• Aucun résultat trouvé

UNE TENDANCE VERS LA CENTRALISATION DU CONTROLE PREJUDICIEL

CONCRET ET DIFFUS

II. UNE TENDANCE VERS LA CENTRALISATION DU CONTROLE PREJUDICIEL

Le caractère diffus de la juridiction constitutionnelle en Suisse et en Grèce est tempéré, d'une part, par l'institution en Grèce d'une Cour Spéciale Suprême, qui exerce un contrôle concentré et abstrait (A) et, d'autre part, par l'importance de deux voies de recours privilégiées : le recours pour excès de pouvoir, devant le Conseil d'Etat grec, et le recours de droit public, devant le Tribunal fédéral suisse (B).

A. L'institution d'une "Cour constitutionnelle" dans un système de contrôle concret et diffus

Après avoir évoqué la concentration du contrôle préjudiciel au sein des Cours suprêmes, nous analyserons les éléments proches du modèle européen, introduits par la création de la Cour Spéciale Suprême en Grèce (a); on aura l'occasion, ensuite, de montrer que cette innovation n'a pas bouleversé le système traditionnel du contrôle concret et diffus et que, en Grèce comme en Suisse, il existe une relation de complémentarité entre les types de contrôle concret et abstrait (b).

a. La Cour Spéciale Suprême et l'atténuation du caractère concret et diffus de la juridiction constitutionnelle en Grèce

Pour assurer l'unification de la jurisprudence constitutionnelle des tribunaux suprêmes grecs, les Codes de procédure civile et pénale, les lois et règlements relatifs à la procédure devant le Conseil d'Etat prévoient, sous certaines conditions, le renvoi d'un litige à l'Assemblée Plénière du tribunal suprême. Le renvoi à l'Assemblée Plénière de !'Aréopage est obligatoire lorsqu'une Section refuse d'appliquer une loi parce que jugée inconstitutionnelle ou lorsqu'elle l'applique, en rejetant le grief d'inconstitutionnalité avec une seule voix de majorité. En outre, les Présidents, ou une Section, du Conseil d'Etat et de !'Aréopage peuvent déférer une affaire devant l'Assemblée Plénière de chaque tribunal, quand il s'agit de problèmes d'importance générale, par exemple la conformité d'une loi avec la Constitution. Le renvoi est aussi obligatoire si la décision d'une Cour suprême a pour conséquence la création d'un litige soumis à la cognition de la Cour Spéciale Suprême273, Finalement, la Cour des Comptes exerce ses compétences judiciaires toujours en Assemblée Plénière.

Au sein du Tribunal fédéral suisse, bien que l'essentiel des compétences relatives à la juridiction constitutionnelle ait été confié aux deux Cours de droit public, celles-ci ne détiennent pas un monopole absolu : les deux Cours civiles et la Cour pénale connaissent des recours de droit public, qui sont, notamment, connexes à un recours en réforme ou en nullité. Le risque de divergences entre la jurisprudence des diverses Cours du Tribunal fédéral n'est pas écarté, puisqu'on n'a pas prévu dans ce cas une délibération du tribunal en séance plénière274, Chacune de ces Cours est divisée en sections : le législateur a assuré l'unité de la jurisprudence de chaque Cour en imposant une réunion des sections en cas de décisions divergentes275.

Le type de concentration susmentionné ne modifie pas les données de base de la juridiction constitutionnelle dans les deux pays : il n'affecte en rien les compétences des tribunaux inférieurs; les Assemblées Plénières

273 Cf. VENIZELOS/SKOURIS, p. 62-65; SPILIOTOPOULOS (1991), p. 317;

infra, p. 95.

274 Cf. AUER (1983), p. 237; AUBERT (1967/1982), t. Il, p. 580.

275 Cf. AUER (1983), p. 237.

exercent toujours un contrôle concret; leurs décisions n'ont pas d'effets juridiques différents de ceux des autres tribunaux. Elles jouissent, cependant, d'une plus grande force de persuasion, dans la mesure où l'on peut prédire qu'une décision contraire d'un tribunal inférieur sera quasi certainement cassée devant l'un des tribunaux suprêmes.

C'est l'institution d'une Cour Spéciale Suprême (CSS) à l'art. 100 Cst.

