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Il est à noter que les corrélations d’erreurs dans l’espace des observations ne sont pas prises en compte dans les inversions atmosphériques pour les gaz à effet de serre par manque de connaissances pour les évaluer. Cependant, quelques travaux ont proposé des idées sur ce sujet. Par exemple, Chevallier et al. (2007) ont montré qu’augmen- ter artificiellement les variances revenait à limiter l’impact de la non-considération des corrélations tout en bénéficiant d’un temps de calcul raisonnable. Dans notre cas, les corrélations d’erreurs de la matrice R ne sont pas prises en compte.

3.5

Les limitations de la modélisation inverse

Les inversions atmosphériques ont démontré, depuis leur développement dans les années 90, leur capacité à apporter des contraintes sur les cycles biogéochimiques du système Terre-Océan-Atmosphère. Cependant, un certain nombre de limitations sont apparues avec le développement de ces techniques. On expose ici les principales limi- tations des inversions atmosphériques : les ressources de calcul, le manque de données et les erreurs de modélisation.

Tout d’abord, il a été vu que les inversions atmosphériques reposent sur des méthodes numériques lourdes (inversions de matrices, méthodes de minimisation, etc.) et met- tant en jeu des systèmes de grandes dimensions (nombre important de contraintes (données satellites, mesures de surface, etc), optimisation de plusieurs espèces chi- miques à la fois (CH4 et MCF)). Par conséquent, les ressources de calculs disponibles

sont une limitation importante des inversions atmosphériques actuelles. De plus, bien que les ressources de calcul aient largement augmenté au cours des dernières années, le développement de systèmes inverses plus précis mais toujours plus complexes requiert davantage de ressources de calcul. La configuration mise en place et utilisée au cours de cette thèse nécessite plusieurs semaines de calculs pour obtenir une optimisation des flux de surface pour une seule année et avec une convergence satisfaisante (voir section6.1.3décrivant les performances du système inverse).

Ensuite, le manque de contraintes pour permettre de retrouver les sources et puits de méthane avec une bonne fiabilité a été une limitation qui est apparue très rapidement lorsque les méthodes inverses ont commencé à se développer. En effet, de grandes zones de la surface terrestre restent des « déserts » de mesures de la concentration de méthane et il est alors très compliqué d’optimiser les flux de ces régions sans contraintes. Cette limitation s’est comblée en partie avec le développement des réseaux de surface et de basse atmosphère, mais la situation reste tout de même fragile à moyen et long terme (Houweling et al.,2012). Par ailleurs, la mise en orbites de satellites me- surant les gaz à effet de serre permet en théorie de lever partiellement cette limitation mais, comme nous le verrons dans la section 6.3.2.3, pose aussi d’autres problèmes (les erreurs aléatoires et les biais de ces données sont plus grands).

Finalement, l’une des grandes limitations de la modélisation inverse reste les nom- breuses sources d’erreurs, notamment systématiques, dans la représentation du trans- port atmosphérique des gaz par un modèle numérique. Il est d’autant plus important d’être conscient de cette limitation que la modélisation inverse est particulièrement sensible à toutes les erreurs systématiques. En effet, une difficulté majeure des inver- sions atmosphériques réside, comme le montre la figure 3.9, dans l’interprétation des signaux des concentrations atmosphériques mesurées qui sont le résultat du transport atmosphérique (diffusion turbulente, advection, convection,etc) du méthane émis par différentes sources. Dans le « monde réel », l’information sur la localisation et l’intensité de la source sont petit à petit disséminées et diffusées dans l’atmosphère suite aux di- vers processus physiques de transport et de mélange. A travers la procédure inverse et grâce à l’apport de la modélisation numérique, on cherche alors à amplifier les signaux

Transport atmosphérique

Concentrations

atmosphériques Concentrations mesurées

Modèle de transport Flux de méthane estimés Erreurs de modélisation Erreurs d’observation Emissions de méthane Pe rte d’i nform at ion A m pl ifi ca tion de s e rre urs

