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"Contrôle concret et diffus" signifie que la question de la constitutionnalité des lois est posée et tranchée à l'occasion d'un litige concret et que toutes les instances habilitées par la loi à résoudre un litige sont compétentes pour examiner l'inconstitutionnalité de la disposition qu'elles appliquent ISO. Quel est l'équilibre entre le juge et le législatif que ce système institue (a) ? Quelles en sont les conséquences pour les justiciables (b) ?

149 Cf. ROSSINELLI, p. 174-176.

150 Cf. MANITAKIS (1988), p. 49; AUER (1983), p. 21.

a. L'équilibre entre le pouvoir législatif et les tribunaux

Il existe une contradiction apparente dans le système européen du contrôle abstrait et concentré : les ordres juridiques, qui ont connu pendant longtemps la sacralisation de la loi et une certaine conception de la séparation des pouvoirs qui excluait toute contestation de !'oeuvre du Parlement par le juge, ont créé des Cours constitutionnelles aux pouvoirs redoutables. Or, ce système traduit une profonde méfiance face au juge plutôt qu'au législateur. Pour KELSEN, la création d'un tribunal constitutionnel n'est pas contraire au principe de la séparation des pouvoirs, puisque cette Cour, en annulant les lois, est un organe législatif, un législateur négatif; c'est un moyen de répartir le pouvoir législatif entre deux organesl51. A la base du raisonnement kelsénien, il y avait un souci : consolider les structures de l'Etat législatif, en protégeant le législateur contre les juges et en limitant en même temps le pouvoir exécutifl52. En effet, la juridiction constitutionnelle "européenne" se situe en dehors des trois pouvoirs; tout en étant hors de l'appareil juridictionnel, le juge constitutionnel sanctionne les violations des droits fondamentaux commises par le juge ordinaire (grâce au recours constitutionnel contre les décisions judiciaires); celui-ci contrôle la constitutionnalité d'une loi mais il doit l'appliquer dans le cas concret. La désignation des membres des Cours constitutionnelles par les autorités publiques signifie que, a contrario, les juges ordinaires ne sont pas légitimés à contrôler la constitutionnalité des lois.

Pareilles considérations ont été absentes en droit grec. Le contrôle concret et diffus est considéré comme une manifestation régulière et normale du pouvoir du juge de trancher un litige153. La confiance dans les juges professionnels a été assez grande154; c'est pourquoi on n'a pas envisagé la création d'un organe spécial, en dehors de la hiérarchie des tribunaux.

Même après la chute de la dictature, la nouvelle Constitution de 1975 n'a pas exclu l'interprétation de la loi fondamentale démocratique, et la non-application des lois inconstitutionnelles, par les juges professionnels, contrairement aux pays européens après le rétablissement de la démocratie (par exemple Allemagne, Espagne, Portugal, anciens pays socialistes, etc.).

151 Cf. KELSEN (1928), p. 224.

152 Cf. GIOV ANELLI, p. 403-404.

153 Cf. DARGENTAS, p. 408.

154 Cf. SPILIOTOPOULOS (1988), p. 162-163.

Dès la fin des années vingt, on a considéré que la désignation des juges par les autorités politiques diminuait l'indépendance du tribunal et altérait la base idéologique de la juridiction constitutionnellelss. Par ailleurs, il n'a jamais existé une aristocratie de juges en Grèce : ceux-ci proviennent de toutes les couches de la population et ils n'ont jamais été a priori opposés aux réformes socialesl56,

En Suisse, au contraire, le contrôle diffus n'a pas découlé d'un pouvoir judiciaire fort et estimé. Les juges cantonaux, en effectuant le contrôle préjudiciel des lois, n'étaient que des "agents" d'un autre ordre juridique, le pouvoir fédéral, qui se superposait aux cantons : on n'était pas assez conscient de la relation étroite entre "fédéralité" et constitutionnalité. Il n'empêche que, comme en Grèce, il n'y a pas en Suisse de juges constitutionnels désignés d'une manière différente que les autres : l'Assemblée fédérale élit tous les membres du Tribunal fédéral, non seulement ceux qui siègent aux Cours de droit public. On remarquera, au niveau cantonal, que le développement d'autorités judiciaires indépendantes de l'exécutif favorise la reconnaissance du contrôle préjudicie}l57, beaucoup plus que l'introduction du système concentré.