1975/1986 qui a introduit en Grèce certains éléments du modèle européen de justice constitutionnelle. On sait que le système du contrôle concret et diffus a été accueilli sans problèmes par les justiciables, les autorités politiques et la doctrine; au contraire, l'idée de la création d'une Cour constitutionnelle était discréditée, parce qu'elle avait été prévue dans les Constitutions - jamais appliquées - issues de la dictature militaire de 1967-1974, qui accordaient à cette Cour, entre autres, les pouvoirs d'interdire des partis politiques et de prononcer la déchéance des droits fondamentaux, en cas d"'abus" commis par un individu. Si le constituant démocratique de 1975 a renouvelé sa confiance dans les tribunaux, il a pourtant voulu éviter un inconvénient très important du contrôle concret et diffus : le risque d'insécurité juridique, due à la pluralité de juridictions et à l'absence d'un tribunal suprême qui "coiffe" tous les autres (comme la Cour suprême des Etats-Unis). Ainsi, la CSS connaît, à côté des litiges relatifs aux élections parlementaires, au référendum, aux conflits de compétence entre les tribunaux ou entre ceux-ci et les autorités administratives, à la qualification d'une règle de droit international comme universellement reconnue, des

"contestations portant sur l'inconstitutionnalité de fond ou sur le sens des dispositions d'une loi formelle, dans le cas où, sur ces dispositions, le Conseil d'Etat, la Cour de cassation ou la Cour des comptes ont prononcé des décisions contradictoires" (art. 100 al. 1 e) Cst.). Sans entrer dans les détails, nous évoquerons les traits caractéristiques de la CSS, en prenant en considération les Cours constitutionnelles du système européen.

La CSS se situe en dehors de la hiérarchie des tribunaux; sa composition est différente: lorsqu'elle exerce les compétences qui nous intéressent ici, elle comprend les Présidents des trois tribunaux suprêmes, quatre conseillers d'Etat, quatre conseillers à la Cour de cassation, deux professeurs de droit ordinaires auprès d'une faculté de droit du pays, désignés par tirage au sort pour deux ans (art. 100 al. 2 Cst.).

Les normes de référence sont les dispositions de la Constitution relatives au contenu normatif de la loi. La Constitution de 1975 limite expressément

la cognition de la CSS aux vices de fond; celle-ci, de plus, n'a pas la compétence de contrôler la conformité d'une loi avec les principes généraux dégagés par la jurisprudence des tribunaux suprêmes (CSS, arrêt n° 13 de 1979).

De plus, la CSS ne peut pas connaître des recours dirigés directement contre un acte législatif. On constate donc qu'il n'existe pas en droit grec une voie de recours comparable à la "Verfassungsbeschwerde".

Lorsqu'un des trois tribunaux suprêmes adopte un jugement sur la constitutionnalité d'une loi divergeant de celui qui a été rendu par un autre tribunal suprême dans un arrêt précédent, il doit renvoyer la question à la CSS; les tribunaux inférieurs n'ont pas le même devoir, mais ils sont obligés, une fois l'instance ouverte devant la CSS, d'ajourner toute affaire pendante devant eux, relative aux dispositions de l'acte législatif qui fait l'objet de la divergence276. Cette procédure de renvoi est bien connue dans le modèle européen, mais elle s'opère dans ce système selon un critère différent, à savoir la conviction ou les doutes du juge quant à la conformité d'une loi avec la Constitution, tandis qu'en Grèce, le critère décisif est la contradiction avec une décision précédente d'une autre cour suprême. Cela signifie qu'un tribunal suprême doit renvoyer la question à la CSS, même s'il est convaincu de la constitutionnalité de la loi, dès lors qu'un tribunal suprême en a décidé autrement à l'occasion d'une affaire quelconque277.

Si le tribunal qui est tenu de renvoyer la question à la CSS procède à un jugement final sur l'ensemble de l'affaire, quiconque, ayant un intérêt pour agir (par exemple la partie à ce procès), peut saisir la CSS; si un tribunal, bien qu'inforrné de l'ouverture de l'instance, grâce à la publication de l'acte fixant la date de l'audience devant la CSS dans deux quotidiens, ou par l'initiative des parties, procède au jugement de fond, cette décision peut être attaquée par une "requête de reprise de la procédure", exercée devant le même tribunal, après la publication de l'arrêt de la CSS, ou par les voies de recours ordinaires, si le litige est pendant devant les tribunaux inférieurs.