« Monde réel » « Monde numérique »

FIGURE3.9: Schéma adapté de la figure 1.3 du Livre de I. Enting : « Inverse Problems in Atmospheric Constituent Transport ». Représentation schématique de l’impact des er- reurs (erreurs de modélisation, erreurs d’observation) sur les concentrations atmosphé- riques dans un « monde réel » et sur l’estimation des flux dans un « monde numérique ».

mesurés dans les concentrations pour retrouver l’information sur les flux. Mais cette étape peut aussi mener à l’amplification des différentes erreurs (et notamment des erreurs de modélisation) pour finalement aboutir à une estimation erronée des flux. Les erreurs instrumentales sont généralement assez bien connues, mais ce n’est pas le cas des erreurs liées à la modélisation numérique du transport atmosphérique.

Les modèles de chimie-transport se sont développés parallèlement au développement des réseaux de stations de surface mesurant la concentration de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. A l’origine les mesures faites à ces stations ont permis de déterminer les concentrations de fond des gaz à effet de serre puisqu’elles étaient situées loin de toutes sources majeures de gaz à effet de serre. Par exemple, les premières stations installées dans le réseau AGAGE étaient situées à Cape Matatula (Les Samoa), Cape Grim (Australie), Ragged Point (La Barbade) et Adrigole (Irelande). La validation des modèles de chimie-transport a donc été majoritairement basée sur ces mesures de gaz atmosphériques échantillonnant la concentration « de fond » des gaz traces. La représentation des concentrations atmosphériques à ces stations isolées dépend majo- ritairement d’une bonne modélisation du transport atmosphérique de grande échelle. Or, aujourd’hui, l’inversion atmosphérique cherche à mieux connaître la localisation des zones de fortes émissions de méthane. Ainsi, de plus en plus de stations de me- sures sont installées proches de ces zones pour bénéficier d’informations précieuses sur les émissions. De plus, avec l’apparition de nouvelles contraintes comme les don- nées satellites, d’autres aptitudes des modèles de chimie-transport (par exemple, la distribution verticale de la concentration) sont aujourd’hui nettement plus sollicitées. Ainsi, la majorité des modèles développés dans les années 90 pour représenter les concentrations « de fond » ont aujourd’hui beaucoup de difficultés à reproduire fidèle- ment les observations récentes. Par conséquent, les erreurs liées à la représentation des processus de transport dans ces régions où les émissions sont fortes peuvent être très importantes. On a illustré cela dans la partie introductive (section 1.3) en montrant la série temporelle de la concentration de méthane à Gosan (Corée du Sud) simulée par différents modèles. Il est flagrant que la dispersion entre les modèles pour simuler la concentration de méthane est très grande (plusieurs dizaines de ppb). Aujourd’hui, une meilleure représentation de la variabilité des concentrations atmosphériques est devenue essentielle pour pouvoir utiliser à bon escient des mesures de concentrations atmosphériques faites par des stations localisées plus proches des sources d’émissions et/ou par des satellites dans les systèmes inverses.

3.5. Les limitations de la modélisation inverse

Conclusions du chapitre

Ce chapitre a permis de se familiariser avec les principes théoriques de la modélisa- tion inverse à travers un exemple simple à deux dimensions et une présentation des contraintes qui accompagnent l’utilisation des systèmes inverses en sciences atmosphé- riques. Le système inverse du LSCE a été décrit en détaillant les trois modules princi- paux le constituant :

— le modèle de chimie simplifié, SACS

— la version « offline » de LMDz pour simuler le transport atmosphérique — le module d’inversion, PYVAR

Ce système s’appuie également sur différentes composantes (information a priori, don- nées atmosphériques, matrices d’erreurs, etc.) dont la prise en compte fait apparaître plusieurs limitations. L’une des limitations majeures de la modélisation inverse est as- sociée aux erreurs liées à la représentation du transport atmosphérique par le modèle de chimie-transport.

