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conditions chaudes et sèches en Amazonie limitant les émissions par les zones humides.

Au total, cette évaluation confirme par une méthode indépendante que la contribu- tion des régions tropicales à l’anomalie de 2007 provient essentiellement de l’Amérique du Sud tropicale. La situation moins claire en 2010-2011 conforte également l’idée qu’une autre région participe probablement à l’anomalie tropicale. C’est ce qu’on a montré avec la série temporelle de l’anomalie des flux en Asie du Sud-Est sur la figure

6.11. Finalement, on retrouve dans cette comparaison que plusieurs résultats sont partagés à la fois par les inversions et par les simulations de ORCHIDEE, malgré de forts désaccords dans le phasage des anomalies à l’échelle régionale.

Pour la suite, il est également important de signaler que l’amplitude des anomalies et l’impact de la sécheresse de 2010 en Amazonie diffèrent entre les deux approches. En effet, il ne fait aucun doute dans les estimations du modèle ORCHIDEE que l’anomalie en 2006-2007 est plus marquée que l’anomalie de 2010-2011 (8.1 TgCH4.an−1 supé-

rieure). Dans le cas des inversions atmosphériques, on obtient un résulat contradictoire puisque l’anomalie de 2010-2011 est plus marquée que celle de 2007 (∼5 TgCH4.an−1

supérieure). Cependant, on peut faire remarquer que les inversions satellites n’étaient pas disponibles en 2006-2007 puisque les données satellites GOSAT ont commencé à être disponibles au milieu de l’année 2009. Par conséquent, l’anomalie détectée seulement par des inversions de surface en 2007 est probablement sous-estimée, étant donné qu’on a vu que les inversions satellites trouvaient des anomalies plus fortes que les inversions de surface dans les tropiques.

6.6

Tendance dans les émissions de méthane entre 2006 et

2012

Une question importante, beaucoup discutée dans la littérature, est celle de la tendance à long terme des émissions de méthane depuis 2000. Dans la section6.2, il a été montré que l’inventaire EDGAR version 4.2FT2010 surestimait probablement les émissions en Chine en 2010.Bergamaschi et al.(2013) ont trouvé un résultat similaire en montrant que la tendance des émissions durant les années 2000 issue de EDGAR version 4.2 surestimait la tendance retrouvée par des inversions atmosphériques.Kir-

schke et al. (2013) évoquent également une potentielle surestimation des émissions

anthropiques en Asie mais les grandes incertitudes associées à leur étude ne permettent pas de conclure totalement sur la question.

On présente alors dans le tableau 6.8 les tendances (en TgCH4.an−2) des émissions

trouvées dans les 9 inversions, le prior, l’inventaire EDGAR, l’inventaire EPA et les simulations ORC-1 et ORC-2 d’ORCHIDEE. Ces tendances ont été calculées à partir d’un ajustement linéaire des émissions selon la procédure de Thoning et al. (1989). On présente les résultats pour l’échelle globale, les trois régions définies en bandes de latitude (les tropiques, les régions extra-tropicales de l’hémisphère nord et de l’hémi- sphère sud) et quelques régions continentales importantes déjà notées dans les sections précédentes.

Je suis conscient que 7 ans correspond à une durée un peu courte pour assurer la ro- bustesse des tendances présentées. Mais je propose l’analyse ci-dessous car elle éclaire tout de même en partie les questions qui se posent sur l’évolution des émissions de méthane depuis 2006.

Régions Inversions PRIOR EDGAR EPA ORCHIDEE v4.2FT2010 ORC-1 ;ORC-2 Global +1.4 +4.4 +5.1 +3.6 -1.6 ;-2.1 [+1.3 ;+1.6] EX-HN -0.4 +2.3 +3.2 - -1.0 ;-0.1 [-1.9 ;0.0] EX-HS -0.1 -0.1 0.0 - -0.1 ;-0.1 [-0.1 ;0.0] TROP +1.9 +2.2 +2.1 - -0.4 ;-0.7 [+1.4 ;+3.3] ANB -0.1 +0.1 0.0 - +0.3 ;+0.2 [-0.2 ;0.0] ANT -0.3 -0.2 -0.1 - 0.0 ;0.0 [-0.6 ;-0.2] ASTr +0.6 +0.7 -0.2 - -0.4 ;-0.9 [+0.4 ;+0.8] ASTm +0.15 +0.3 -0.3 - -1.0 ;-1.1 [-0.1 ;0.3] Afr 0.0 +0.2 +1.5 +1.1 0.0 ;-0.3 [-0.2 ;+0.2] EurB -0.1 +0.2 +0.3 - -0.4 ;-0.2 [-0.3 ;0.0] SEAs +0.2 -0.2 -0.1 - +0.1 ;+0.6 [-0.3 ;+1.0] Eur -0.6 +0.2 +0.1 +0.3 +0.1 ;+0.1 [-1.0 ;-0.09] Chi +0.9 +2.3 +3.0 +0.4 -0.2 ;-0.3 [0.0 ;+2.0 ] Ind +0.2 +0.3 +0.3 +0.3 -0.1 ;-0.1 [+0.1 ;+0.5] ME +0.3 +0.4 +0.7 +0.3 0.0 ;0.0 [+0.2 ;+0.4]

