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PARTIE 2 – RESTITUTION DE NOTRE ENQUETE AUPRES DE RESPONSABLES QUALITE EHPAD

2. ANALYSE DE NOTRE RECUEIL DE DONNEES

2.2. ANALYSE DES DONNEES

2.2.3. Les mécanismes et les acteurs au cœur du dispositif d’évaluation

2.2.3.3. Les tensions et les interactions

Il existe des conflits dans toute organisation. Cependant, dans ce travail nous pouvons constater que les conflits font partie des relations humaines. Certains interrogés parlent avec amertume de leur relation avec la Direction ou de contextes directoriaux complexes. Pourtant ils avancent et ont à cœur l’atteinte d’objectifs institutionnels et personnels. Les relations professionnelles sont faites de réactions d’ordre affectives qui influent sur le travail en collaboration. Cela peut -être le cas des sentiments de confiance de la part des collaborateurs envers les managers ou à contrario des sentiments de méfiance vis-à-vis de la hiérarchie. Ces sentiments peuvent alors orienter l’activité ou devenir néfaste lors de la mise en place d’un dispositif législatif. Le partage d’informations et la coopération peuvent alors être impactés :

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(E13) : Vous ne faites pas partie des réunions de Direction par rapport à la politique qualité?

(e13) : « Non je ne suis pas toujours conviée et je ne trouve pas qu’il y ait la volonté de mettre en place une politique qualité c’est la direction ça même le médecin coordinateur est absent bien souvent. »

E4-F-59ans-cadre de santé-EHPAD privé associatif but non lucratif-80lits (E11) : les équipes sont informées de la suite ?

(e11) : « il a fait une réunion d’information mais c’est un politicien beau discours. »

E2F-44ans-référente qualité-EHPAD associatif privé à but non lucratif-80lits (E13) : dans l’encadrement la démarche a-t-elle posée problème ? (Silence) (Gêne) (e13) : « c’est pour ça qu’on les anime ouais mais heu… c’est en train de s’apprendre de ne pas toujours avoir raison c’est vrai que j’y vais avec mes gros sabots en réunion d’encadrement en fait j’ai pris le rôle du clown et du coup en insertion professionnelle ça marche je pense que les cadres sont mon dieu marie joseph mais quelle arrogance quelle arrogance qui euh…… et alors une arrogance par contre ce que je ne peux pas c’est la critique permanente envers l’autre alors ça je ne peux pas . »

Arrêtons-nous quelques instants sur ces quelques mots de notre référente qualité, lesquels pourraient résumer à eux seuls toute la complexité de mettre en place l’évaluation interne et externe au sein des structures médico-sociales. A travers son témoignage notre interlocutrice travailleur social, se questionne sur le milieu médical et sur la toute-puissance relative du monde soignant. Ces quelques paroles nous ont amenés à nous interroger sur la mise en place d’une politique publique en l’occurrence le dispositif d’évaluation au sein d’un secteur où comme le dit Blandine Vigneras175 « les soignants eux-mêmes se donnent un statut de

puissance. » L’auteur nous dit alors que La société a conféré aux soignants une certaine

puissance, un pouvoir sur l’être humain vulnérable. Le terme puissance renvoie selon sa définition, au pouvoir de commander, d’imposer son influence mais également au caractère de

175 VIGNERAS, Blandine. « Puissance et faiblesse des soignants : mythe ou réalité » mai 2014 [en ligne]

disponible sur <www.espace-ethique-poitoucharentes.org/.../original_151932-puissance-et-faiblesse-d>

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ce qui peut exercer de l’influence sur autrui. Cela nous ramène à la notion de paternalisme protecteur évoquée par l’une de nos interlocutrices. Cette dernière évoque cette puissance réductrice empêchant toute initiative personnelle dans la démarche d’évaluation.

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E3) : Cela impacte-t-il sur tes initiatives en tant que cadre notamment dans la politique qualité ?

(e3) : « c’est sûr il est difficile de déterminer des priorités de travail je dois me référer au Directeur dans tout ce que j’entreprends. »

Outre la notion de paternalisme, la remise en question par les soignants de leurs pratiques professionnelles s’avère complexe voire inconcevable et la mise en place d’une politique qualité incluant l’auto-évaluation devient un réel challenge et une source de conflits.

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(e8) : « Moi je pense que c’est bénéfique de se poser des questions les EHPAD ont souvent été dans le collimateur il faut de la transparence .On parle de la maltraitance mais c’est une réalité il faut montrer aux familles qu’on travaille pour que les résidents se sentent bien pour qu’ils puissent bénéficier d’une retraite heureuse et digne. »

Thomas et Kilman (1972) ont élaboré un modèle exposant cinq stratégies de gestion de conflits : Ces différents modèles relèvent de deux attitudes de base permettant de comprendre le comportement des membres d’une équipe et de pouvoir adopter une stratégie adaptée :

- l’assertivité attitude selon laquelle les comportements d’une personne visent à satisfaire ses propres intérêts et à satisfaire ses objectifs personnels.

- la serviabilité attitude selon laquelle les comportements d’une personne visent à satisfaire les intérêts d’une autre personne. La combinaison de ces deux dimensions implique l’accommodement et le compromis. L’accommodement serait un style ou l’on ne s’affirme pas et où l’on collabore. L’objectif serait-il ici de céder ? En général, cela implique de négliger ses propres besoins pour satisfaire les intérêts d’une autre personne. Nous aborderons la notion d’accommodations et de consensus un peu plus tard dans ce travail.

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(E17) : Et vous rédigez seule les protocoles ?

(e17) : « oui le problème c’est que pour des raisons financières on économise et je dois tout faire…. »

Revenons à présent sur les interactions des différents acteurs rencontrés avec leur environnement et les parties prenantes. Dans la majorité de nos entretiens les émotions semblaient marquer la plupart des enquêtés et pouvaient de ce fait déstabiliser notre rôle d’enquêteur chercheur. En effet, certains enquêtés ont demandé l’arrêt de notre enregistrement pour se confier et parler des difficultés de leur quotidien. Selon l’article de Cahour176 les individus sont constamment en train d’évaluer leurs relations à l’environnement en termes d’implication pour leur bien-être, et cela dépend encore une fois du sens que chaque individu construit en situation. Pour cela consensus et accommodations s’avèrent nécessaires.