développement d’un cortège floristique compagnon des cultures.

Cette prospection systématique et préférentielle a donné lieu, à chaque découverte d’une zone floristiquement riche et étendue, à un relevé de végétation.

32 Ce sont les membres du Conservatoire Botanique de Franche-Comté (CBFC et plus particulièrement Yorick Ferrez) ainsi que les membres des Espaces Naturels Comtois (ENC et plus particulièrement Pascal Collin).

I.1.1.2. Friches, dépotoirs, terrains vagues, ruines, quelle stratégie poursuivre ?

Même si les problèmes de disparition d’espèces sont moindres dans les milieux rudéraux (cf. chapitre 1), les modifications apparues dans la gestion des territoires agro- pastoraux depuis les années 1950 ne sont pas sans conséquences sur le développement de ces milieux. En effet, le passage de systèmes agro-pastoraux extensifs à des systèmes de plus en plus intensifs a entraîné la disparition des zones de transition (par exemple des ourlets externes des lisières forestières), des parcelles périphériques non cultivées, de nombreux terrains vagues etc. (Ferrez et alii, 2001). A cela, s’ajoute une déprise agricole importante dans les zones les moins productives (partie sous-vosgienne de la Haute-Saône, zones d’altitude etc.). Par conséquent, un nombre croissant de terres n’est plus exploité et les friches puis la forêt gagnent alors l’espace rural et modifient de façon importante le paysage. Parmi ces milieux, ce sont les premiers stades de friches rudérales qui sont les plus menacés, les terrains où elles peuvent traditionnellement être observées ayant nettement régressé. Mais on peut nuancer ce bilan car en contrepartie les friches urbaines et industrielles ont pris de l’importance et les travaux routiers, les abords d’autoroutes etc. sont devenus des lieux privilégiés d’expression de cette flore rudérale annuelle.

La prospection dans la région n’était donc pas contrainte par la rareté des sites. On a donc cherché à visiter un panel de sites les plus représentatifs possibles des diversités de la flore rudérale, avec deux objectifs :

– tout d’abord, nous avons voulu déterminer s’il existe des différences de composition floristique dans ces milieux selon l’altitude. Pour cela, au cours de nos prospections, nous avons suivi un transect altitudinal ouest-est passant par la plaine, les premiers et seconds plateaux, puis les hauts plateaux ;

– ensuite pour pouvoir utiliser au mieux les référentiels actuels, la recherche de végétation rudérale s’est concentrée autour de sites où des données polliniques fossiles sont disponibles. Ainsi les résultats de nos travaux pourront être utilisés dans le futur pour comparer la pluie pollinique actuelle et fossile autour de ces sites.

La prospection s’est faite autour des sites de Neublans « Les Couards », Beauvoison « Le Pullier », Pleure « Le Mou de Pleure » dans la plaine, des lacs de Chalain et Clairvaux sur le premier plateau du Jura, du site de Censeau « La Seigne », du lac de Malpas et du site

de « La Beuffarde » sur le deuxième plateau du Jura (Gauthier, 2001, annexe 1) et également à proximité d’un site sur le plateau du Marchairuz en Suisse (Bégeot, 2000).

I.1.2. Méthode floristique adoptée

Dans la mesure du possible, nous avons cherché une surface de végétation homogène (en terme de structure et composition floristique) de 100 x 100 mètres minimum pour chaque relevé. Dans cette surface une aire de 10 x 10 mètres a été choisie pour être échantillonnée. Dans de nombreux cas, les surfaces, couvertes par la végétation des lieux cultivés ou la végétation rudérale, sont inférieures à 10 000 m², ou ne sont pas homogènes sur une aussi grande superficie (par exemple, les abords des tas de fumier, les surfaces piétinées, la flore des lieux cultivés qui est souvent cantonnée aux marges des champs…). Dans ces cas, une superficie inférieure à 1000 m² a du être acceptée et la surface des relevés de végétation peut varier de 25 à 100 m².

Une fois la surface d’inventaire repérée et délimitée, nous avons dressé une liste aussi complète que possible de toutes les espèces présentes. L’attribution à chacune d’un indice « d’abondance-dominance » (Braun-Blanquet, 1965) permet d’établir une distinction entre les espèces dominantes ou abondantes et celles dont les individus sont dispersés ou rares dans la station. L’échelle utilisée est la suivante :

r les individus de l’espèce sont rares, leur recouvrement est insignifiant + les individus sont en petit nombre, leur recouvrement est inférieur à 1%

1 les individus sont peu abondants ou abondants, leur recouvrement est inférieur à 5% 2 les individus sont abondants ou très abondants, leur recouvrement est compris entre 5

et 25%

3 les individus, en nombre variable, recouvrent une surface comprise entre 25 et 50% 4 les individus, en nombre variable, recouvrent une surface comprise entre 50 et 70% 5 les individus, en nombre variable, recouvrent une surface comprise entre 70 et 100%

Pour distinguer les espèces dont les individus ont tendance à se grouper de celles qui ne présentent pas ce caractère, on attribue à chaque espèce un indice de sociabilité (ou agrégation), dont l’échelle est la suivante :

1 les individus de l’espèce sont isolés

2 les individus sont en groupes de petite taille (touffes…)

3 les individus forment des petites plages assez nombreuses (coussinets, petites tâches) 4 les individus forment un peuplement lâche et étendu ou de petites colonies

5 les individus forment un peuplement continu, dense et étendu

A cet inventaire sont ajoutés des paramètres stationnels divers : altitude, description du type de substrat, topographie ainsi que la localisation exacte de la station.