TABLE 6.8: Tendances des émissions de méthane entre 2006 et 2012 exprimées en TgCH4 par an2 pour différentes régions. Les tendances calculées à partir des 9 in-

versions (on donne la moyenne, et le minimum et le maximum entre crochets des tendances des différentes inversions), de l’information a priori, de l’inventaire EDGAR v4.2FT2010, de l’inventaire EPA et de 2 simulations du modèle de végétation ORCHI- DEE sont exposées dans les différentes colonnes.

La tendance trouvée à l’échelle globale dans les inversions atmosphériques est de +1.4 TgCH4.an−2. Cette tendance est principalement pilotée par une forte ten-

dance positive de +1.9 TgCH4.an−2 dans les tropiques et une tendance négative de

-0.4 TgCH4.an−2 dans les régions extra-tropicales de l’hémisphère nord (HN). La

tendance trouvée dans les émissions a priori à l’échelle globale est très supérieure (+4.4 TgCH4.an−2) ce qui est expliqué en partie par la forte tendance positive (+2.3

TgCH4.an−2) dans les régions extra-tropicales de HN (Chine). Cependant, ces ten-

dances sont biaisées par le fait que les émissions naturelles par les zones humides utilisées dans notre scénario a priori ne possèdent pas de variabilité interannuelle. Par conséquent, les tendances trouvées dans le prior sont proches de celles trouvées dans l’inventaire EDGAR version 4.2FT2010, avec une forte tendance positive (+5.1

6.6. Tendance dans les émissions de méthane entre 2006 et 2012

TgCH4.an−2) à l’échelle globale principalement associée à la tendance en Chine : +3.0

TgCH4.an−2. A contrario, les inversions atmosphériques trouvent une tendance plus

faible de +0.9 TgCH4.an−2 en Chine, même si cette tendance est la plus élevée des

différentes régions étudiées. On confirme alors le résultat de diverses études (Berga- maschi et al.,2013;Houweling et al.,2014; Bruhwiler et al.,2014) qui montrent que les tendances des émissions anthropiques dans l’inventaire EDGAR version 4.2FT2010 sont trop fortes. Ces valeurs positives restent trop fortes même si on prend en compte les tendances négatives trouvées par ORCHIDEE à l’échelle globale (-1.6 et -2.1 TgCH4.an−2 pour ORC1 et ORC-2).

Il est également intéressant de remarquer que la tendance des émissions inversées en Amérique du Nord tempérée est négative (-0.3 TgCH4.an−2). En effet, plusieurs études

(Howarth et al.,2011; Karion et al.,2013; Kort et al.,2014), basées sur des mesures atmosphériques, font état d’émissions de méthane importantes liées à l’extraction du gaz de schiste aux Etats-Unis (voir Section 2.2.2), même si d’autres études ne sont pas en accord avec ces résultats (Cathles III et al., 2012; Wecht et al., 2014). On pourrait alors penser à trouver une tendance positive dans cette région en estimant que les activités liées à cette industrie ont augmenté significativement ces 10 dernières années. Cependant, notre zone d’étude couvre la période 2006-2012, or l’exploitation du gaz de schiste aux Etats-Unis a commencé au début des années 2000. Ainsi, il se peut que les taux d’émission de méthane soient restés plus ou moins constants à la fin des années 2000, et qu’on ne trouve pas, en conséquence, de tendance positive dans les émissions en n’étudiant que la période 2006-2012. Kort et al. (2014) ont fait un constat proche de celui-là : ils ont constaté une grande anomalie dans la région des « Four Corners » dans le Sud-Ouest des Etats-Unis qui a persisté avec la même intensité entre 2003 et 2009. A noter également que la tendance des émissions en Europe, qui sont principalement d’origine anthropiques, est négative (-0.6 TgCH4.an−2) entre 2006

et 2012. Enfin, les régions des hautes latitudes de l’hémisphère nord ne montrent pas de tendances significatives sur les années récentes ce qui indique l’absence, vue de l’atmosphère, d’une forte augmentation des émissions par le pergélisol ou les hydrates de méthane par exemple (section2.2.2).