Contrairement au modèle européen, la saisine par des autorités politiques est très limitée : le Ministre de la Justice peut saisir la CSS seulement si une cour suprême ne rend pas le jugement de renvoi. Dans ce cas, le

276 Cf. SPILIOTOPOULOS (1991), p. 307.

277 Cf. DAGTOGLOU (1986), p. 372.

pouvoir de sa1sme appartient également au Procureur de la Cour de Cassation et aux Commissaires d'Etat auprès de la Cour des Comptes et de la Justice Administrative, organes judiciaires, intervenant, à l'occasion, au nom de l'intérêt général278. On constate qu'il existe de nombreux mécanismes qui assurent le renvoi de la question de constitutionnalité du juge a quo à la CSS.

La CSS exerce un contrôle abstrait de la norme, sans se référer aux données spécifiques du litige a quo279. Ses arrêts ont un effet erga omnes.

Une disposition jugée inconstitutionnelle n'est pas formellement abolie, mais devient caduque et inapplicable. La CSS peut aussi donner à la norme un sens conforme à la Constitution : cette interprétation est obligatoire pour tous les tribunaux280. En principe, les arrêts de la CSS déploient leurs effets ex nunc, comme ceux des Cours constitutionnelles européennes. Mais la Constitution prévoit que la CSS peut fixer, dans un arrêt spécialement motivé, la date de l'entrée en vigueur des effets de sa décision. La loi organique a précisé que cette date est antérieure à la publication de la décision dans le Journal Officiel. Bien que la Constitution ne l'interdise pas expressément, une déclaration d'inconstitutionnalité pro futuro (pratique développée en Autriche) est exclue281. La rétroactivité de l'arrêt de la CSS ne concerne pas seulement le cas à la base du renvoi, mais toutes les décisions irrévocables qui ont appliqué la disposition jugée de ses décisions (arrêt n° 12 de 1989). Mais les particuliers peuvent exercer les recours ordinaires (appel, pourvoi en cassation, etc.) contre les

Contrôle abstrait des normes, effet erga omnes de la décision, obligation des tribunaux de suivre l'interprétation de la CSS, existence des voies de recours ouvertes aux particuliers, pour assurer le respect des arrêts de la CSS : il est incontestable que la création de la CSS a atténué le caractère concret et diffus du contrôle de la constitutionnalité des lois en Grèce. Est-ce qu'on peut parler pour autant d'un bouleversement d'une tradition juridique plus que centenaire ? Nous expliquerons que la réponse est négative.

b. Un bouleversement qui n'a pas eu lieu

i. La portée limitée du contrôle abstrait en Grèce

Le texte de l'article 100 Cst. de 1975/1986 est clair : la saisine de la CSS suppose l'exercice préalable du contrôle préjudiciel par les tribunaux

"ordinaires"; c'est à eux qu'appartient en premier lieu l'interprétation judiciaire de la Constitution. La CSS n'intervient qu'en cas de divergences entre la jurisprudence des trois Cours suprêmes. Tant que l'unité de l'ordre juridique n'est pas menacée par des jugements contradictoires sur la validité d'une loi, les juges ordinaires sont les seuls "juges constitutionnels".

La conception, très solidement ancrée en Grèce, selon laquelle le contrôle de la constitutionnalité des lois ne se distingue pas qualitativement des autres pouvoirs des tribunaux, est renforcée par la composition même de la CSS : parmi ses 13 membres, 11 sont des juges siégeant aux Cours suprêmes "ordinaires". Tous les juges, aussi bien que les professeurs de droit sont choisis par tirage au sort. Les autorités et forces politiques ne peuvent exercer aucune influence sur la composition de la

css2s2 :

ses

membres ne jouissent pas d'une légitimité plus grande que les autres juges.

On ne trouve pas en droit grec le souci, très important dans le modèle européen, de ne pas confier le contrôle de la loi aux juges de can-ière et de s'assurer que les membres de la Cour, qui ont le pouvoir d'annuler une loi, auront une légitimité démocratique, même indirecte. De plus, la durée du 282 Sous réserve, pourtant, des nominations au grade de Président et de chacune des trois cours suprêmes effectuées par décret présidentiel sur proposition du Conseil des Ministres.

mandat des membres de la CSS est limitée à deux années seulement, ce qui empêche le développement d'un "esprit de corps", qui permettrait une évolution dynamique de cette nouvelle institution283, Au contraire, les juges-membres de la CSS seront plutôt tentés de défendre l'autonomie des Hautes juridictions auxquelles ils appartiennent, en limitant les moyens de mise en cause de leur jurisprudence284.