D'un autre point de vue, le système diffus rend plus difficile l'influence par les autorités politiques de milliers de jugeslSS; il garantit que les questions juridiques seront tranchées selon le droit, sans considérations politiques.

Dans le système concentré (auquel il faut rapprocher sur ce point celui des Etats-Unis), la démission d'un juge ou la vacance d'un siège peut bouleverser les rapports de force au sein d'un collège restreint et ouvrir la voie aux pouvoirs publics pour changer le cours de la jurisprudence à travers la nomination d'un nouveau membre, proche de l'idéologie des partis dominantsl59. On rétorquera que cette intervention des pouvoirs publics est un élément démocratique qui empêche les juges de s'éloigner pratique bien établie, la réélection d'un juge au Tribunal fédéral n'est pas toujours automatique et dépourvue d'arrière-pensées politiques; en Grèce, la promotion aux grades de Président de la Cour de Cassation, du Conseil d'Etat et de la Cour des Comptes se fait au choix par décret sur proposition du Conseil des Ministres, procédure qui n'assure pas que le mérite sera le seul critère pris en considération;

cf. KNUPFER, p. 223, SPILIOTOPOULOS (1988), p. 157-161.

n'appartenant pas à une classe sociale précise, sont capables d'exprimer le sentiment général, tout en n'ignorant pas l'évolution sociale et les effets des alternances de la vie politique160; plus faible est la légitimation démocratique des juges, plus grande sera leur fidélité au constituant et non à l'auteur de la loi161.

Tout cela ne signifie pas que le contrôle concret et diffus ne ménage pas le pouvoir législatif. Premièrement, une loi jugée inconstitutionnelle n'est pas annulée. S'il est vrai que la décision d'un tribunal suprême jouit d'une très grande autorité et d'une force de conviction incontestable, elle ne crée pas un vide juridique; le législateur peut intervenir en abrogeant la loi ou en limitant sa portée. Deuxièmement, l'objet de ce contrôle est bien délimité.

Ce n'est pas la loi entière, mais seulement la disposition qui a servi, ou devrait servir de base juridique à l'acte directement attaqué162, celle que le juge aurait appliquée, si la question de sa constitutionnalité n'avait pas été posée163; le vice prétendu de la loi doit être pertinent, se refléter dans l'acte concret d'application.

C'est une différence majeure par rapport au contrôle abstrait du modèle européen, où, en principe, les Cours constitutionnelles s'estiment saisies de l'ensemble de la loi.

Troisièmement, le juge ne contrôle pas la norme en tant que telle ni toutes ses interprétations éventuelles. Il confronte à la norme supérieure le sens précis de la disposition que lui a donné l'autorité qui l'avait appliquée164; il s'intéresse exclusivement à la violation contenue et reproduite dans l'acte d'application concret. Il se peut que l'interprétation donnée à la norme par l'autorité intimée soit la seule possible ou que la norme puisse comporter un autre sens, conforme à la règle supérieure. Dans le premier cas, le contrôle préjudiciel se rapproche du contrôle abstrait; dans le deuxième cas, il y a une analogie avec les techniques de l'interprétation conforme, de la déclaration de "conformité sous réserve", etc. utilisées par les Cours constitutionnelles. Et pourtant, une différence persiste : le juge, en effectuant le contrôle concret, rejette une certaine interprétation de la loi, considérée comme contraire à la Constitution, sans en imposer une autre.

160 Cf. SPILIOTOPOULOS (1988), p. 162.

161 Cf. ZIMMERMANN, p. 271.

162 Cf. SCHIESSER, p. 20.

163 Cf. VENIZELOS/SKOURIS, p. 99.

164 Cf. SCHIESSER, p. 18.

Tout se passe comme si le caractère préjudiciel de la constitutionnalité servait de "retenue" institutionnelle, de limite intrinsèque aux pouvoirs du jugel65,

Ceci ne rend pas le contrôle concret moins efficace. Ce système permet au juge de déceler une inconstitutionnalité latente, que même un législateur vigilant n'est pas en mesure de prévoir166, et de suivre l'évolution sociale.

