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6.5 Variabilité interannuelle des émissions de méthane entre 2006 et 2012

6.5.2 La période 2009-2012

A partir du printemps 2008, on retrouve un bon accord de l’ensemble des inversions à l’échelle globale (figure 6.9). Ces simulations inverses estiment une baisse régulière des émissions jusqu’à mi-2009. A l’échelle planétaire, les émissions passent de 528.3 TgCH4.an−1 en 2007 à 515.1 TgCH4.an−1 en 2009. Cette baisse apparaît corrélée

avec la baisse des émissions dans les régions tropicales (figure 6.9) et notamment en Amérique du Sud tropicale (figure 6.11). De plus, cela est en accord avec l’étude de

Crevoisier et al. (2013). En effet, dans cette étude, les auteurs rapportent l’évolution des concentrations de méthane en milieu de troposphère dans les tropiques à partir des données de l’interféromètre IASI (instrument à bord du satellite MetOp) et montrent une diminution du taux de croissance du méthane en milieu troposphère dans les tropiques après 2008. L’une des explications est la diminution des précipitations dans les tropiques au cours de cette période, et suggère donc un lien avec les émissions par les zones inondées. Le tableau6.6témoigne également d’une baisse des émissions dans les régions extra-tropicales de l’hémisphère nord : les émissions passent de 200.9 TgCH4 en 2007 à 191.2 TgCH4 en 2009. Finalement, les tendances négatives appa-

raissant dans les émissions en Europe et en Amérique du Sud tropicale sur la figure

6.11permettent d’attribuer à des zones géographiques plus précises la diminution des émissions des régions tropicales et des régions extra-tropicales de l’hémisphère nord.

Le début de l’année 2010 est marqué par une forte augmentation des émissions à l’échelle planétaire. En effet, la moyenne des émissions globales passent de 515.1 TgCH4.an−1 en 2009 à 533.2 TgCH4.an−1 en 2010. Cette augmentation atteint son

GLOBAL 2007 2008 2009 2010 2011 2012 −20 −10 0 10 20 GLOBAL 2007 2008 2009 2010 2011 2012 −20 −10 0 10 20 LMDz−TD LMDz−SP LMDz−NP BG EXT PR−LEI TROPIQUES 2007 2008 2009 2010 2011 2012 −20 −10 0 10 20

EXTRA−TROPICAL ; HEMISPHERE SUD

2007 2008 2009 2010 2011 2012 −10 −5 0 5 10

EXTRA−TROPICAL ; HEMISPHERE NORD

2007 2008 2009 2010 2011 2012 −20 −10 0 10 20

FIGURE6.10: Anomalie des émissions de méthane (en Tg de CH4par an) en prenant la

période juin 2009 à juin 2011 comme période de référence. Les résultats sont présentés à l’échelle globale, pour les tropiques, les régions extra-tropicales des hémisphères nord et sud pour LMDz-TD (rouge), LMDz-SP (vert) et LMDz-NP (bleu).

années 2011 et 2012. L’attribution de cette anomalie semble sans équivoque puisque l’ensemble des inversions estiment une forte augmentation des émissions dans les tropiques. En moyenne, l’augmentation de l’anomalie dans les tropiques atteint 18.1 TgCH4.an−1 mais elle est plus prononcée dans les inversions assimilant les données

satellites, qui contraignent mieux les régions tropicales. En effet, l’anomalie des émis- sions dans les tropiques atteint 20 TgCH4.an−1 pour les inversions satellites, alors

qu’elle atteint tout juste 10 TgCH4.an−1 pour les inversions de surface (Figure6.10).

Le tableau 6.6 présentant les bilans par régions confirme ces résultats car il indique que les émissions tropicales sont passées de 312.0 TgCH4 en 2009 à 321.4 TgCH4 en

2010.

Si l’on s’intéresse à la répartition régionale de l’anomalie dans les tropiques (voir figure

6.11), on s’aperçoit que les émissions en Amérique du Sud tropicale et en Asie du Sud-Est ont augmenté respectivement, en moyenne, de plus de 3 TgCH4et 4 TgCH4au

cours de cette période. Ainsi, contrairement à l’anomalie détectée dans les tropiques en 2007, cette anomalie semble partagée entre différentes régions tropicales. Il est intéressant de noter que le phasage des anomalies est différent selon les différentes versions du système inverse. En Asie du Sud-Est, l’inversion basée sur LMDz-NP estime le pic de l’anomalie quelques mois plus tôt que dans les inversions basées sur LMDz-TD et LMDz-SP. Au contraire, en Amérique du Sud, l’inversion satellite basée sur LMDz-TD estime une anomalie plus précoce que les inversions basées sur LMDz-SP et LMDz-NP. De plus, la moyenne du maximum de la moyenne glissante sur 12 mois des émissions en 2010 atteint 538.1 TgCH4.an−1 et est supérieure au 531.4 TgCH4.an−1 atteint en

6.5. Variabilité interannuelle des émissions de méthane entre 2006 et 2012

2007 2008 2009 2010 2011 2012

−5 0 5

AMERIQUE SUD TROPICALE

2007 2008 2009 2010 2011 2012 −5 0 5 LMDz−TD LMDz−SP LMDz−NP BG EXT PR−LEI ASIE DU SUD−EST 2007 2008 2009 2010 2011 2012 −10 −8 −6 −4 −2 0 2 4 CHINE 2007 2008 2009 2010 2011 2012 −15 −10 −5 0 5 10 15 EUROPE 2007 2008 2009 2010 2011 2012 −10 −5 0 5 10

FIGURE6.11: Anomalie des émissions de méthane (en Tg de CH4par an) en prenant la

période juin 2009 à juin 2011 comme période de référence. Les résultats sont présentés pour l’Amérique du Sud tropicale, l’Asie du Sud-Est, la Chine et l’Europe.