En effet, la CSS fait preuve d'une très grande prudence en ce qui concerne la recevabilité du renvoi. Elle a strictement délimité la notion de divergence entre les décisions des trois Cours suprêmes : celles-ci doivent avoir interprété ou contrôlé les mêmes dispositions de la même loi formelle (arrêts nos 4 de 1980, 1 de 1982, etc.), et non des dispositions qui, tout en figurant dans des textes législatifs différents, ont le même contenu normatif ou présentent une connexité matérielle étroite (arrêt n°· 4 de 1986). La Constitution de 197 5/1986 a institué un partage assez net des compétences entre les juridictions civile, pénale et administrative : rares sont les cas dans lesquels la même loi est interprétée par des tribunaux appartenant à deux juridictions différentes2ss. Cela signifie que la condition principale de l'ouverture de l'instance devant la CSS (l'existence des décisions contradictoires prononcées par deux Cours suprêmes au moins) ne sera remplie qu'exceptionnellement. Les tribunaux ordinaires gardent donc de facto la quasi-exclusivité du contrôle de la constitutionnalité des lois. L'unité de la jurisprudence reste encore dans une large mesure confiée au tribunal suprême de chaque juridiction.

Si le risque des décisions contradictoires relatives à la même loi est diminué grâce à une stricte répartition des compétences entre les juridictions diverses, il reste tout à fait possible qu'une interprétation différente des mêmes dispositions constitutionnelles puisse dominer au sein de chaque juridiction. La CSS peut-elle remédier à cet inconvénient du contrôle concret et diffus ? On a soutenu que ce pouvoir de la CSS découlait de la Constitution : l'art. 100 al. 1 let. e) Cst. stipule qu'à la CSS est soumis "le jugement des contestations portant ... sur le sens des dispositions d'une loi formelle"; on a avancé la thèse selon laquelle le constituant, en utilisant le terme "loi formelle", a voulu inclure a fortiori la loi fondamentale. Autre argument qui militerait en faveur de cette thèse : la 283 Cf. BACOYANNIS, p. 532.

284 Cf. BACOYANNIS, p. 531.

285 Cf. KYPRAIOS, p. 258.

nécessité d'assurer l'unité de l'interprétation de la Constitution est beaucoup plus impérative que l'harmonisation des jurisprudences interprétant une loi formelle. En outre, chaque fois que la CSS tranche une contestation relative à la constitutionnalité d'une disposition de loi formelle, elle ne fait que lever une divergence entre deux tribunaux suprêmes portant sur le sens et le contenu normatif exact d'une norme de la Constitution286. La CSS, dans un arrêt qui semblait être de principe (n° 16 de 1983) a adopté cette théorie : elle a levé une contestation portant sur le champ d'application de l'art. 22 al. 1 b Cst., qui prévoyait la rémunération égale pour un travail de valeur égale, sans distinction de sexe ou autre. Pour le Conseil d'Etat cette disposition s'appliquait seulement aux contrats de travail régis par le droit privé, tandis que pour !'Aréopage et la Cour des Comptes ce droit appartenait aussi à ceux dont la relation de travail était régie par le droit public; la CSS a donné raison au Conseil d'Etat. Il est significatif que la CSS ait fondé sa compétence dans un obiter dictum, en assimilant les divergences relatives au sens d'une loi formelle à celles qui portent sur une disposition de la Constitution2s1. Cette jurisprudence, si elle avait été retenue, aurait révolutionné le système de juridiction constitutionnelle en Grèce. L'accès à la CSS aurait été beaucoup plus facile et fréquent, puisque, si les tribunaux sont rarement amenés à examiner la constitutionnalité d'une même loi, ils sont, en revanche, assez souvent appelés à concrétiser la même disposition de la constitution. La priorité des tribunaux ordinaires qu'instaure le système de contrôle concret et diffus, aurait été renversée, dans la mesure où ils auraient été obligés de suivre l'interprétation donnée par la css2ss. Il ne semble pas que telle fut la volonté du constituant : la composition de la CSS et les conditions de sa saisine montrent que le constituant n'a pas voulu instituer une Cour constitutionnelle aussi forte que dans le modèle européen et bouleverser le système du contrôle préjudiciel, qu'il consacra, en outre, expressément dans la loi fondamentale de 1975, pour la première fois depuis la Constitution de 1927. L'art. 100 Cst. est une disposition exceptionnelle, dans la mesure où il prévoit la concentration du contrôle de la constitutionnalité et l'annulation de la loi, ce qui ne permet pas une interprétation extensive289. La CSS a fini par abandonner cette jurisprudence : dans sa décision n° 38 de 1989 (confirmée par l'arrêt n° 19