En effet, une loi peut être déclarée inconstitutionnelle après beaucoup de temps, quand une controverse éventuelle aura perdu de son acuité, et ce, malgré une déclaration première de constitutionnalitél67. C'est le système le plus adapté pour sanctionner l'inconstitutionnalité ultérieure d'une loi, due à la modification des normes de référence. Dans une certaine mesure, il est moins politisé que le modèle du contrôle abstrait : les pouvoirs politiques ne sont pas parties au litigel68, qui concerne toujours les droits ou les intérêts des particuliers. La contestation de la constitutionnalité est en quelque sorte dédramatisée, assimilée aux autres questions juridiques qui font le pain quotidien du juge, puisqu'elle n'est pas tranchée selon une procédure spéciale. L'existence même de la loi n'étant pas mise directement en cause, le contrôle préjudiciel s'accommode mieux avec la représentation dominante de la séparation des pouvoirs. Il semble que ce système soit assez discret, peu ostentatoire. C'est pourquoi, en Suisse, il est considéré comme la solution alternative la plus appropriée pour une extension future de la juridiction constitutionnellel69; cela explique aussi qu'en Grèce, sa légitimité a été renouvelée non seulement par le constituant de 1975, mais aussi en 1985-1986, lors de la révision de la Constitution:

on a voulu donner plus de pouvoirs à la majorité parlementaire, en limitant ceux du Président de la République, jamais exercés, sans songer à toucher aux pouvoirs des tribunaux ordinaires, en élargissant par exemple les compétences de la Cour Spéciale Suprême.

L'équilibre entre le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire qu'instaure le contrôle concret et diffus n'est pas parfait. Ce système est. parfois générateur d'insécurité juridique. Le risque que la multitude de juges appelés à examiner la constitutionnalité d'une loi prononcent des décisions

165 Cf. VENIZELOS/SKOURIS, p. 96.

166 Cf. KAUFMANN, p. 142-143.

167 Cf. SPILIOTOPOULOS (1985), p. 102.

168 Cf. TRIEPEL, p. 16.

169 Cf. AUBERT (1988), p. 23.

improvisées, mal préparées ou contradictoires, subsistel70, S'ils appliquent une loi, il n'est pas certain qu'ils ne le refuseront la prochaine fois, notamment en Suisse, où le TF et les autres tribunaux sembletil -n'examinent que les griefs invoqués. Parfois, les décisions des tribunaux grecs sont motivées sommairement, sans résoudre les problèmes que pose l'interprétation de la constitutionl71, ce qui n'est pas étonnant, puisque le but du juge est de donner une réponse à un litige porté devant lui : son raisonnement est plutôt finaliste et axiomatique que systématique et juridiquement solide. Le fait qu'un acte administratif pourrait être en même temps conforme à la loi et contraire à la constitution laisse l'administration perplexe; de plus, elle peut voir la base légale de son action invalidée, ce qui paralyse son activitél72. En outre, le désaveu du législateur est parfois assez brutal, puisqu'il est possible que le contrôle concret intervienne dans le premier cas d'application d'une nouvelle loil73; il se peut encore que le procès n'ait qu'un seul objet, la question de la constitutionnalité, l'acte d'application ne servant que de prétexte pour remonter à la loil74. On verra dans la deuxième partie que, dans les deux ordres juridiques, il existe des contre-poids au caractère diffus du contrôle. Il ne faut pas oublier, pourtant, que les défauts de ce système sont dus à un choix délibéré du droit suisse et du droit grec : faire du contrôle de la constitutionnalité - ou de la "fédéralité" - une activité quotidienne du juge et mettre l'accent sur la protection des droits individuels.

b. Le caractère individualiste du contrôle concret et diffus

Il semble que dans aucun autre modèle de contrôle de la constitutionnalité les individus ne soient aussi impliqués dans la protection des droits que la loi fondamentale leur reconnaît. Le contrôle concret et diffus met en évidence le fait que la règle de droit n'appartient pas exclusivement à celui qui la crée ou qui l'applique; que tous en sont les destinataires et peuvent l'invoquer pour mieux défendre leurs intérêtsl7S, Les justiciables font valoir leurs droits directement et non pas par l'intermédiaire d'autres pouvoirs ou

170 Cf. SKOURIS (1982), p. 543.

171 Cf. VENIZELOS (1989), p. 433.

172 Cf. VEGLERIS (1960), p. 642.

173 Cf. AUBERT (1988), p. 23.

174 Cf. AUER (1983), p. 36.

175 Cf. DARGENTAS, p. 402.

instances. En effet, la saisine par les autorités politiques est toujours une question d'opportunité et peut avoir pour conséquence la politisation de la justice ou la judiciarisation de la politique; le renvoi par le juge ordinaire à la Cour constitutionnelle, pratiqué entre autres en Allemagne et en Italie dépend dans une large mesure du juge lui-même : l'initiative n'appartient pas aux parties, qui ne peuvent qu'attirer l'attention du juge sur ce point; le débat devant la Cour constitutionnelle n'est pas contradictoire, puisque les parties ne sont pas entendues176.