Enfin, les régions des hautes latitudes de l’hémisphère nord ne montrent pas de tendances significatives sur les années récentes ce qui indique l’absence, vue de l’at- mosphère, d’un forte augmentation des émissions par le pergelisol ou les hydrates de méthane par exemple.

Dans les régions tropicales, les inversions trouvent une tendance positive de +1.9 TgCH4.an−2. L’Amérique du Sud tropicale et l’Asie du Sud-Est contribuent à cette

tendance avec respectivement une tendance de +0.6 et +0.2 TgCH4.an−2. Ces régions

sont fortement impactées par les émissions par les zones humides, c’est pourquoi il est légitime de comparer ces tendances à celles trouvées dans les simulations du modèle ORCHIDEE. Les tendances dans les tropiques issues de ORC-1 et ORC-2 sont respectivement de -0.4 et -0.7 TgCH4.an−2, ce qui est en opposition totale avec la

tendance trouvée dans les inversions atmosphériques. Il faut tout de même signaler que les tendances provenant des inversions atmosphériques peuvent être impactées par les tendances d’autres types d’émissions (émissions anthropiques par exemple). Cependant, il semble assez clair ici que les tendances provenant de ORC-1 et ORC-2 sont en opposition avec les tendances issues des inversions atmosphériques. Les ten- dances dans les tropiques sur la période 2006-2012 sont principalement expliquées par l’amplitude des deux anomalies évoquées dans la section précédente. Or, on a fait remarquer que ces anomalies ont des amplitudes différentes selon l’approche utilisée : — l’approche montante (simulations ORC-1 et ORC-2) simule l’anomalie de 2006-

2007 plus forte que celle de 2010-20111 et induit en conséquence une tendance négative dans les tropiques.

— l’approche descendante (inversions) dérive une anomalie en 2007 plus faible qu’en 2010-2011 et induit, au contraire, une tendance positive dans les tro- piques.

Une investigation approfondie des tendances simulées par ORCHIDEE à partir des travaux de Shushi Peng (communication personnelle) ont permis de montrer que la tendance négative entre 2006 et 2012 était principalement pilotée par la tendance négative trouvée dans l’étendue des zones humides issue du produit de Schroeder et al.(2010). Cependant, il semble que cette tendance ne soit pas très réaliste car une tendance positive est trouvée dans la quantité de précipitations observées entre 2006 et 2012 dans les régions tropicales. Or, la tendance de l’étendue des zones humides est fortement corrélée aux quantités de précipitations (Bloom et al., 2010). De plus, le résultat portant sur la tendance des précipitations semble assez cohérent car il a été trouvé à partir de 3 jeux de données différents des précipitations mondiales (CRU

(Mitchell and Jones, 2005) ; GPCP (Adler et al., 2003) et TRMM (Huffman et al.,

2007)). Les explications les plus plausibles pour expliquer ce désaccord sur les ten- dances semblent liées aux incertitudes accompagnant la détection des zones humides par satellite : la végétation dense et la couverture nuageuse importante dans les ré- gions tropicales, où une majorité des zones humides est localisée, peuvent impacter les mesures par satellite. De plus, on peut également envisager une dégradation du capteur du satellite au cours de cette période.

Finalement, plusieurs indices (tendances positives dans les inversions et dans les précipitations) semblent indiquer une tendance positive des émissions de méthane dans les régions tropicales. Il semble tout de même raisonnable d’attendre d’avoir des séries plus longues pour pouvoir tirer des conclusions plus définitives sur le signe des tendances à long terme dans ces régions où les anomalies perdurent plusieurs années.

En bilan, les inversions atmosphériques menées dans cette thèse permettent de fournir une estimation de la partition des tendances 2006-2012. En effet, la tendance globale des émissions de méthane (+1.4 TgCH4.an−2) est essentiellement expliquée

par la tendance estimée en Asie (Chine et Asie du Sud-Est, émissions essentielle- ment anthropiques) avec +1.1 TgCH4.an−2 et celle de l’Amérique du Sud tropicale

(émissions essentiellement naturelles) avec +0.6 TgCH4.an−2. Du même coup, nous

confirmons aussi d’autres études récentes, selon laquelle les émissions anthropiques de l’inventaire EDGAR version 4.2FT2010 sont surestimées en Asie. Au contraire, on ne peut pas conclure définitivement sur la tendance des émissions dans les tropiques, même si une tendance positive semble la plus probable au vu de nos différents résul- tats. La tendance des émissions dans les tropiques impactant fortement la tendance à l’échelle globale, il est également probable que la tendance des émissions de méthane soit positive à l’échelle globale entre 2006 et 2012, même si des études complémen- taires sont nécessaires pour complètement confirmer cela.