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La reformulation à caractère paraphrastique

1. MARQUEURS AUX VALEURS HÉTÉROGÈNES

1.2. ANCRAGE ET CONTINUATION : LE MARQUEUR “SO”

1.2.2. Une teneur sémantique variable

Selon son rôle dans l’énoncé, la valeur sémantique de “so” est plus ou moins marquée. Commençons par les cas de sémantisme minimal :

- “so” proforme

(193) It’s impressive, I promise you. The story could be an important one. At least we think so. (FLOB K17 116)

“So” représente l’ensemble du segment précédent (“the story could be an important one”), emploi dans lequel il est qualifié de proforme.

Selon R. Quirk et S. Greenbaum, une proforme est un opérateur qui récapitule de façon très synthétique ce qui a été exprimé ou implicité ailleurs.147 Elle en évoque le contenu afin de permettre sa ré-exploitation dans le discours.

Dans cet emploi, aucun sémantisme n’est attribué à “so”, mais il joue un rôle d’anaphorisation (il rappelle un certain contenu). En outre, il n’équivaut jamais à une simple reprise, mais il permet de valider (c’est-à-dire de considérer comme vraie) la relation. Cette validation est particulièrement perceptible lorsqu’il figure en réponse à une question :

(194) “Do you have money for a cab ?” The nurse named Dotty asked him when they were outside School of Nursing Hall.

‘Yes, I think so’ Garp said. He checked his horrid purse ; his wallet was safely there. (exemple cité par Lapaire J.R. et Rotgé W., op.cit. p.281)

Par l’emploi de “so”, l’énonciateur (Garp) signale qu’il y a lieu de valider la relation prédicative (<I - have money for a cab>), c’est-à-dire qu’il la considère comme vraie.

Contrastant avec cet emploi, “so” peut également présenter un sens propre : - “so” adverbe

Un adverbe modifie le sens de l’unité sur laquelle il porte. Avec “so”, ce sont des adjectifs ou des adverbes qui sont modifiés :

(195) Her ear was astonishingly receptive and retentive for, how otherwise, aged twenty or little more, could she have invented conversations so subtle and so beautifully balanced in language?

( FLOB G 29 128)

Dans cet emploi adverbial, “so” joue un rôle d’intensifieur, c’est-à-dire qu’il permet de modifier un jugement déjà transmis par l’adjectif (ici, “subtle”) ou l’adverbe (“beautifully”). En raison de son caractère anaphorique, il présente comme acquises (c’est-à-dire déjà validées) les relations prédicatives correspondantes (<the conversations - be subtle> et <the conversation - be beautifully balanced in language>). Il permet, d’autre part, de les valider à nouveau, ce qui produit alors une intensification.

Ces valeurs (anaphorisation et re-validation) se retrouvent dans un autre emploi encore :

- “so” conjonction

Une conjonction relie des propositions ou des phrases. Dans cet emploi, “so” se caractérise par divers effets de sens.

Les premiers sont plus fonctionnels que sémantiques.

Mentionnons, tout d’abord, un rôle de pure anaphorisation :

(196) [...] chroniclers frequently take one scene and depict it in very different ways, turning it in the process into history or myth, as best suits their purposes. So Lessing’s chronicler reminds us that language plays a central role in the construction of so-called “truth”.

( FLOB J 61 180)

La seconde phrase (“So Lessing’s chronicler reminds us...”) est liée à la première (“chroniclers frequently...”) par “so”, qui signale un lien à du déjà-énoncé. Jouant un rôle anaphorique, il fait également basculer dans l’acquis le segment introduit : la relation concernée (<Lessing’s chronicler - remind us ...>) est ainsi présentée comme ayant déjà été validée ailleurs. “So” permet de la valider à nouveau en discours.

Ce marqueur peut également introduire des reformulations :

(197) La question posée à ce locuteur (ainsi qu’à sa femme, qui est interpellée au cours de son intervention) est

celle de la sympathie des gens du quartier :

“Fairly friendly. Wouldn’t you say ?... We’re a little bit prejudiced, I think. Ah because uh...we’ve been here so long that we don’t even remember the original groups that were here ... so we’re bad to judge. But I would say fairly, fairly friendly.”

(exemple emprunté à Schiffrin D., op. cit., p.194)

“So” permet, ici encore, de référer à un déjà-énoncé. Il ne s’agit toutefois pas du segment directement précédent, mais d’un segment à rechercher dans le texte antérieur (“we’re a little bit prejudiced”). Si l’identification d’une reformulation est possible, c’est en raison de la forte équivalence de S et R . “So”, pour sa part, est le signe d’une reprise, d’une mise en relation à établir. On remarque que les auto-reformulations introduites par ce marqueur sont nécessairement différées. Lorsqu’il renvoie au segment directement précédent, l’interprétation est généralement celle d’une pure anaphorisation (cf. exemple précédent).

Par contraste avec ses réalisations fonctionnelles, “so” peut, dans certains de ses emplois conjonctifs, voir son rôle de lien entre les propositions doublé de traits sémantiques variés.

Une notion de similitude peut être véhiculée :

(198) Just as the planets affect the tides and the seasons, so do, astrologers tell us, the stars affect moods and health.

(exemple cité par Lapaire J. R. et Rotgé W., op.cit., p. 285.)

“So” est employé dans une structure comparative. Dans ce schéma, la référence comparative est introduite par “as”, et le comparé par “so”, qui marque l’analogie. Plus précisément, il est demandé au co-énonciateur d’admettre la vérité de SE2 au nom de celle de SE1.

Un trait logique peut également caractériser l’emploi de “so” :

(199) British Telecom were meant to produce enough London numbers for the next 30 years/ they haven’t / so in 1994 a 1 was put after the 0 /

(BBC- 04-05-2006)

“So” introduit une conséquence, ce qui lui confère un effet de sens logique. Cette fois encore, il est profondément anaphorique, comme en témoigne la glose “as a result of this” (où “this” renvoie au texte-avant). Ce marqueur permet à l’énonciateur de prendre appui sur le segment précédent (SE1) afin d’énoncer le suivant (SE2).

L’expression du but peut être reliée à celle de la conséquence si l’on considère le but comme une conséquence recherchée. Ainsi, la même valeur anaphorique serait à l’origine des deux effets de sens :

(200) He increased the pressure slightly, so he could feel the shape of her teeth and cursed inwardly as she made a move to withdraw.

(FLOB P1891)

Encore une fois, la présence de “so” ne se conçoit pas sans l’existence d’un élément premier : ici, il ne s’agit plus d’un déjà-posé, mais d’un déjà-réalisé. Etant anaphorique, “so” établit alors un rapport de congruence entre les segments exprimant la cause et le but.

Notons enfin que “so” peut recevoir des interprétations mariant différentes notions, ce qui montre que ses effets de sens sont étroitement liés aux contextes d’emploi :

(201) Carmelo and I started out in the music business over twenty years ago as artists and producers so we have built up a lot of contracts.

(FLOB E31 143)

Cette interprétation de “so” allie les notions de conséquence (il est glosable par “that’s why”) et de manière (glose en “that way”).

L’examen de ces divers effets de sens a révélé des traits communs, ce qui permet de préciser la valeur fondamentale de “so”.