Au contraire, le contrôle concret et diffus n'est pas seulement une faculté ou un devoir du juge. Il est d'une certaine façon le corollaire du pouvoir du juge d'entendre et de trancher un litige. Il a une relation étroite avec le droit fondamental à une protection juridique effective par les tribunaux (garanti en Grèce par l'art 20 § 1 Cst. et en Suisse, sous la forme de l'interdiction du déni de justice formel par l'art. 4 Cst. féd.) : le juge est tenu d'évaluer d'une manière complète tous les moyens soulevés devanrlui qui, s'ils sont jugés bien fondés, conduiront à l'admission de la requête177. S'il s'avère que l'acte attaqué est annulable à cause de l'inconstitutionnalité d'une loi, le juge doit examiner ce grief, sauf dans le cas où une autre disposition constitutionnelle le lui interdit (par exemple l'art. 113 al. 3 Cst. féd. suisse).

On trouve un raisonnement analogue dans une partie de la doctrine suisse : l'exercice du contrôle préjudiciel est obligatoire pour l'autorité cantonale; le citoyen a le droit d'exiger de l'autorité qu'elle agisse effectivementl78 en invoquant, selon SCHIESSER précisément l'interdiction du déni de justice formel qui impose à toutes les autorités le devoir de n'appliquer que la loi réellement valable, c'est-à-dire celle qui est conforme à la loi suprêmel79, ou bien, selon ZIMMERMANN, à côté du droit constitutionnel prétendument lésé, le principe de la légalité, tiré de l'art. 4 Cst. féd., ou de la force dérogatoire du droit fédéral (art. 2 DT)lSO, En ce qui concerne la compétence du TF, celle-ci découle de la garantie des droits constitutionnels accordée par la Confédération (art. 5 Cst. féd.), qui institue une voie de recours, pour que les particuliers puissent se plaindre devant le Tribunal fédéral d'une atteinte à leurs droitslSt.

176 Cf. D'AMICO, p. 91.

177 Cf. KLAMARIS, p. 217.

178 Cf. ZIMMERMANN, p. 89.

179 Cf. SCHIESSER, p. 136-137.

180 Cf. ZIMMERMANN, p. 91.

181 Cf. AUER (1986), p. 106.

L'orientation de la juridiction constitutionnelle en Suisse et en Grèce vers la protection des droits individuels a des conséquences importantes sur la recevabilité du grief d'inconstitutionnalité et sur les effets de son admission. Dans le système de contrôle concret et diffus, la question de la constitutionnalité d'une loi se pose quand toutes les conditions formelles d'ouverture du procès sont réunies (base légale de l'action, intérêt légitime du demandeur ou du plaideur, etc.)182, Ces conditions remplies, le tribunal doit entrer en matière (sauf bien sûr, si un acte est immunisé). C'est une grande différence par rapport au modèle européen (et celui des Etats-Unis) où les Cours constitutionnelles procèdent à un filtrage des recours : en Allemagne, la Chambre compétente ne statue sur un recours constitutionnel que si deux juges au moins estiment que l'on peut attendre de la décision qu'elle élucide une question constitutionnelle ou qu'un refus de se prononcer sur le fond cause au recourant un préjudice lourd et inéluctable; la Cour suprême des USA ne statue que s'il existe des "raisons spéciales et importantes"l83, Ceci n'est pas étonnant : le rôle de ces Cours, comme l'écrit FA VOREU, est moins de résoudre tel ou tel cas individuel que de statuer sur telle ou telle grande question dont la résolution apparaît nécessaire dans l'intérêt général184.