(533.2 TgCH4) (Tableau 6.6). Sachant que la période 1999-2006 a été marquée par

une longue période de stagnation des concentrations atmosphériques de méthane sans forte tendance des radicaux OH (Montzka et al.,2011), on peut affirmer avec un niveau de confiance élevé que la quantité de méthane émise au cours de l’année 2010 a été la plus importante depuis le début des années 2000, ce qui en fait une année singulière. Il faut également remarquer que cette anomalie ne se limite pas exclusivement à l’année 2010 car elle semble réellement cesser à la fin du premier trimestre de l’année 2011.

L’anomalie observée en 2010-2011 dans les résultats des inversions pour les ré- gions tropicales est très probablement liée à des conditions climatiques particulières. La figure6.12présente l’évolution temporelle des occurences d’événements El Niño/La Niña à partir du calcul de l’indice El Niño océanique (Trenberth and Hoar, 1997). Cet indice fait partie de l’un des indices permettant de détecter l’occurence d’un évé- nement El Niño ou La Niña. Il prend en compte l’anomalie de la température de la surface de la mer dans la région Niño 3.4 (latitudes comprises entre 5 ˚ N et 5 ˚ S et longitudes comprises entre 120 ˚ O et 170 ˚ O) et un événement El Niño (La Niña) a lieu lorsque l’anomalie est supérieure à +0.5 degré (inférieure à -0.5 degré) sur une période supérieure à 5 mois consécutifs comme il est décrit dansTrenberth and Hoar

(1997). La figure 6.12montre l’occurence de deux événements La Niña en 2007-2008 et 2010-2011 qui coïncident fortement avec les deux anomalies majeures relevées dans les régions tropicales depuis 2006. L’impact de ENSO (El Niño Southern Oscillation) sur les émissions liées aux feux de biomasse a été étudié parvan der Werf et al.(2006), tandis que l’impact de ENSO sur les émissions par les zones humides est étudié dans

Hodson et al. (2011). Hodson et al.(2011) ont notamment montré une forte corréla-

JAN 00 JAN 01 JAN 02 JAN 03 JAN 04 JAN 05 JAN 06 JAN 07 JAN 08 JAN 09 JAN 10 JAN 11 JAN 12 JAN 13 JAN 14 −2 −1 0 1 2

Index − El Nino (Moyenne glissante sur 3 mois)

JAN 00 JAN 01 JAN 02 JAN 03 JAN 04 JAN 05 JAN 06 JAN 07 JAN 08 JAN 09 JAN 10 JAN 11 JAN 12 JAN 13 JAN 14

−2 −1 0 1 2

Index − El Nino (Moyenne glissante sur 3 mois)

2002−2003

2009−2010

2007−2008 2010−2011

1999−2000

FIGURE6.12: Evolution temporelle de l’indice El Niño relativement à la région Niño 3.4

(Trenberth and Hoar,1997) entre 2000 et 2014. Les événements El Niño sont marqués

en rouge tandis que les événements La Niña sont repérés en bleu.

et les événements El Niño/La Niña. Il est montré qu’une anomalie moyennne de -9 ± 3 TgCH4.an−1 se produit durant les événements El Niño et qu’au contraire une anomalie

positive moyenne de +8 ± 4 TgCH4.an−1a lieu durant les événements La Niña. Ici, on

retrouve une anomalie moyenne dans les tropiques de 5.1 TgCH4.an−1 en 2007-2008

comparée à 2006 et de 10.3 TgCH4.an−1 en 2010-2011 comparée à 2009, dans la

gamme des émissions deHodson et al.(2011). Il est fort probable que l’anomalie des émissions dans les tropiques en 2007 et 2010 soit liée à ces événements climatiques majeurs, comme l’ont évoqué Bousquet et al. (2011), Dlugokencky et al. (2011) et

Bloom et al. (2010). Cependant, l’anomalie positive tropicale présente en 2010 en

Amérique du Sud tropicale semble en désaccord avec le probable impact négatif sur les flux de méthane imposé par la sécheresse subie par l’Amazonie en 2010 (Lewis et al.,

2011). Nous revenons sur ce point important dans la section6.5.3.

A partir du milieu de l’année 2011 et jusqu’au milieu de l’année 2012, on constate une persistance de fortes émissions de méthane à l’échelle globale (autour de 530 TgCH4.an−1) malgré un retour à des quantités de méthane émises dans les tropiques

moins élevées. Cependant, une hausse des émissions se produit au début de l’année 2012, qui est très probablement attribuable aux émissions anthropiques en Asie avec une forte contribution de la Chine (augmentation de ≈10 TgCH4) au cours de la même

période (figure6.11).