S’appuyant sur ces constats, une large partie de ma thèse a été consacrée au rôle de la modélisation des concentrations atmosphériques de gaz traces par le modèle global LMDz sur les inversions de méthane atmosphérique par PYVAR. Avant de chercher à comprendre et diminuer les erreurs de modélisation (chapitre5) afin d’améliorer le bi- lan mondial du méthane (chapitre6), on présente, dans le chapitre suivant, une étude visant à quantifier l’impact des erreurs de transport sur les inversions de sources et puits de méthane au cours des années 2000. Cela nous permet alors de quantifier plus précisément le degré de confiance que l’on peut accorder aux estimations des sources et puits de méthane aux échelles planétaire et régionales vis-à-vis des erreurs de transport.

CHAPITRE

4

Impact de l’erreur transport

sur les inversions de méthane

des années 2000

L

E MODÈLEde chimie-transport est un élément fondamental des sytèmes inverses car il permet de relier l’espace des flux à l’espace des concentrations. Cependant, une mauvaise représentation du transport atmosphérique engendre une estimation erronée des flux de méthane. Malheureusement, il n’existait pas, au début de ma thèse et à notre connaissance, d’études quantifiant l’impact des erreurs de transport sur les flux de méthane optimisés par modélisation inverse. Dans ce chapitre, on propose alors une expérience visant à quantifier la confiance que l’on peut accorder dans les flux de méthane relativement aux incertitudes existant sur la modélisation du transport atmosphérique.

Les résultats de ce chapitre ont fait l’objet d’une publication dans le journal Atmos- pheric, Chemistry and Physics : "Impact of transport model errors on the global and regional methane emissions estimated by inverse modelling" en juin 2013, qui est citée comme Locatelli et al. (2013) dans ce manuscrit. La présentation générale de l’étude est exposée dans la section 4.1 tandis que les principaux résultats sont résu- més dans la section 4.2. L’intégralité de la publication est exposée en section4.3. On présente également des études complémentaires à cette publication dans la section4.4.

4.1

Objectifs de l’étude

Cette étude propose de quantifier l’impact des erreurs de modélisation du transport atmosphérique sur les estimations des sources et puits de méthane par modélisation inverse pour les années 2000.

L’impact des erreurs de modélisation sur les inversions atmosphériques est quantifié à partir d’une intercomparaison de différentes inversions utilisant le système variationnel PYVAR-LMDz-SACS et différents jeux de pseudo-observations de concentrations de sur- face. Ces jeux de pseudo-observations ont été créés à partir de simulations de différents modèles de chimie-transport, effectuées selon un protocole identique, caractérisant ainsi la diversité des modèles existant dans la communauté internationale (Patra et al.,

2011).

En conséquence, les écarts entre les pseudo-observations et les concentrations simu- lées à différentes stations de surface par LMDz-SACS sont représentatifs des diffé- rences de modélisation du transport entre LMDz-SACS et les différents modèles de chimie-transport. Les différentes inversions utilisant ces pseudo-observations comme contraintes permettent alors de quantifier, dans les émissions a posteriori, l’impact des

erreurs de modélisation sur les inversions.

Les différentes inversions ont été menées en utilisant rigoureusement les mêmes com- posants (erreurs a priori, erreurs d’observation, corrélation spatiale des flux a priori, condition initiale, émission a priori, puits chimique) du système inverse. Seul le jeu de pseudo-observations utilisé distingue chacune des différentes inversions. A noter également que les différentes simulations utilisées pour créer les pseudo-observations ont été réalisées en utilisant le même flux qui est également utilisé comme a priori dans nos inversions. On parle alors de flux « target » puisque dans le cadre de notre expérience utilisant des pseudo-observations on connaît alors le flux vrai vers lequel devraient converger les inversions si les erreurs de modélisation n’avaient aucun im- pact.