Or, en Suisse et en Grèce la tâche des tribunaux est de statuer sur les prétentions des recourants et non de développer le droit : ceci n'est pas un but en soi. On trouve à la base du système de contrôle concret et diffus une conception réaliste, anti-autoritaire et profondément démocratique : les individus savent que la loi fondamentale leur garantit des droits, que les autorités étatiques sont tenues de les respecter, mais qu'elles n'y arrivent pas toujours et que, dans ces cas, ils ne sont pas obligés de s'y soumettre, tant que les tribunaux ne se sont pas prononcéslss. Ils savent encore qu'ils seront seuls juges de l'importance de leur cause; les aspirations des minorités sont mieux respectées lorsqu'un tribunal estime qu'elles ne sont garanties par aucun droit constitutionnel, que lorsqu'une loi qui prévoit une procédure d"'admission" dispense le tribunal d'examiner les cas sans

"importance"l86, En outre, la prolifération des recours mène à une jurisprudence détaillée et affinée, à l'évaluation complète de la

182 Cf. MANITAKIS (1988), p. 50.

183 Cf. POUDRET, p. 380.

184 Cf. FA VOREU (1988), p. 62.

185 Cf. AUER (1986), p. 107.

186 Cf. AUER (1986), p. 107; SCHIBLI, p. 189.

constitutionnalité d'une norme, en compensant ainsi le fait que le contrôle concret s'effectue par rapport à une seule interprétation donnée à la loi.

Les inconvénients de cette conception ne sont pas négligeables. Elle peut conduire à la surcharge des tribunaux mais aussi à la banalisation du contrôle de la constitutionnalité. Cette dernière observation est particulièrement valable en droit grec : les justiciables sont de plus en plus tentés de soulever ce moyen et les tribunaux à l'examiner, même s'ils arrivaient à la même conclusion en se fondant sur une base plus restreintets7. Les justiciables semblent se consoler, en sachant qu'ils pourront obtenir ce que la loi leur refuse, en invoquant la Constitution et ses dispositions les plus vagues et indéterminées, comme le principe d'égaJitélSS, Il en résulte une dégradation de la loi : son adoption par le Parlement ne signifie pas qu'elle sera observée par les citoyens. C'est une forme de "désobéissance civile", qui n'est pas dépourvue d'aspects positifs : la méfiance à l'égard de la loi va de pair avec la confiance et la revalorisation de la loi fondamentale. Que le système de contrôle préjudiciel facilite la contestation de la loi est moins critiquable que les improvisations ou l'arbitraire du législateur. Si le modèle grec et suisse est plutôt individualiste, il n'en est pas moins efficace. Il est vrai que tous les litiges constitutionnels ne sont pas soumis au juge, puisque les conditions de recevabilité formelle ne sont pas toujours remplies (on pensera à l'élection du Président de la République, à la dissolution du Parlement et aux autres "litiges entre organes" en droit grec, considérés comme "actes de gouvernement" ou à tous ces actes en droit suisse qui lèsent un intérêt et non un droit individuel). Cela ne signifie aucunement que le contrôle préjudiciel a un caractère aléatoire ou qu'il en résulte une jurisprudence au hasard des circonstances. Il suffit d'ouvrir un traité quelconque de droits fondamentaux pour constater que le Tribunal fédéral, en dernière instance, a concrétisé toutes les dispositions de la Constitution qui peuvent servir de base à une nom1e cantonale; en plus, il a assuré l'intégration fédérale, en sanctionnant les violations de la force dérogatoire du droit fédéral, il a protégé les institutions de la démocratie directe et les droits politiques dans les cantons et a imposé la séparation des pouvoirs au niveau cantonal189, et la composition conforme à la Constitution d'une Landsgemeinde190. Une

187 Cf. VEGLERTS (1987), p. 128.

188 Cf. VEGLERTS (1981), p. 455.

189 Cf. MUELLER (1980), p. 71 et s.

190 ATF 116 Ta 339, 364, Rohner.

constatation semblable s'impose pour les tribunaux grecs : sous l'empire de la Constitution de 1975/1986, par exemple, le Conseil d'Etat s'est prononcé entre autres sur la liberté du commerce et de l'industrie et la "constitution économique", le Service National de la Santé, les relations entre l'Eglise et l'Etat, le droit de la radio-télévision, l'organisation des Universités, la

constatation semblable s'impose pour les tribunaux grecs : sous l'empire de la Constitution de 1975/1986, par exemple, le Conseil d'Etat s'est prononcé entre autres sur la liberté du commerce et de l'industrie et la "constitution économique", le Service National de la Santé, les relations entre l'Eglise et l'Etat, le droit de la radio-télévision, l'organisation des Universités, la

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