286 Cf. PARARAS (1977), p. 618.

287 Cf. VENIZELOS (1988), p. 226; BACOYANNIS, p. 527.

288 Cf. VENIZELOS (1988), p. 231.

289 Cf. VENIZELOS (1988), p. 228.

de 1990), la CSS a nié sa compétence de lever des contestations portant sur une disposition constitutionnelle, en s'appuyant sur le texte de l'art 100 Cst., qui parle, on l'a vu, de "loi formelle". D'après cette nouvelle jurisprudence, si "chacune des Cours suprêmes attribue, par son arrêt, un sens différent à la même disposition constitutionnelle, la compétence de la CSS n'est pas consacrée par la disposition ci-dessus" (l'art. 100 al. 1 e)290.

Le rôle de la CSS dans l'ordre juridique grec n'est pas de garantir l'unité de la jurisprudence constitutionnelle, mais d'assurer qu'une loi ne sera pas considérée comme valide par les tribunaux d'une juridiction et inapplicable, parce qu'inconstitutionnelle, par les tribunaux des deux autres juridictions.

D'autre part, la CSS procède à un examen minutieux de la pertinence de la disposition d'une loi pour le jugement de fond : il y a divergence entre deux arrêts des tribunaux suprêmes si la constatation de l'inconstitutionnalité ou de la constitutionnalité d'une loi constitue le support nécessaire et inséparable du dispositif (arrêts nos 2 de 1981, 20 de 1985, etc.). La CSS n'est donc pas saisie de la totalité de la loi. Cette condition, que pose la jurisprudence de la CSS, rappelle aux tribunaux que l'objet du contrôle préjudiciel est une norme précise, celle qui aurait été appliquée si la question de sa conformité avec la Constitution n'avait pas été posée; elle renforce ainsi le caractère concret du contrôle préjudiciel.

De plus, le résultat de l'examen de la constitutionnalité doit se répercuter sur le jugement au fond : si, par exemple, un tribunal suprême applique une loi sans contester sa constitutionnalité et un autre l'applique aussi, en estimant que, telle qu'interprétée dans ce cas concret, elle est conforme à la Constitution, tout en laissant subsister des doutes sur sa décision dans un autre contexte, il n'y a pas divergence, au sens de l'art. 100 Cst.291, Il ressort de cette jurisprudence que la CSS s'efforce de bien circonscrire sa compétence, de ne pas contester la priorité des tribunaux ordinaires, tout en les incitant à respecter les contraintes et les limites inhérentes à un contrôle de constitutionnalité concret.

La CSS, chargée en principe de pratiquer un contrôle abstrait de constitutionnalité, a-t-elle aussi le pouvoir de procéder à un contrôle préjudiciel ? La question se pose lorsque la CSS est appelée à lever une contestation portant sur le sens de la disposition d'une loi. La CSS ne s'est

290 291

Cf. BACOYANNIS, p. 541.

Cf. CSS, n° 1de1976; KASSIMATIS (1977), p. 316-317.

pas encore prononcée sur ce point. On pourrait penser que, puisque les tribunaux suprêmes ont effectivement appliqué une loi, tout en lui accordant un sens différent, il n'existe pas une divergence sur la constitutionnalité de la disposition interprétée : celle-ci a été implicitement affirmée. On rétorquera que l'obligation, imposée à tous les tribunaux de

pas encore prononcée sur ce point. On pourrait penser que, puisque les tribunaux suprêmes ont effectivement appliqué une loi, tout en lui accordant un sens différent, il n'existe pas une divergence sur la constitutionnalité de la disposition interprétée : celle-ci a été implicitement affirmée. On rétorquera que l'obligation, imposée à tous les tribunaux de

Documents relatifs